ATTERRISSAGE À TRÈS HAUT RISQUE…
Il y a quatre mois, le directeur de la Cnam a embarqué les syndicats de médecins libéraux pour un vol dont la destination devrait être la signature d’une convention médicale. Le plan de vol avait comme principale priorité de parvenir à créer un choc d’attractivité pour le métier de médecin traitant afin d’améliorer l’accès aux soins qui devient de plus en plus difficile pour beaucoup de Français.
Le plan de vol, défini par le ministre de la Santé d’alors, Aurélien Rousseau, avait été enrichi de documents visant le suivi des patientèles au long cours où la prévention a un rôle majeur à jouer, mais aussi sur la pertinence et la qualité des soins et des prescriptions dans un contexte de très forte dynamique des dépenses de santé. Les médecins généralistes sont prêts à s’engager sur des objectifs atteignables s’ils disposent des outils leur permettant de ne pas augmenter leurs tâches administratives pour remplir ces nouvelles missions.
Le 14 mars, Thomas Fatôme et Marguerite Cazeneuve, pilote et copilote de ce vol, ont annoncé que nous approchions de la destination finale et que l’atterrissage aurait lieu au mois d’avril.
On ne peut nier de réelles avancées obtenues pour les médecins traitants parmi lesquelles la revalorisation de la consultation de base, la création d’une consultation longue (CL), l’augmentation du forfait patientèle médecin traitant (FPMT), la diminution du nombre d’indicateurs de santé publique, la possibilité de coter certains actes techniques avec un acte clinique, la mise en place de mesures visant à mettre un coup d’arrêt à des pratiques dispendieuses et déviantes de certaines plateformes de téléconsultation et de certains centres de soins non programmés.
Vu qu’il nous reste encore quelques heures de vol, il est urgent de se poser la question de savoir si ces éléments vont nous permettre de créer le choc d’attractivité tant attendu pour le métier de médecin traitant.
La réponse est très clairement non.
Le médecin généraliste devient un médecin de seconde zone pour la prise en charge de la pédiatrie puisque, pour certaines consultations au contenu identique, il sera moins bien rémunéré que le pédiatre.
La possibilité de ne coter qu’une seule CL par an pour les patients de plus de 80 ans est déconnectée de la complexité de la prise en charge de ces patients, d’autant plus que les majorations de sortie d’hospitalisation sont supprimées.
L’absence de prise en compte des efforts réalisés par les médecins qui effectuent encore des visites à domicile va engendrer encore plus de passages aux urgences pour les patients qui ne peuvent se déplacer au cabinet de leur médecin.
Quelle logique conduit à diminuer le forfait pour les jeunes médecins en exercice coordonné qui vont s’installer en zone d’intervention prioritaire ?
Alors que le Premier ministre a fait des services d’accès aux soins (SAS) une priorité, pourquoi diminuer le forfait annuel des médecins participant au SAS et même l’interdire aux médecins qui n’utiliseraient pas la plateforme numérique nationale parce que, utilisant d’autres outils, ils n’en n’ont pas besoin ?
Pourquoi le forfait destiné aux médecins qui effectuent des consultations dans des cabinets secondaires exclut-il les médecins généralistes ?
Alors que, lors du focus qui lui a été consacré, il a été démontré que l’exercice médical libéral dans les départements et régions d’outre-mer et en Corse avait des contraintes et des coûts supérieurs à ceux de la métropole, ces médecins doivent se contenter d’une majoration pour les transports en pirogue !
Enfin, comment ne pas répondre à cette demande des remplaçantes en médecine libérale face à l’absence de congé maternité ? Une telle situation ne peut que les inciter à préférer l’exercice salarié.
Nous avons donc encore quelques jours pour apporter des réponses concrètes sur ces sujets afin d’éviter que de fortes turbulences rendent l’atterrissage très périlleux.
Reste le sujet du calendrier d’application des mesures tarifaires.
Si le président de la République et le ministre des Finances demandent à notre pilote et à notre copilote d’abandonner les commandes de l’avion pour gérer eux-mêmes ce calendrier dans le cadre d’une politique de restriction budgétaire reportant les revalorisations nécessaires aux calendes grecques, ce sera le crash assuré pour tous ceux qui ont pris ce vol il y a quatre mois.
Dr Luc DUQUESNEL,
Président du syndicat Les Généralistes-CSMF
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