Visite à domicile, soins non programmés, consultations complexes, volet médical de synthèse… A l’instar de leurs confrères hospitaliers avec le Ségur de la Santé, les généralistes libéraux attendent une juste revalorisation de leur travail. Alors que les négociations pour l’avenant 9 de la convention médicale viennent de débuter, le Dr Luc Duquesnel, Président des Généralistes-CSMF, fait le point sur les enjeux.

 

Comment se présente cette négociation ?

La première séance a été dédiée aux soins non programmés (SNP). J’espère que l’on reviendra dessus car il n’a été fait aucune proposition de la part de l’Assurance Maladie, entre autres sur le plan financier. C’est d’autant plus important que le volet SNP va impacter l’accord conventionnel interprofessionnel sur les CPTS.

Nous avons d’énormes craintes sur cet avenant médecin. Car, dans la configuration actuelle, nous sommes partis pour aller jusqu’en 2023. En théorie, il y avait une négociation pour une nouvelle convention médicale prévue l’an prochain après les élections professionnelles mais le Gouvernement souhaite la reporter d’un an. La négociation de cet avenant prend donc une toute autre dimension.

 

C’est donc la dernière chance d’avoir une revalorisation significative avant 3 ans ?

Tout à fait. Et surtout qui réponde aux attentes des médecins. Or, dans la lettre de cadrage du Ministre, que voit-on ? Une petite revalorisation, notamment sur la visite à domicile, mais surtout de nouvelles rémunérations pour de nouvelles missions. Je tiens juste à rappeler que dans le Ségur de la Santé, qui a été un Ségur de l’Hôpital, les milliards d’euros servent à revaloriser justement les professionnels de santé salariés, non à rémunérer des tâches supplémentaires. Nous, les libéraux, on va nous mettre le service d’accès aux soins (SAS), entre autres. Quand je ferai des consultations de soins non programmés, je ne serai pas en train de faire mes consultations habituelles.

 

Quelles sont les attentes des médecins généralistes ?

D’abord, ce n’est clairement plus possible de continuer à faire des consultations complexes à 25 euros. Nous voulons aussi revaloriser la visite à domicile et la visite en Ehpad. L’Assurance Maladie souhaite favoriser les forfaits… Les Généralistes-CSMF veulent des paiements à l’acte. Notamment pour le SNP ou pour le volet médical de synthèse. Pas question de mettre cela dans le forfait structure comme semble le vouloir l’Assurance Maladie. Si je passe 30 à 45 minutes à faire le Volet Médical de Synthèse (VMS) structuré d’un patient polypathologique avec ALD, je veux pouvoir le facturer et ne pas attendre 6 à 8 mois pour être rémunéré. Il n’y a eu qu’une séance pour l’instant, mais cet avenant à la Convention Médicale ne démarre pas sous les meilleurs auspices.

 

Pour le SNP dans le cadre du futur Service d’accès aux soins (SAS), la lettre de cadrage du Ministre évoque un financement aux résultats. Est-ce acceptable ?

Premièrement, il a été acté que le SAS sera hors permanence des soins ambulatoires (PDSA). Des terrains d’expérimentation vont être choisis au mois d’octobre. Vu le délai très contraint de réponse, les projets sont pratiquement tous écrits par les Samu-Centre 15, estampillés par le groupement hospitalier de territoire et parfois par l’ARS. Soit les médecins généralistes n’ont pas été contactés, soit on s’est contenté de contacter SOS médecins ou une CPTS. Ça, ce sont des SAS qui ne marcheront pas. Car, qui va faire le boulot sur le terrain ? Les médecins généralistes bien sûr !

Après, pourquoi pas des indicateurs de résultats. La problématique de tous ceux qui travaillent sur le SAS aujourd’hui, c’est qu’ils ne connaissent pas les besoins. Dans les territoires où il y a un centre hospitalier avec urgences, la plupart du temps ils sont incapables de vous dire combien de patients ils vont vous envoyer en moyenne par jour : c’est deux ou c’est 25 ? Ce n’est pas du tout la même organisation. Si c’est deux, avec les médecins généralistes du territoire, on pourra les prendre en charge sans problème. Si c’est 25, ça nécessite une autre organisation.

Dans les départements qui ont étendu la PDSA au samedi matin, le SAS existe déjà, en fait : on prend en charge toutes les demandes de soin de la population du département. Et ça fonctionne : en moyenne sur 100 appels, 30 à 40 sont envoyés vers les effecteurs, 15 font l’objet d’ordonnances faxées. Donc on n’a pas peur de l’évaluation. Y compris en termes de coût. On a dit à Thomas Fatome, Directeur Général de la CNAM, que la majoration à l’acte de soins non programmé de 15 euros que l’on demande, elle s’autofinance. Parce qu’aujourd’hui dans les territoires où il y a des problèmes d’accès aux soins, on a un report des demandes de soins non programmés aux heures ouvrées des cabinets vers les heures de la PDSA avec des majorations de 20 euros. Si à 16 heures, le patient n’a pas de réponse à sa demande de soin, il appelle à 20 heures en PDSA.

 

Vous demandez donc une majoration de l’acte de 15 euros…

Ainsi que le versement d’une astreinte, a minima sur la base de ce qui est fait pour la PDSA, quand il s’agira de médecins de garde. Il y a des endroits où il y aura tellement peu d’actes qu’il suffira que les médecins laissent des plages libres dans leur agenda. Si ces plages restaient libres, il faut néanmoins penser à les indemniser de cette perte de revenus. Il n’y aura pas de modèle unique, il faut laisser les acteurs de soin s’organiser.

 

Le Ministre a exclu une revalorisation du C. Qu’allez-vous réclamer ?

L’urgence aujourd’hui, ce sont les consultations complexes qui ne peuvent rester à 25 euros jusqu’en 2023. Et on en a de plus en plus ! Patients âgés, patients polypathologiques, patients en ALD, patients avec handicap, mais aussi ceux qui ont des situations médico-sociales compliquées. Ce sont des consultations longues, voire très longues, ce n’est plus possible. On ne restera pas dans la situation actuelle jusqu’en 2023. Donc soit on commence une négociation conventionnelle l’an prochain, soit il va falloir que cet avenant prenne de la consistance et aille bien au-delà de la lettre de cadrage d’Olivier Véran.