À l’issue d’un mois de concertations, le Dr François Braun, nouvellement nommé Ministre de la Santé et de la Prévention, a rendu la semaine dernière à la Première Ministre une série de recommandations – toutes adoptées par Élisabeth Borne – pour lutter contre la crise des urgences et l’été noir qui s’annonce dans les hôpitaux. S’il salue le travail réalisé par l’urgentiste, le Dr Luc Duquesnel, Président Les Généralistes-CSMF, appelle à ne pas négliger l’impact de cette crise sur la médecine libérale et pour les généralistes en particulier. Il est essentiel, à ses yeux, de permettre aux médecins de ville de gagner du temps médical pour affronter les trois mois à venir, tout en accompagnant les patients dans un meilleur usage du système de santé.

 

Les 41 recommandations formulées par le Dr François Braun à l’issue de sa Mission flash ont toutes été adoptées par le gouvernement. Êtes-vous satisfait de ses conclusions, formulées avant sa nomination au ministère ?

Je voudrais d’abord saluer la façon dont a travaillé cette mission, pilotée par le Dr François Braun. J’ai pu rencontrer son équipe dans le cadre d’une table ronde organisée en Mayenne. Globalement, ils étaient à l’écoute et connaissaient très bien leur sujet. Ils n’avaient pas d’idée préconçue. Par ailleurs, le Dr Antoine Leveneur a joué un rôle important pour ce qui est de la médecine libérale et de la médecine générale car, même si cette mission concernait l’ensemble des spécialités médicales, on a bien vu que la fermeture des services d’urgence allait avant tout impacter l’organisation des médecins généralistes. Le tour de France organisé par l’équipe de la Mission flash a permis de réaliser que les territoires sont différents, d’où l’importance d’une grande variété de mesures, pour que l’on puisse puiser dans ces propositions et les adapter à nos besoins. Ce que les généralistes veulent, c’est de pouvoir économiser, par ces mesures, du temps médical. C’est essentiel. Certaines le permettent effectivement : le remboursement à 100 % des téléconsultations, pouvoir déclencher les moyens de transport pour acheminer les patients aux lieux de consultations plutôt que ce soit le médecin qui se déplace, que les agences régionales de santé n’hésitent pas à financer toute organisation pluriprofessionnelle,… Cela va dans le bon sens.

 

Pour faire face à cette crise des urgences, le gouvernement entend aussi miser sur le service d’accès aux soins (SAS)…

Oui, et il faut rappeler l’échec du SAS jusqu’ici. On ne peut pas le mettre en place en trois mois, surtout maintenant. Mais, globalement, on voit des mesures incitatives, tant pour les médecins régulateurs que pour les médecins effecteurs afin qu’ils acceptent, cet été, de prendre un, deux, trois patients en plus certains jours à la demande du Centre 15 de manière à ce que les patients n’aillent pas dans les services d’urgence. Je pense à la rémunération plancher de 100 euros pour les régulateurs, la garantie d’une rémunération forfaitaire brute de 4G par heure, la Majoration médecin traitant régulation (MRT) de 15 euros pour tous les actes renvoyés soit par le SAS, soit par le Centre 15. Je voudrais aussi dire que si, depuis un an, on avait permis aux SAS de se mettre en place, on aurait peut-être moins de problèmes cet été. Ce dispositif est de nature à améliorer l’accès aux soins et répondre aux problématiques que l’on va rencontrer dans les trois mois à venir.

 

Le Dr François Braun veut mettre en place une permanence des soins ambulatoires pour les spécialistes. Est-ce utile ?

Très clairement, aujourd’hui, vu les délais de rendez-vous, quand on a besoin d’un avis de spécialiste, on a souvent une seule solution… c’est envoyer le patient aux urgences. L’absence ou la difficulté à avoir recours à un médecin spécialiste incite à l’engorgement des urgences. Bien sûr que cette permanence de soins peut être utile si elle répond à des besoins et si les ressources humaines sont suffisantes pour la mettre en place. Cela évitera probablement aussi des hospitalisations qui ne sont pas opportunes.

 

Êtes-vous favorable à la régulation à l’entrée des urgences ?

Il est capital de réguler. Aussi bien en ambulatoire pour les soins non programmés que dans les services hospitaliers, on doit accompagner les Français dans une meilleure utilisation du système de santé. Une mauvaise utilisation de ce système épuise les professionnels de santé et cela peut entraîner des problèmes dans la prise en charge des patients. Je suis moi-même médecin régulateur et je pense que, par exemple, des parents devraient savoir quoi faire avec un enfant qui a 37,8 °C de fièvre et qui n’a que cela comme symptôme. Il faut que les patients, de manière générale, intègrent le fait qu’il ne faut pas aller aux urgences s’ils n’ont pas absolument besoin de le faire et qu’ils prennent le réflexe d’appeler leur médecin traitant pour avoir un rendez-vous. On est dans un consumérisme médical et la crise sanitaire n’a probablement rien arrangé en augmentant l’angoisse chez les Français. Il y a une éducation de la population à faire sur le bon usage du système de santé.

 

L’idée d’un SMUR paramédical, défendu par le nouveau Ministre dans sa Mission flash, divise la communauté médicale…

Il y a un principe de réalité. Aujourd’hui, dans plein de départements en France, on va fermer des SMUR la nuit et la journée faute de médecins. Si je regarde à l’étranger ou même dans certains territoires français, les SMUR paramédicalisés existent. Les expérimentations montrent que c’est un vrai plus. Ce qui serait pire, c’est de ne pas avoir de SMUR et de telles équipes… parce que si on fait un infarctus ou un accident de la route, la perte de chance est énorme. N’oublions pas que la ressource humaine est de moins en moins importante.

 

Y a-t-il des mesures qui manquent, selon vous, dans le plan de route du gouvernement pour solutionner la crise des urgences ?

Je regrette en effet que l’on n’ait pas remis en place le remboursement de la téléconsultation téléphonique, qui nous faisait gagner du temps médical. On l’a pourtant fait pendant la crise sanitaire. Honnêtement, le renouvellement de traitements de patients âgés, si on peut le faire de temps en temps en téléconsultation, c’est mieux. Les médecins généralistes ont besoin de gagner du temps médical cet été. Ce qui risque aussi d’être un échec, c’est le refus de faire entrer le samedi matin dans la permanence des soins. C’est, à mon sens, une très mauvaise image renvoyée aux médecins libéraux.