Alors que le nouveau Premier ministre semble disposé à restaurer l’obligation des gardes pour les médecins libéraux, des exemptions existent pour tenir compte de l’âge, de l’état de santé et éventuellement des conditions d’exercice, de certains médecins.

 

Comme le rappelle l’Ordre des médecins dans son étude 2022 sur la permanence des soins ambulatoires, “les gardes chez les médecins sont sous la forme du volontariat depuis 2002, et pourtant certains décideurs politiques souhaitent les rendre à nouveau obligatoires pour répondre aux besoins des territoires”*. Et l’Ordre d’ajouter que ce sont près de 40 % des médecins qui participent à la permanence des soins ambulatoires, dont 88 % sont des médecins libéraux en cabinet.

Selon l’Ordre, en 2022, 72 départements ont déclaré avoir connu des carences de couverture sur certains secteurs de permanence des soins, obligeant certains conseils départementaux à intervenir auprès des médecins pour obtenir la complétude des tableaux de garde. Des carences qui ont pu conduire à des réquisitions préfectorales, plus nombreuses en 2022, dans l’attente des résultats de l’année 2023.

 

 

Volontariat et exemptions

Comme le précise l’article R6315-4 du Code de la santé publique, “les médecins participent à la permanence des soins et à l’activité de régulation sur la base du volontariat”. Et cet article d’ajouter “qu’il peut être accordé par le conseil départemental de l’Ordre des médecins des exemptions de permanence pour tenir compte de l’âge, de l’état de santé et, éventuellement, des conditions d’exercice de certains médecins”.

Des exemptions au bon vouloir des conseils départementaux qui bénéficient d’une certaine latitude pour prendre une décision de dispense de gardes, aucun texte ne fixant d’âge précis au-delà duquel un médecin ne pourrait plus participer à la PDSA. S’agissant de l’état de santé, les demandes d’exemption sont examinées au cas par cas, alors que l’insécurité et les contraintes familiales ne relèvent pas des critères d’exemption fixés par la réglementation. Une décision de refus de dispense de gardes, pour l’un de ces trois motifs, peut toujours être contestée devant le Conseil national de l’Ordre, avec l’aide d’un avocat spécialisé pouvant être mandaté par son assurance de protection juridique.

Les dernières décisions rendues par l’Ordre n’admettent pas que des médecins ayant un mode d’exercice particulier (acupuncteurs, homéopathes…) puissent être dispensés de gardes pour ce seul motif. A titre d’exemples issus de la jurisprudence ordinale, des exemptions ont été refusées à des médecins généralistes qui faisaient valoir qu’ils ne pratiquaient que la médecine manuelle ostéopathique et qui s’estimaient incompétents pour assurer de façon efficiente et autonome les astreintes en médecine générale, ou pour un médecin également qualifié en médecine générale dont la pratique était orientée exclusivement en traumatologie du sport, ou pour un autre en sexologie ou en psychothérapie. Pour l’Ordre, ces médecins doivent entretenir et perfectionner leurs connaissances afin d’être en mesure de pratiquer les actes de diagnostic, de prévention et de traitement correspondant à leur qualification. Un médecin a ainsi été dispensé de gardes pour une durée de six mois pour actualiser ses connaissances en médecine d’urgence. En revanche, un praticien qualifié compétent en allergologie et justifiant d’un exercice confirmé de l’allergologie à titre exclusif, et compte tenu de la spécificité de cet exercice, a pu être exempté.

Les éléments relatifs à l’état de santé doivent pouvoir s’expliquer par la fourniture de comptes-rendus médicaux, d’un certificat d’un confrère attestant d’une contre-indication médicale à pouvoir assurer des gardes. Même si de nombreux médecins continuent d’exercer après avoir demandé leur retraite , leur âge “avancé” et un état de fatigue plus compréhensible peuvent justifier une demande de dispense. Certaines situations personnelles et familiales (contraintes de gardes d’enfants, difficultés familiales…) peuvent aussi être admises favorablement, alors que l’insécurité, voire la dangerosité de la pratique médicale en certains lieux où un médecin de garde peut être appelé ne constituent pas un des motifs énumérés à l’article R6315-4 pouvant justifier une dispense de gardes.

 

* Ordre des médecins : état des lieux de la permanence des soins ambulatoires en médecine générale, 2022.

 

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Nicolas Loubry, juriste

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