Un accord à l’arraché entre mutuelles, assurances privées et institutions de prévoyance, donne l’architecture du futur mécanisme permettant le tiers-payant généralisé en 2017. Reste maintenant à convaincre les médecins libéraux, qui ne veulent pas en entendre parler.

 

“Ce que nous proposons, c’est une démarche de co-construction avec les professions de santé, pour élaborer ensemble un mécanisme de tiers-payant leur procurant rapidité, simplicité et garantie de paiement”, explique-t-on à la Mutualité française (FNMF). Un petit coup de théâtre, tout de même, que cet accord sur l’organisation du tiers payant, intervenu tard dans la soirée de vendredi, entre organismes de protection complémentaire : Mutualité française, Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) et Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP). Le dispositif proposé repose sur cinq points : une garantie de paiement obtenue grâce à la reconnaissance automatique des droits du patient, un engagement en matière de délai de paiement, une assistance aux professionnels de santé, des outils pour leur faciliter le mécanisme jusqu’au règlement de la facture et enfin un point de contact unique et multicanal. Selon France Inter, “si l’assuré n’est pas à jour de son contrat de complémentaire, le médecin sera quand même payé dans un délai raccourci de cinq jours”.

 

La solution au bout du chemin

A priori, la solution se dessine au bout du chemin, bien que ce dernier soit tortueux et que les partenaires avancent avec une baïonnette dans le dos. Tandis que les syndicats médicaux, à coups de grèves ou de manifestations, clamaient leur refus unanime du tiers-payant généralisé dans le cadre du groupe de travail installé par la ministre de la Santé, sur la future loi de santé, les organismes de protection complémentaire, sous le regard suspicieux de Marisol Touraine, on arrêté les pendules pour construire une solution correspondant au cahier des charges présidentiel.

Histoire de contredire les colporteurs de rumeurs – MG France le premier – laissant entendre que lesdits organismes étaient au tout début des discussions entre eux, et que les abîmes qui les séparaient étaient quasiment infranchissables – en tout cas d’ici 2017, date à laquelle le tiers-payant généralisé devait être mis en place. Mais histoire aussi, d’éclairer différemment les propos de François Hollande qui ont beaucoup fait gloser lorsqu’il a asséné en substance, la semaine dernière, que le tiers-payant ne serait mis en place que si une solution simple et pratique était mise en place. D’aucuns ont évoqué un retrait en rase campagne, un report de la dead-line. Il semble bien qu’il n’en soit rien.

 

Testé d’ici la fin de l’année

On n’en sait pas plus pour l’instant, et notamment quel sera le support d’entrée dans le serveur en ligne dont le concept est acté, et qui doit maintenant être construit. Il y a peu, la Mutualité privilégiait le support unique de la carte Vitale pour l’authentification de l’assuré et le paiement, un peu sur le modèle de la CMU (promu par MG France), mais les autres assureurs complémentaires semblaient plutôt pencher pour une autre carte dédiée. Pour Etienne Caniard, il faut que le système soit aussi sûr que la carte bleue, où l’on ne compte qu’un pour cent environ, de rejet.

En tout état de cause, les signataires s’engagent à ce que le dispositif soit testé d’ici la fin de l’année, pour s’assurer qu’il répond “aux exigences des médecins et autres professionnels de santé, en termes de simplicité, rapidité, garantie de paiement et qualité de service”, souligne-t-on à la Mutualité.

Une association des complémentaires santé assurera la mise en œuvre du projet, en charge de son pilotage opérationnel. Elle associera les professionnels de santé ainsi que les opérateurs du tiers-payant, en lien très étroits avec l’assurance maladie obligatoire, signale-t-on.

Il y a peu, Etienne Caniard, le président de la Mutualité française, convenait que l’arrivée d’un nouveau directeur à la CNAM, Nicolas Revel, qui a succédé à Frédéric Van Roekeghem, avait considérablement changé le climat. De fait, l’heure semble effectivement être à la collaboration plutôt qu’à la confrontation. Aujourd’hui, 100 000 professionnels de santé utilisent le tiers-payant. En juillet prochain, si l’on suit le calendrier officiel, les patients titulaires de l’ACS (aide à la complémentaire santé), pourront bénéficier du tiers-payant (assorti de la suppression des franchises). L’idée du gouvernement est que ces professionnels choisissent entre un système entièrement piloté par l’assurance maladie, sur le modèle de la CMU, ou le système actuel, éclaté. Mais unanimement rejeté par les médecins qui ne veulent pas entendre parler de généralisation.

 

Les complémentaires vont devoir séduire et convaincre

L’enjeu est donc majeur pour l’assurance maladie et les complémentaires, qui pourraient ainsi entrer de plain-pied dans le système de santé, et non plus à la marge. Alors que se terminent vendredi prochain, les travaux du groupe de travail sur le tiers-payant où siègent les syndicats médicaux et animé par Anne-Marie Brocas, la présidente du Haut conseil pour l’assurance maladie, les complémentaires vont devoir séduire et convaincre une profession arqueboutée sur le non, pour des raisons pratiques, politiques ou idéologiques.

Ainsi, la CSMF qui ne parle que de dispense d’avance de frais, refuse la généralisation et promeut son dispositif de carte bancaire à débit différé santé et rien d’autre. “C’est un accord qui semble satisfaire les complémentaires, qui auront sans doute accès aux données de santé, ce qui fait réfléchir. Mais il ne satisfait pas les médecins”, commente le Dr Luc Duquesnel, le président de l’UNOF (médecins de famille de la CSMF). “On nous propose une sécu bis, mais on sait bien que la sécu ne nous paye pas certains actes en tiers-payant. Il faudra donc qu’on apporte la preuve du non paiement ? On ne va pas payer une secrétaire pour courir après 6,90 euros. Nous refusons la généralisation”…

Pour la FMF, le tiers-payant peut être utilisé par les caisses comme une arme, si la profession ne file pas doux comme elles l’entendent. Ce sera non, et surtout à la généralisation. Tout comme MG France, qui promeut un dispositif simplifié, unique, à partir de la carte Vitale. Et refuse également la généralisation.

Néanmoins, les organismes de protection complémentaire ont établi un calendrier :

– 1er trimestre 2015 : création d’une association destinée à piloter le dispositif de tiers payant des complémentaires santé

– Décembre 2015 : ouverture du nouveau dispositif et début des tests avec les professions de santé

– Mars 2016 : premier bilan de la mise en œuvre pour les bénéficiaires de l’ACS, avec les professions de santé et l’assurance maladie

– 2016 : finalisation du dispositif cible et mise en œuvre progressive auprès des professionnels de santé

– 1er janvier 2017 : déploiement généralisé du dispositif.

A condition, bien entendu, que les médecins baissent la garde. Ils ne semblent pas en prendre le chemin et sont nombreux à agiter spectre du DMP, le dossier médical personnel lui aussi doté d’un très beau calendrier de montée en charge et qui s’est contenté de coûter énormément d’argent. Sans pratiquement rien produire en contrepartie.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine le Borgne