Le Pr Christian Perronne a été parmi les premiers médecins à recevoir des patients atteints de Lyme. Dans son livre La Vérité sur la maladie de Lyme (Ed. Odile Jacob), il se souvient de ses débuts à l’hôpital de Garches et des difficultés rencontrées par les patients pour être entendus.

 

“Grâce à Internet et à l’apparition de nouvelles associations de malades, les demandes de consultation pour Lyme chronique à l’hôpital de Garches arrivent de partout en France et même de Suisse, de Belgique, de Pologne, de Grande-Bretagne ou du Canada. (…) À l’époque, quelques-uns m’avaient écrit ou étaient venus me voir à Garches pour m’encourager dans mon action. (…)

Face à l’afflux des demandes, ma consultation saturait. Ma secrétaire Françoise Kostas, effectuait un travail d’écoute remarquable auprès des malades innombrables qui appelaient dans le service, les aiguillait vers les infectiologues de toute la France. Mes collègues, qui jusqu’à présent suivaient surtout des malades infectés par le VIH ou le virus de l’hépatite C (VHC), ou qui s’occupaient tranquillement de quelques maladies du voyageur, ont vu débarquer dans leurs consultations en rangs serrés les “fous du Lyme chronique”. Initialement les malades pouvaient s’inscrire facilement car, grâce aux trithérapies antirétrovirales prescrites depuis 1996, les malades VIH qui allaient beaucoup mieux, pouvaient retourner à une vie normale et espacer leurs consultations. Il y avait donc beaucoup de places vides pour prendre rendez-vous. Les patients arrivaient souvent avec d’énormes dossiers et une tonne de résultats d’examens qui avaient contribué au déficit de la Sécurité sociale. À peine ouvraient-ils la bouche, qu’ils verbalisaient une plainte sur au moins quinze symptômes différents. Je sais par des patients, qui pour certains avaient fait cinq heures de transport pour venir, qu’ils se sont fait éjecter de la consultation en moins de dix minutes avec le commentaire : “Votre sérologie est négative, votre médecin n’avait pas le droit de faire faire un Western blot, vous n’avez pas le Lyme, je n’ai pas de temps à perdre, au revoir.”

Les pauvres médecins désemparés par cette “maladie créée par Internet”, victimes de “membres d’une secte”, ont très rapidement organisé de solides barrages en amont des rendez-vous. En écrivant ces lignes, je me souviens avec émotion de l’interview de Willy Burgdorfer, le découvreur de la bactérie, qui décrivait ces barrages aux États-Unis pour une majorité de médecins qui refusaient que les malades de Lyme les approchent et qui dressaient des infirmiers-dragons. Le barrage qui s’est le plus répandu était le barrage de la sérologie. Les secrétaires et les infirmiers de la consultation ont eu pour consigne d’exiger une copie de sérologie Lyme positive avant d’inscrire quelqu’un en consultation.

 

“Coup de Schaller” sur la France

Les malades ayant appris par Internet que le test de madame Schaller, dans un laboratoire privé de Strasbourg, était plus sensible que les tests officiels, ont été nombreux à comprendre qu’ils auraient davantage de chance d’avoir un résultat positif, signe objectif de l’infection dont ils souffraient, en recourant à cette nouvelle offre. Beaucoup ont fait envoyer leur sang chez Schaller. Les malades avec un test Schaller positif avaient un sésame pour rentrer dans les consultations de France et de Navarre. Comme seuls les tests positifs étaient acceptés en consultation, les tests Schaller positifs ont été admis à se présenter. Par conséquent, mes collègues, pendant cette période, n’ont vu, à quelques exceptions près, que des malades Schaller positifs. Normal, c’est moi ainsi que deux autres médecins hospitaliers dans le sud de la France ou des médecins généralistes “crypto-infectiologues” qui voyaient les négatifs ! Mes collègues ont vite conclu que le test Schaller était une imposture, allant jusqu’à prétendre qu’il était 100 % positifs ! Cette accusation était en réalité totalement fausse : ce test était négatif dans bien des cas. Cela s’appelle, en épidémiologie, un biais d’observation : puisque ces médecins n’acceptaient de recevoir que des patients reconnus positifs en sérologie, il était inévitable que 100 % d’entre eux soient positifs ! Une flambée sur les courriels a bientôt propagé l’idée que (quelques années après la canicule !) cette “épidémie de Schaller” était insupportable et qu’il fallait fermer au plus vite ce laboratoire. On connaît la suite… Viviane Schaller a dû comparaître en jugement devant le Tribunal correctionnel de Strasbourg. On fit courir le bruit que tous les tests Schaller étaient positifs pour permettre de vendre un maximum de TicTox, mélange de plantes médicinales ! Bernard Christophe, le créateur du TicTox, dut lui aussi s’expliquer devant les juges. Ce qui est triste dans cette affaire, c’est que personne n’a écouté les premiers intéressés, les malades, ces empêcheurs de soigner en rond.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier