Après plus de six mois de négociations parfois tendues, la nouvelle convention médicale a été adoptée par une majorité de syndicats de médecins libéraux. Elle sera officiellement signée par les partenaires conventionnels ce mardi 4 juin en fin d’après-midi. Voici ce qu’elle contient.
C’est la fin d’un feuilleton qui aura duré plus de six mois. Ayant obtenu le feu vert de la majorité des syndicats de médecins libéraux, la nouvelle convention médicale va enfin pouvoir s’appliquer. Seule l’UFML l’a rejetée, Avenir Spé-Le Bloc réservait son avis pour ce lundi soir. Le texte entérine une hausse du G à hauteur de 30 euros dès le mois de décembre 2024, ainsi que plusieurs revalorisations progressives pour plusieurs spécialités cliniques en bas de l’échelle. Elle intègre également plusieurs engagements en faveur de l’accès aux soins, auxquels les médecins libéraux devront collectivement s’engager à remplir.
Egora fait le point sur les mesures phares de cette nouvelle convention, qui va courir jusqu’en 2028 et représente un investissement de 1,6 milliard d’euros pour la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam).
Une hausse du G et de l’APC
Condition sine qua non pour une reprise des discussions après l’échec de février 2023, l’augmentation du G à hauteur de 30 euros entrera en vigueur dès le mois de décembre prochain, après les six mois de stabilisateurs économiques. Si la Caisse nationale de l’Assurance maladie s’était dit prête dès le mois de février à financer cette augmentation, celle-ci n’avait précisé le calendrier d’application de la mesure. Pour les syndicats, il était hors de question d’attendre 2025 pour obtenir cette hausse, qui, ont-ils conjointement rappelé, correspond à un rattrapage de l’inflation. Au terme de la dernière séance marathon de négociations, qui s’est tenue les 16 et 17 mai derniers, les syndicats ont obtenu gain de cause sur ce volet.
L’avis ponctuel de consultant (APC) sera également réhaussé en décembre prochain, à 60 euros. Objectif : valoriser l’expertise de second recours. Si la Caisse avait un temps suggéré que cet acte puisse être facturé sur adressage “écrit” du médecin traitant ou d’un confrère d’une autre spécialité, celle-ci a fait marche arrière sur ce dernier point. Face aux levées de boucliers de MG France, qui considérait cette mesure comme une “ligne rouge”, la Caisse a proposé de restreindre l’élargissement de l’APC à la prise en charge du patient n’ayant pas de médecin traitant lorsqu’il est hospitalisé. Néanmoins, des réflexions autour de cet avis ponctuel de consultant se poursuivront dans le cadre d’un groupe de travail, “qui pourra proposer des évolutions à l’horizon mi-2025”, a précisé la Cnam.
Des revalorisations pour les spés en bas de l’échelle des revenus
Des revalorisations ciblant certaines spécialités cliniques en bas de l’échelle des revenus ont également été décidées. Elles entreront en vigueur progressivement : une partie des revalorisations pour décembre 2024, l’autre en juillet 2025. Ainsi, la consultation de référence des psychiatres et des neurologues est revalorisée à 50 euros puis à 52 euros au 1er juillet 2025 ; celle des gynécologues passe à 32 euros puis 35 euros au 1er juillet 2025 ; celle des gériatres, à 32 euros puis à 37 euros au 1er juillet 2025 ; et, enfin, la consultation des médecins spécialisés en médecine physique et réadaptation passe à 31 euros puis 35 euros en juillet 2025.
Les consultations de l’enfant font, elles aussi, l’objet d’une revalorisation. Les trois examens obligatoires de l’enfant donnant lieu à certificat pourront être facturés 54 euros puis 60 euros au 1er juillet 2025. Pour les consultations de suivi, les généralistes bénéficient d’une majoration (MEG) de 5 euros pour la prise en charge des enfants de moins de 6 ans. Du côté des pédiatres, la consultation CEH des enfants de 0 à moins de 2 ans passe à 39 euros puis 40 euros au 1er juillet 2025 ; la consultation CEK des enfants de 2 ans à moins de 6 ans à 35 euros ; la consultation CEG pour les 6 ans et plus à 31,50 euros. La majoration MP des psychiatres est portée quant à elle à 12 euros, puis 18 euros dès le 1er juillet 2025, et est élargie aux jeunes de 16 à 25 ans.
Le point travail des actes CCAM sera lui aussi augmenté en deux temps : +1.5 point en fin d’année 2024, +1.5 point en milieu d’année 2025. Une enveloppe de 240 millions d’euros sera par ailleurs provisionnée pour la revalorisation des actes techniques une fois que la révision de cette nomenclature sera terminée.
Expérimentation de la capitation en équipe
Est également mis en place dans le cadre de cette convention un dispositif collectif de rémunération forfaitaire. Il permet à une équipe de professionnels de santé (minimum trois généralistes et une infirmière conventionnés) d’être rémunérée collectivement par un forfait substitutif à l’acte. En somme, il s’agit d’un paiement par capitation. “La patientèle médecin traitant concernée par le forfait doit s’élever au minimum à 250 patients”, stipule le texte final qui a été soumis au vote des syndicats.
Création d’une consultation longue
Demandée de longue date par les syndicats de généralistes, la consultation longue du médecin traitant pour les patients de 80 ans et plus voit également le jour. Valorisée à 60 euros, elle pourra être cotée jusqu’à trois fois par an et par patient dans chacune des situations suivantes : la sortie d’hospitalisation, la déprescription pour les patients hyperpolymédiqués, le remplissage du dossier Apa.
Ouverture du cumul d’actes
La convention 2024 ouvre la possibilité aux médecins libéraux de cumuler à 100 % un certain nombre d’actes techniques avec les consultations. Notons, par exemple, pour les endocrinologues, l’échographie de la glande thyroïde ; pour les rhumatologues et généralistes, les ponctions et infiltrations des articulations ; pour les gynécologues et les généralistes, la pose et le changement de DIU ; pour les pneumologues, l’échographie pleurale et la spirométrie standard pour le dépistage de la BPCO ; etc.
Un forfait médecin traitant revalorisé et simplifié
La convention 2024 a vocation à simplifier le forfait médecin traitant (FMT), et surtout, à lui donner une plus grande place. Les syndicats ont obtenu que ce forfait pour les patients de moins de 80 ans en ALD soit porté à 55 euros, contre 53 prévus initialement. Il sera complété d’un forfait de prévention, qui prévoit une rémunération supplémentaire de 5 euros par indicateur de prévention, de dépistage et de suivi atteint chez chacun des patients MT, et par une dotation numérique. Ces deux rémunérations remplaceront la Rosp et le forfait structure. Ce nouveau forfait médecin traitant entrera en vigueur en 2026.
Une majoration d’un montant de 10 euros est appliquée pour chaque patient de la patientèle médecin traitant bénéficiaire de la complémentaire santé solidaire (CSS). “Le calcul du ‘forfait médecin traitant’ est établi de sorte qu’il soit toujours plus incitatif de prendre un patient dont le suivi est plus complexe”, lit-on dans le texte final. Les syndicats ont obtenu que soit intégrée dans la convention une “clause de sauvegarde” portant sur les rémunérations forfaitaires : leur masse ne pourra être inférieure à ce qu’elle représente aujourd’hui.
Soutien à l’embauche des assistants médicaux
Alors que plus de 6 000 assistants médicaux ont été embauchés depuis le lancement du dispositif, la nouvelle convention prévoit d’augmenter encore davantage les aides à l’emploi. Elles seront revalorisées de +5 % dès l’entrée en vigueur de la convention. C’est la seule mesure pour laquelle les six mois de stabilisateurs économiques ne s’appliqueront pas. Les médecins travaillant déjà avec un assistant médical pourront également bénéficier de cette revalorisation, a précisé l’Assurance maladie.
Création des équipes de soins spécialisées
Cette nouvelle convention pose par ailleurs un cadre règlementaire aux équipes de soins spécialisées (ESS). Financées jusqu’ici par le FIR (fonds d’intervention régional) des agences régionales de santé, ces ESS vont désormais bénéficier d’un financement de droit commun. Elles sont également officiellement définies : ces ESS sont des spécialistes d’une même spécialité qui se regroupent sur un territoire pour mieux s’organiser pour mieux répondre aux demandes du premier recours. La convention pose la contrainte de la présence d’au moins 10 spécialistes dans cette équipe.
Deux dotations sont prévues : un crédit d’amorçage de 80 000 euros et une dotation annuelle comprise entre 50 000 et 100 000, selon le nombre de médecins, pour les missions socles.
Par ailleurs, les consultations avancées de médecins spécialistes dans des zones sous-denses seront soutenues par le biais d’un forfait de 200 euros par demi-journée d’intervention.
Des aides à l’installation en hausse
Alors que de plus en plus d’élus alertent les pouvoirs publics sur la pénurie de médecins, l’Assurance maladie a prévu dans la convention un ensemble d’aides à l’installation. D’abord, une aide de 10 000 pour une installation en zone d’intervention prioritaire (ZIP), et de 5 000 euros en zone d’action complémentaire (ZAC). La Caisse a également souhaité “booster” le forfait médecin traitant pour les jeunes médecins qui s’installent dans des déserts : +50 % la première année, +30 % la deuxième année, et +10 % la troisième. Notons que le forfait médecin traitant sera également majoré pour les médecins de plus de 66 ans, tout comme les médecins exerçant déjà dans les déserts médicaux.
Les maitres de stage valorisés
Plusieurs missions spécifiques des médecins généralistes sont également valorisées. C’est notamment le cas de la fonction de maitre de stage universitaire qui sera valorisée en janvier 2026 à hauteur de 800 euros par an pour un médecin libéral installé en ZIP et 500 euros par an pour un médecin libéral installé hors ZIP.
Des engagements collectifs
Au-delà de ces avancées, le texte inclut dix engagements collectifs sur l’accès aux soins sur lesquels se sont engagés les partenaires conventionnels. Parmi eux, par exemple, le fait de réduire la part de patients en ALD sans médecin traitant, d’augmenter la file active moyenne des médecins libéraux, de raccourcir le délai moyen d’accès aux spécialistes, ou encore d’augmenter le nombre de primo-installés en médecine générale. “Ce ne sont pas des objectifs individuels, on ne va pas aller regarder individuellement si tel objectif est rempli, a assuré le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme. C’est une mobilisation collective.”
En outre, le texte comporte quinze programmes d’actions partagés reposant sur des engagements réciproques afin d’atteindre des objectifs communs de pertinence des soins. Citons par exemple l’ambition d’accroître la pertinence des prescriptions d’arrêts de travail et de ralentir l’évolution du nombre de jours d’arrêts de travail indemnisés de 2 % par an, ou encore de diminuer de 25 % en 2027 et de 10 % dès 2025 le volume d’antibiotiques.
Un observatoire sur l’accès aux soins et un observatoire sur les objectifs de pertinence seront créés, et réunis régulièrement.
Déconventionnement : un délai de deux ans pour revenir dans la convention
Alors que de plus en plus de médecins font le choix d’exercer en secteur 3, la Cnam a introduit dans la nouvelle convention un délai de deux ans pour se reconventionner. “À compter de l’entrée en vigueur de la présente convention, un médecin libéral conventionné qui renonce au conventionnement pourra adhérer de nouveau à la convention dans un délai de 2 ans à compter de la date de résiliation, stipule le texte final sur lequel les syndicats ont été invités à se prononcer. À l’issue de ce délai, le médecin peut formuler une nouvelle demande d’adhésion en conservant le secteur d’exercice auquel il appartenait, au moment de sa sortie de la convention.”
La disposition ne plaît guère au président de l’UFML, le Dr Jérôme Marty, à l’origine du mouvement de déconventionnement collectif lancé en mars 2023. Le généraliste de Fronton (Occitanie) a fait savoir sur ses réseaux sociaux que si la convention était signée, son syndicat déposerait un recours juridique contre “cette iniquité”.
Source :
www.egora.fr
Auteur : Louise Claereboudt
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