MAIL Les Généralistes CSMF /// Mardi 26 septembre 2023

MÉDECIN DE FAMILLE : FERMER SON CABINET À PARTIR DU 13 OCTOBRE OU MOURIR À PETIT FEU…

D’année en année – et l’année 2023 en est la caricature –, les exemples se multiplient, démontrant que tant à l’hôpital qu’en ville la qualité des soins n’est plus une priorité pour notre gouvernement.

À l’hôpital, des milliers de lits ont été fermés faute de professionnels de santé, provoquant une embolisation des services d’urgence qui étaient restés ouverts et imposant, pour bon nombre de patients, un retour à domicile dans des conditions souvent très précaires, avec parfois des retours aux urgences dans des délais très rapides. Des médecins exerçant dans des centres 15 nous ont décrit des situations qu’ils ont dû gérer comme de la médecine de catastrophe, c’est-à-dire choisir le patient qui pourrait bénéficier d’une prise en charge optimale, et cela au détriment d’un autre patient qui, faute de moyens, subirait une perte de chance du fait d’une prise en charge selon un mode dégradé.

En ambulatoire, la situation n’est pas meilleure.

De plus en plus de médecins généralistes libéraux, toutes générations confondues, se détournent du métier de médecin de famille, car harcelés par l’Assurance maladie pour leurs arrêts de travail, confrontés à un modèle économique qui n’est plus viable en libéral en secteur 1 et promis à des contraintes encore plus grandes dans leur exercice en termes de fin de liberté d’installation et d’obligation de participer aux gardes en ville et à l’hôpital. Ces médecins choisissent alors par défaut un exercice moins contraignant : médecin salarié en centre de santé, médecin dans un centre de soins non programmés, médecin régulateur, médecin travaillant pour les plateformes de téléconsultations.

Si notre gouvernement actuel ne peut être jugé responsable de toutes les situations engendrées par trente ans de politique de santé désastreuse générant une démographie médicale de plus en plus déficitaire, il est, en revanche, totalement responsable de l’aggravation de ces situations, soit par manque de courage politique de s’attaquer à une réforme en profondeur de l’hôpital et de son rôle dans notre système de santé, soit par la volonté de diminuer le budget consacré à la santé des Français pour réduire le déficit budgétaire de la France plutôt que d’investir pour améliorer l’accès à des soins de qualité.

Les exemples sont multiples.

Quelle logique à tenter de maintenir ouverts à tout prix toutes les nuits dans des départements de 300 000 habitants trois services d’urgence, trois maternités, trois blocs de chirurgie orthopédique et trois blocs de chirurgie viscérale ? La ressource humaine s’y faisant de plus en plus rare, de telles situations ont parfois de graves répercussions sur la qualité des soins dispensés.

En ambulatoire, ce gouvernement a choisi la voie démagogique de libéraliser l’accès aux soins, quitte à ce qu’ils soient parfois de piètre qualité :

– des téléconsultations remboursées par l’Assurance maladie devenue vache à lait de plateformes nationales pour lesquelles différentes enquêtes ont démontré la qualité souvent médiocre des prises en charge et la pression mise sur les médecins pour augmenter la rentabilité de ces entreprises ;
– la volonté du gouvernement, lors des négociations conventionnelles du début d’année, de permettre à chaque médecin libéral de pratiquer plus de 50 % de son activité en téléconsultations, cela ne pouvant se faire bien sûr qu’en abandonnant une partie de sa patientèle ;
– rémunérer 25 euros la consultation des médecins traitants, y compris pour des consultations complexes et longues de trente à quarante-cinq minutes, remet en cause leur mode d’exercice libéral en secteur 1 et laisse à penser que leur rôle dans le parcours de santé des Français est devenu accessoire pour ce gouvernement ;
– permettre des prises en charge de certaines pathologies (infection urinaire, maux de gorge, renouvellement d’ordonnances…) par des pharmaciens en laissant croire que cela n’altérera pas la santé de certains patients et alors que la mise en place d’un service d’accès aux soins (SAS) dans tous les départements français permet une prise en charge médicale de toutes ces pathologies.

Ce gouvernement a donc décidé que le budget consacré à la santé allait devenir une variable d’ajustement du déficit de l’État.

Pour les médecins généralistes, qui ont le métier de médecin de famille libéral chevillé au corps, s’éloigne alors la perspective d’une convention médicale bénéficiant des moyens nécessaires pour préserver la qualité des soins délivrés aux Français. Il ne leur restera que la voie de la désobéissance tarifaire ou du déconventionnement pour ne pas subir l’humiliation du 26,50 euros (31,40 euros pour les DROM) et du retour des gardes obligatoires, y compris dans les services d’urgence hospitaliers, promis par la loi Valletoux pour les médecins généralistes libéraux.

Un acteur est jusque-là resté étonnamment silencieux alors qu’il est la première victime de la politique de santé de ce gouvernement : l’usager, c’est-à-dire potentiellement tous les Français, dont la prise en charge de la santé ne cesse de se détériorer.

Ce gouvernement pourrait-il rester sourd si, à la colère des médecins, se joignait la colère des Français ?

Si tous les syndicats de médecins libéraux avec Médecins pour demain ont appelé à une fermeture des cabinets médicaux à partir du 13 octobre dans le cadre d’une grève reconductible, c’est parce qu’il n’existe aucun autre moyen de parvenir à l’ouverture de négociations conventionnelles auxquelles le gouvernement donnerait les moyens de parvenir à un accord.

Face à un système de santé qui se détériore de plus en plus et que le gouvernement traite avec des sparadraps, les médecins libéraux deviennent, par cette grève, les porte-paroles des patients afin que cesse cette politique de gribouille et qu’on leur donne les moyens d’assurer des soins de qualité à tous les Français. À ce stade, toutes les pistes doivent être explorées, y compris celle de créer un espace de liberté tarifaire pour les médecins libéraux de secteur 1 dans le cadre d’un Optam* revisité.

Aujourd’hui, nous n’avons plus le choix qu’entre créer un séisme qui ébranle ce gouvernement qui nous maltraite, ou mourir à petit feu.

Dr Luc DUQUESNEL,
Président Les Généralistes CSMF

* Optam : Option pratique tarifaire maîtrisée.

Pour en savoir plus sur la grève, cliquez ici.
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Grève reconductible à partir du 13 octobre : “La situation actuelle ne peut plus durer”

En décembre dernier, les médecins battaient le pavé pour défendre leurs conditions d’exercice et plaider pour une augmentation du tarif de leurs consultations. Ce 13 octobre, les syndicats, unis, appellent à nouveau à une grève massive et reconductible afin de pousser le Gouvernement à débloquer plus de moyens pour la médecine de ville, alors qu’ils attendent toujours une reprise des négociations conventionnelles. Pour le Dr Luc Duquesnel, président Les Généralistes-CSMF, il est urgent de réagir : “Le modèle actuel n’est plus viable pour les médecins libéraux de secteur 1”, prévient-il…

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