Le choix de la destruction ou celui de la reconstruction
On le sent bien. Il y a quelque chose de cassé entre ceux qui dirigent l’Etat et les médecins généralistes libéraux. Pas entre eux et leurs patients, tant il est vrai que pour beaucoup d’entre eux, le médecin de proximité est devenu celui du dernier (et non du premier) recours. Dernier recours pour expliquer la prise en charge complexe de son cancer que le système hospitalier n’a pas eu le temps de détailler. Dernier recours pour aborder la conséquence sociale de l’arrêt de travail qui se prolonge. Dernier recours pour placer tel parent âgé dans une maison d’accueil, tel enfant dans une crèche avec des certificats à tout va, bouffée d’oxygène pour accéder aux droits de ceux qui les demandent, asphyxie de l’exercice médical généraliste. Arrêtons là la liste que nous pouvons chacun quotidiennement allonger.
Face à nous, cette société qui nous demande tant, nous épie et est à l’affut de la moindre faute. Sans donner aucun moyen supplémentaire, elle augmente la charge de travail. Elle appelle cela les « bonnes pratiques » afin d’accroitre la dose de culpabilisation en cas de refus. Elle place le médecin et ses représentants dans une position kafkaïenne. Faut-il refuser de faire sans moyens ce qui peut être utile pour le patient ? Assurément non.
Mais les dépistages en tout genre, les vaccinations et autres préventions primaires et secondaires doivent être intégrés dans un tarif de consultation ridicule face à la complexité du contenu. La société qui devrait se faire aidante avec un système d’information pertinent (ah le DMP !) devient aliénante.
Elle judiciarise la moindre faute et remet au juge les clés de l’évolution professionnelle. On est surpris de l’étonnement des pouvoirs publics face au désintéressement des jeunes et au dégoût des plus âgés. Il faudra aux politiques une sacrée dose de courage pour faire de leurs boucs émissaires habituels, les médecins, un des piliers d’une société équilibrée, proche des problèmes de santé des patients et, au-delà, de la population globale.
On ne détruit pas sans conséquence un corps social, avec un tel niveau de formation.
L’état d’alerte rouge doit être déclaré. Il en va de la responsabilité des politiques.
Il s’agit d’une responsabilité collective, collective comme l’a été leur acharnement contre nous, toutes tendances confondues. Ils sont face au vrai choix : achever la destruction ou reconstruire … vite ça chauffe.