La levée des gestes barrières adoptés lors du Covid explique sans doute la hausse récente, d’une ampleur inédite, du nombre des infections invasives à méningocoques (IIM). Les épidémiologistes et vaccinologues mettent en garde.

 

À la période où le Covid était à son plus haut, le nombre de cas d’infections invasives à méningocoque (IIM) a été divisé par deux. Au décours, “en 2022, 322 cas dont 33 décès ont été notifiés”, a rapporté Anne-Sophie Barret, de l’Unité infections respiratoires et vaccination (Santé Publique France), à l’occasion d’un colloque organisé par les deux associations Méningites France-Association Audrey et Petit Ange, le 9 février. Il s’agissait des sérogroupes B, W et Y (C restant anecdotique depuis l’obligation vaccinale de 2018, les cas de classes d’âge plus âgées s’amenuisant au fil des ans”. Le nombre d’IIM reste toutefois inférieur au niveau prépandémique excepté pour les 15-24 ans où le sérogroupe B est prédominant. Les IIM à W concernent toutes les classes d’âge ; à noter, leur létalité est de 19 %, versus 10 à 12 % pour les autres sérogroupes. Pour les IIM à Y, ce sont les personnes plus âgées qui sont les plus touchées.

 

Pic hivernal

Certaines régions sont à l’évidence plus affectées que d’autres : pour les IIM B, Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne et Grand-Est ; pour les Y et W, la situation est plus contrastée. 2022 a été marquée par l’émergence de deux foyers d’hyperendémie d’IIM B, en Auvergne-Rhône-Alpes et à Strasbourg, circonscrits par la campagne de vaccination ciblée alors décidée par les autorités de Santé, la souche étant “couverte” par le vaccin Bexsero. Le pic d’IIM de fin d’année 2022, qui manifestement s’est poursuivi début 2023, pourrait être en lien avec les épidémies virales respiratoires : le reflet d’une fragilité à la suite de ces infections qui est documentée au moins pour la grippe.

“La moitié, 6, des sérogroupes reconnus (A, B, C, W, X et Y) sont à l’origine de la majorité des IIM dans le Monde”, indique le Pr Muhamed-Kheir Taha, du Centre National de Référence des méningocoques (Institut Pasteur à Paris). Le profil épidémiologique de ces IIM est imprédictible, variant selon la répartition par âge des cas, la distribution des sérogroupes, les changements dans la présentation (méningite surtout pour les B, mais aussi septicémie pour les B et W, purpura, etc.), les taux de mortalité, la résistance aux antibiotiques, etc.

 

Renforcer la vaccination

Ces données fluctuantes nourrissent les réflexions nouvelles pour une stratégie vaccinale plus ajustée : 2 tiers des cas d’IIM aujourd’hui surviennent chez les plus de 16 ans avec des sérogroupes différents en fonction de l’âge. Les infections sont plutôt saisonnières, avec des pics en hiver. “En 2021, nous avions 106 cas et, entre toute fin 2022 et janvier 2023, un nombre équivalent, en un mois, du jamais vu”, s’étonne le Pr Muhamed-Kheir Taha. La porte d’entrée est toujours respiratoire (des millions de personnes abritent du Neisseria meningitidis), puis l’infection devient systémique et ses signes toujours peu spécifiques, ce qui explique le délai diagnostique si préjudiciable. “La résistance du méningocoque B aux antibiotiques de la famille des b-lactamines est en hausse, observe-t-il, ce qui devrait encore pousser à la vaccination”.

Pour ce qui est des vaccins, ils sont dirigés contre la capsule des méningocoques (capsulés) ACY et W ; contre les protéines de la bactérie pour le sérogroupe B (Bexsero recommandé en France à 3, 5 et 12 mois de vie, et Trumenba à partir de 10 ans). Deux vaccins pentavalents sont en cours de développement, ABCWY pour les pays du Nord, ACWXY pour les pays du Sud. “Enfin, souligne le spécialiste, bénéficier de la CMU, reflet d’un faible statut socio-économique, est un facteur de risque d’hospitalisation pour une IIM, ce qui justifie le remboursement des vaccins (depuis 2022 pour Bexsero)”.

 

Séquelles sous-estimées

L’étude observationnelle du SNIIRAM (base de l’Assurance Maladie) dessine, au-delà de la phase aiguë, un tableau des séquelles sur 6 ans à partir du 1er jour d’hospitalisation pour IIM. Le diagnostic, difficile, est tardif, plus d’un enfant sur 4 ayant consulté au moins une fois dans les 3 jours qui précèdent l’hospitalisation (de 15 jours en moyenne). Le taux global de décès reste élevé, environ 13 %, survenant pendant le séjour hospitalier et dans l’année qui suit. Un quart des survivants ont au moins une séquelle, et sans doute près la moitié si l’on inclut les séquelles psychiques ; 37 % de ces patients en avaient plusieurs, physiques, au premier plan, et/ou psychiques, perceptibles après quelques mois. Les plus fréquentes étaient neurologiques ou psychiques : surdité, épilepsie, anxiété, etc. Certaines sont définitives (surdité, troubles visuels, amputations). “Tout enfant considéré comme guéri de son IIM devrait être suivi pendant au moins un an”, estime la Pre Catherine Weil-Olivier, pédiatre.

 

[D’après un colloque organisé par les associations Méningites France-Association Audrey et Petit Ange (9 février 2023)]

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Brigitte Blond

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