C’est une première en France. Pour lutter contre la pénurie de généralistes, le ministère de la Santé vient d’autoriser SOS Médecins Sens (Yonne) à devenir structure traitante pour une période d’un an. Les praticiens de l’association pourront ainsi renouveler les ordonnances de patients âgés et isolés.

 

“Environ 15 000 personnes de l’agglomération sont sans médecin traitant. La démographie médicale est catastrophique. Retraite, burn-out, décès, il y a beaucoup de départs mais pas d’installation”, résume le Dr Jean-Luc Dinet, président de SOS Médecins Sens.

D’autant que la part de personnes âgées au sein de la population est supérieure à la moyenne nationale. “Il y a un réel problème de vieillissement de la population. Beaucoup de ruraux viennent vieillir à Sens. C’est le cas aussi de nombreux parisiens qui délaissent la capitale pour profiter de leur maison secondaire. Tous les cinq ans, il y a près de 2 000 jeunes qui partent et ne reviennent pas. Bilan : il y a une forte hausse du vieillissement mais une diminution des aidants. Nous avons environ quatre fois moins d’aidants qu’ailleurs”, synthétise Yves Colin, directeur du centre communal d’action sociale (CCAS), chargé de faire une veille sociale pour lutter contre l’isolement.

 

“Ca a bloqué à la CPAM”

C’est à partir de cette problématique que se sont mis à réfléchir Marie-Louise Fort, députée maire de Sens (UMP), le président de SOS Médecin, le directeur du CCAS et celui de l’ARS Bourgogne. “Nous avons eu l’idée de mettre au point un partenariat avec SOS”, explique la maire de Sens. En pratique, une fois repérés par le CCAS, les patients isolés sans médecin traitant auraient bénéficié d’une visite par un médecin de SOS. Doté d’un outil informatique de dossier médical partagé afin d’endosser le rôle de médecin traitant, l’urgentiste aurait pu renouveler les ordonnances. “CCAS, ARS, mairie, nous étions tous ravis par cette idée mais ça a bloqué au niveau de la CPAM qui nous a dit que ce n’était pas possible réglementairement”, raconte le Dr Dinet. En effet, SOS médecin ne pouvait pas obtenir le statut médecin traitant. Mais tout cela était sans compter la force de persuasion de Marie-Louise Fort.

 

Renoncer au forfait médecin-traitant

Ainsi, la députée maire de Sens n’a pas hésité à s’adresser à Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l’Autonomie, lors des questions orales au gouvernement, lui rappelant sa volonté de “mettre en place de manière expérimentale un partenariat sur une année entre SOS Médecins en tant que structure traitante et le CCAS”, dont les principes d’actions seraient “l’établissement et la mise à jour par le CCAS d’une liste de personnes âgées sans médecin traitant et isolées. L’intervention de SOS Médecins Sens en tant que structure collective traitante”, soulignant que “durant l’expérimentation, l’association s’engagerait à renoncer au forfait annuel médecin traitant de façon à ne pas créer de concurrence avec les médecins libéraux”. Elle a regretté que “la CPAM bloque au motif que les personnes soignées dans ce cadre n’auraient pas de médecin référent”.

 

Marie-Louise Fort interpelle Laurence Rossignol – Vidéo lyonne.fr

 

En réponse à la députée, Laurence Rossignol a souligné que le désaccord de la CPAM n’était pas un “refus de principe” mais que cette proposition se heurtait à la législation actuelle. Elle a rappelé que “le code de la sécurité sociale impose de désigner un médecin traitant individuel et ne permet pas de désigner une structure collective”. Malgré cet obstacle législatif, la secrétaire d’Etat a assuré que “l’ARS proposera dans les prochains jours de mettre en œuvre une expérimentation financée par le fond d’intervention régional permettant d’apporter une solution rapide en structurant une plateforme d’offre de soins intégrant l’association SOS Médecins”.

 

“Zéro investissement et zéro coût”

Il ne reste désormais plus qu’à attendre le top départ de l’ARS. Du côté du CCAS, le directeur se dit “prêt”. “Nous avons déjà mis au point une pré-liste d’une centaine de personnes âgées isolées et sans médecin traitant”. Yves Colin est convaincu que ce modèle qui ne nécessite “zéro investissement et zéro coût sera un immense service rendu aux plus précaires”. Un enchantement partagé par le Dr Dinet qui se dit “persuadé que ce schéma est une solution économique au problème de la désertification médicale”. Le président de SOS rappelle sa volonté de “renoncer à la prime annuelle médecin traitant”. Il souligne aussi que “si un médecin libéral s’installe sur le territoire, les patients seront automatiquement dirigé chez lui”.

En pratique, il faut un maximum de 300 patients pour profiter de cette expérimentation. “A SOS Médecins Sens, nous ne sommes que six praticiens, nous sommes limités par le nombre de bras”, a indiqué le Dr Dinet avant d’ajouter, “si cela fonctionne, cela nous permettra peut-être de recruter des jeunes et de pouvoir s’occuper de plus de patients”.

L’expérimentation est suivie de très près par SOS Médecins France et l’Union nationale des CCAS qui pourraient envisager à terme un partenariat. Une option d’autant plus crédible que la présidente de l’Union nationales des CCAS est également présidente de SOS Médecins Nice…

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin