Le 8 février dernier, lors de la troisième séance multilatérale de négociation conventionnelle, la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) a présenté aux syndicats de médecins libéraux les points clés de sa proposition d’accord. Elle s’est dite prête à financer une hausse du G à 30 euros, mais sans préciser le calendrier de « montée en charge ». Cette revalorisation serait, en outre, conditionnée à des efforts consentis pour améliorer l’accès aux soins et leur pertinence. Pour le président des Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel, on est loin du « choc d’attractivité » promis à la profession.

 

Êtes-vous satisfait des propositions tarifaires de la Cnam ?

On savait d’emblée que cette séance du 8 février, qui était le report d’une séance prévue fin janvier, ne serait qu’une étape. Même si elle avait été annoncée au départ comme pouvant être la dernière multilatérale.

Il y a des avancées. D’abord, c’est la première fois que la Cnam parle des 30 euros. Le problème, c’est qu’on ne sait pas quand ce tarif pourrait entrer en vigueur. Si les six mois de stabilisateurs économiques s’appliquent, on aura une consultation à 30 euros pour le mois de décembre 2024 ou de janvier 2025… Par ailleurs, pour Les Généralistes-CSMF, il ne doit pas y avoir de contreparties à cette revalorisation, qui, rappelons-le, n’est qu’un rattrapage de l’inflation. Il faut toutefois souligner que 100 % des médecins traitants pourraient en bénéficier, contre seulement 60 % tel que c’était prévu l’an dernier lors de la précédente négociation avec « l’engagement territorial ». La question qui reste à trancher est la suivante : est-ce qu’on applique cette hausse à d’autres généralistes que des médecins traitants ?

 

À vos yeux, quels sont les généralistes qui devraient pouvoir bénéficier d’une revalorisation de leur exercice ?

On considère que la téléconsultation ne doit pas être revalorisée. Nous pensons également qu’il ne faut pas favoriser les centres de soins non programmés qui provoquent une hémorragie de médecins traitants alors que nous sommes en période de pénurie. On pense, en revanche, que les praticiens de SOS Médecins, qui ne sont pas médecins traitants, doivent pouvoir bénéficier d’une revalorisation au regard du service rendu indispensable sur les territoires qu’ils couvrent. On sait très bien que si une antenne s’arrête dans un territoire, c’est dramatique en termes d’accès aux soins. La revalorisation de l’exercice de SOS Médecins doit certainement passer par la revalorisation de la visite qui doit aussi concerner les médecins traitants. Cela peut aussi passer par l’augmentation de la majoration de déplacement aux heures de permanence des soins.

 

La revalorisation de la visite à domicile n’a pas été évoquée par la Cnam lors de la multilatérale du 8 février. C’est pourtant une demande de longue date des Généralistes-CSMF…

Tout à fait. C’est un vrai sujet. Il y a de plus en plus de médecins qui, quand leurs patients en ALD ne peuvent pas se déplacer, déclenchent des moyens de transport (VSL, ambulance…) pour les amener au cabinet et éviter les visites à domicile. Et qui, pour les autres patients, font un bon de transport pour les urgences… On veut réduire les passages inopinés non pertinents aux urgences et les patients plaident de leur côté pour le maintien à domicile. Il faut donc faire quelque chose ! C’est une question d’accès aux soins.

 

La Cnam entend par ailleurs regrouper le forfait patientèle médecin traitant, la Rosp et le forfait structure dans un forfait unique majoré. Cela vous convient ?

Cela permettrait de cibler les revalorisations destinées aux médecins traitants. L’idée de majorer ce forfait dans le cadre de l’atteinte d’objectifs de prévention et de santé publique est bonne, mais à condition que l’on donne les moyens aux médecins de les atteindre et d’en assurer facilement le suivi. Or, aujourd’hui, nous n’avons pas les moyens de le faire… La Cnam assure qu’elle nous enverra des listings – comme elle l’avait fait pendant le Covid – avec tous nos patients qui ont fait le dépistage du cancer du sein, leur frottis, etc. Mais les médecins traitants ne vont pas passer leurs week-ends à identifier tous les patients qui n’ont pas fait les examens auxquels ils sont éligibles ! Il y a tout un travail à faire également avec les éditeurs de logiciels pour afficher automatiquement les données de santé dont dispose l’Assurance maladie. Sinon, on va augmenter le travail administratif des médecins, alors qu’il faut le diminuer. Aujourd’hui, on n’est pas prêt à donner les moyens aux médecins traitants d’être plus performants dans leur exercice…

 

Un groupe de travail sur la capitation doit être également mis en place…

En soi, ça ne mange pas de pain. On peut quand même s’interroger : si la revalorisation du médecin traitant passe par de plus en plus de rémunération forfaitaire, est-ce qu’on ne l’amène pas petit à petit vers la capitation d’une façon indirecte ? La capitation, c’est comme la permanence des soins ambulatoire obligatoire, ce sont des sujets qui viennent de l’Élysée et de Matignon. Leur implication pollue notre négociation conventionnelle. C’est encore plus compliqué que l’an dernier. On peut légitimement se poser la question : est-ce que ce gouvernement a envie qu’on parvienne à une signature conventionnelle ? Je n’en suis pas sûr… Si on ne parvient pas à une signature, cela arrange l’économie française. La non-signature de la convention il y a un an a permis de diminuer le déficit budgétaire de la France. On voit donc bien que la santé n’est pas une priorité – le fait qu’on ait eu huit ministres de la Santé depuis sept ans le prouve.

 

Que manque-t-il encore dans le projet de la Cnam selon vous ?

Il n’y a pas les consultations complexes… Or la problématique des médecins traitants aujourd’hui, ce sont les consultations de 30 à 45 minutes. L’hiver dernier, nous avions obtenu deux consultations majorées à 60 euros ; cela n’a pas été reproposé par la Cnam.

Il n’est, par ailleurs, pas acceptable que les généralistes et les pédiatres, qui font une même consultation pour un enfant en bas âge, aient des tarifs différents. Il faut bien sûr revaloriser les pédiatres, qui sont aussi en bas de l’échelle des revenus. Mais on ne peut pas avoir deux tarifs différents pour une même consultation. Tout le monde sait que 80 % des enfants sont suivis par le généraliste. Nous sommes en revanche pour une consultation « upgradée » accessible uniquement aux pédiatres dans le cadre d’une expertise de second recours.

On demande aussi la possibilité de majorer les consultations avec des actes techniques. On améliorerait le dépistage et les prises en charge. Avec une consultation à 26,50 euros ou, dans un an, à 30 euros, on ne va pas alourdir cette consultation par la réalisation des actes techniques qu’on ne peut pas coter…

 

Est-on encore loin du choc d’attractivité que vous réclamez ?

Clairement, ce que nous a proposé la Cnam ne ressemble pas à un choc d’attractivité, aussi bien sur le fond que dans la forme. Nous n’avons pas la possibilité de calculer les revalorisations présentées… Cela donne de l’eau au moulin à ceux qui plaident pour le déconventionnement. En France, les généralistes en secteur 3 ont pour la plupart un exercice particulier (esthétique…), et ne sont pas médecins traitants. Le déconventionnement, c’est la faillite pour 90 % des médecins traitants… Ils ne s’en sortiraient pas.