ATTENTION À LA CHUTE DU SAPIN !
Ceci est tellement rare que chacun se félicite pour l’excellent climat dans lequel se déroulent les négociations conventionnelles débutées il y a plus d’un mois.
L’Assurance maladie écoute attentivement et prend note des mesures nécessaires pour rendre attractif, entre autres, le métier de médecin traitant. De l’autre côté, les syndicats médicaux, porte-parole des médecins libéraux, se retrouvent parfois de façon œcuménique à tous plébisciter un forfait comme celui de la patientèle du médecin traitant (FMPT) en demandant son augmentation.
Pour autant, chacun sait que le plus dur est devant nous, car, début 2024, Noël sera derrière nous et que le directeur de la Cnam n’est pas le Père Noël ! Le contenu de sa hotte risque de sembler bien maigre aux médecins traitants à la fin de cette négociation qui devrait survenir au mois de mars 2024, et ceci d’autant plus qu’il s’agira d’une convention qui aurait dû être signée en 2021, soit trois ans d’économies réalisées au détriment des médecins libéraux alors que l’hôpital bénéficie régulièrement de financements importants pour revaloriser ses professionnels de santé !
La principale épée de Damoclès au-dessus de la tête des négociateurs est celle de l’enveloppe financière dédiée à cette convention. Même si nous ne connaissons pas son montant exact, nous savons qu’il s’agit du même montant que celle dédiée à la négociation de l’hiver dernier de laquelle sera déduit le coût lié aux revalorisations du règlement arbitral.
Au mois de février dernier, les syndicats ont refusé de signer le texte conventionnel imposé par l’Assurance maladie, car, ne répondant pas aux critères du contrat d’engagement territorial (CET), 30 à 40 % des médecins traitants (20 % selon l’Assurance maladie) n’allaient pas bénéficier des revalorisations prévues. Pour les autres médecins spécialistes, seuls 30 % (50 % selon l’Assurance maladie) d’entre eux allaient en bénéficier.
L’idée du CET ayant été heureusement abandonnée, nous nous retrouvons donc dans la situation où l’enveloppe financière du mois de janvier dernier concernera maintenant tous les médecins libéraux et non pas une partie d’entre eux. En cas de succès en 2024 de la négociation en cours, chaque médecin percevra donc des revalorisations inférieures à celles qui figuraient dans le texte de février 2023.
La seule variable d’ajustement de l’enveloppe est celle liée aux économies générées dans le cadre d’une politique de « pertinence et de qualité des soins » concernant individuellement chaque médecin libéral. Si nous ne pouvons qu’adhérer au principe d’une telle politique, mais nous la pratiquons déjà, la méthode choisie risque de se limiter à une simple maîtrise comptable dont les premières victimes seraient la qualité des soins et donc les patients. Pourtant, d’autres moyens existent comme l’ont démontré les évaluations des Groupes Qualité de médecins traitants mis en place dans cinq régions françaises.
Une autre épée de Damoclès menace ces négociations : c’est la tentation de l’Assurance maladie d’entrer en conflit avec les médecins généralistes de plus en plus nombreux qui se sont engagés sur la voie de la désobéissance tarifaire. Ne pouvant attendre une consultation à 30 € en décembre 2024 en cas de succès de la négociation en cours, ils l’ont souvent fait pour retrouver un semblant de dignité dans l’exercice de leur métier mais aussi par nécessité pour sauvegarder l’équilibre économique précaire de leur exercice libéral et toujours avec l’approbation de leurs patients. Le temps de l’affrontement et du rapport de force n’est pas propice au déroulé de négociations sereines même s’il peut être l’occasion d’obtenir, comme en 2002, des revalorisations inespérées (C à 20 € et V à 30 € obtenus en mai 2002).
Espérons que rendre attractif le métier de médecin traitant libéral au travers de cette négociation conventionnelle ne soit pas comparable à s’affronter à la quadrature du cercle, c’est-à-dire une impossibilité à y parvenir du simple fait du choix de ce gouvernement de ne pas mettre les moyens financiers suffisants pour répondre aux enjeux partagés par tous, syndicats et Assurance maladie, lors de l’ouverture de cette négociation conventionnelle.
La CSMF a proposé un autre moyen pour répondre aux enjeux de cette négociation conventionnelle : l’option pratique tarifaire maîtrisée (Optam) pour tous les médecins libéraux, c’est-à-dire la possibilité de pratiquer des dépassements tarifaires solvabilisés et donc sans reste à charge supplémentaire pour les patients. Malheureusement, le Ministre de la Santé et le Directeur de la Cnam restent opposés à cette proposition.
À l’issue de cette négociation conventionnelle, nous saurons si, aux yeux de ceux qui nous gouvernent, le médecin généraliste traitant libéral a encore un avenir dans notre système de santé en tant que chef d’orchestre du parcours de santé des Français. Un échec de cette négociation ou une « convention a minima » signera son certificat de décès à terme malgré toutes les déclarations qui se veulent rassurantes de notre ministre.
Dr Luc DUQUESNEL,
Président du syndicat Les Généralistes-CSMF
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