MÉDECIN TRAITANT : MÉDECIN EN DANGER ?
A l’heure où tant les programmes des différents candidats à l’élection présidentielle que les circulaires envoyées par le Ministère de la Santé aux Agences Régionales de Santé (ARS) pour la mise en œuvre de la Loi de Modernisation du Système de Santé (LMSS) dessinent ce que sera l’organisation de notre système de santé de demain, il est surprenant de voir certains acteurs de ce système remettre en cause ce qui semblait acquis pour tous : la place du médecin traitant dans cette organisation.
C’est tout d’abord l’hôpital, comme à Maubeuge, Lorient ou Grigny, qui décide de créer des maisons médicales pour répondre aux demandes de soins urgents de la population. Y exerceront des médecins salariés de ces hôpitaux. Quelles motivations animent leurs directeurs, sinon une idéologie antilibérale, puisque dans ces territoires les professionnels de santé libéraux se sont réorganisés autour des médecins traitants pour répondre à ces demandes ? Le silence coupable de notre Ministre et des ARS pose une véritable question : quel est ce nouveau parcours de santé qui se dessine puisque qu’il n’y aurait plus besoin de disposer du dossier médical du patient (antécédents, suivi médical, traitements, …) pour prendre en charge des patients poly-pathologiques présentant une pathologie aiguë ?
L’annonce cette semaine par la Fédération Hospitalière de France (FHF) de la création d’un nouveau poste, celui de directeur de projet, chargé de "la proximité, de l’accessibilité des soins et de l’ouverture de l’hôpital sur la ville", doit inquiéter si cette ouverture doit se transformer en annexion des soins de premier recours.
C’est ensuite la volonté de certaines spécialités médicales de considérer comme obsolètes les notions de premier et de deuxième recours et de remettre en cause l’existence même du médecin généraliste/médecin traitant pour le transformer en médecin traitant/médecin d’organe. Ainsi, un patient, à certains moments de son parcours de soins, verrait le médecin spécialiste prenant en charge sa pathologie, devenir son médecin traitant. Si l’on peut comprendre les problèmes existentiels de certains spécialistes du deuxième recours confrontés à une LMSS qui les a scandaleusement ignorés et à une convention médicale qui, pour la première fois, était moins défavorable aux médecins généralistes, faut-il à ce point méconnaitre le travail quotidien de ces médecins généralistes et leurs missions qui consistent à prendre un patient dans sa globalité et, au-delà du soin, à assurer la prise en charge de la santé de ces patients ?
Enfin, et c’est peut-être le plus inquiétant, bon nombre de médecins généralistes méconnaissent les enjeux de santé publique d’aujourd’hui et de la place que, collectivement, ils devraient occuper demain pour répondre aux besoins de santé, non plus seulement de leurs patientèles, mais de la population de leurs territoires.
Pour chacun de ces acteurs, un simple rappel des missions, définies par la loi, du spécialiste en médecine générale de premier recours devrait suffire à ce que chacun reste à sa place dans l’organisation de notre système de santé.
Ces missions sont :
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Contribuer à l’offre de soins ambulatoire, en assurant pour ses patients la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des maladies ainsi que l’éducation pour la santé ;
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Orienter ses patients, selon leurs besoins, dans le système de soins et le secteur médico-social ;
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S’assurer de la coordination des soins nécessaire à ses patients ;
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Veiller à l’application individualisée des protocoles et recommandations pour les affections nécessitant des soins prolongés et contribuer au suivi des maladies chroniques, en coopération avec les autres professionnels qui participent à la prise en charge du patient ;
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S’assurer de la synthèse des informations transmises par les différents professionnels de santé ;
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Contribuer aux actions de prévention et de dépistage ;
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Participer à la mission de service public de permanence des soins ;
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Contribuer à l’accueil et à la formation des stagiaires de deuxième et troisième cycles d’études médicales.
La principale préoccupation de chacun de ces acteurs de la santé doit être de s’organiser pour rendre leurs organisations plus performantes et faciliter la coordination entre chacune d’entre elles. Le parcours de santé des patients sera ainsi plus fluide et plus efficient.
Dr Luc DUQUESNEL,
Président Les Généralistes CSMF
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