Un amant sulfureux, un faux testament, une dose mortelle de paracétamol, mais pas de preuve : huit ans après le décès à Paris du riche magnat de Warner Music, Peter Ikin, l’enquête est au point mort et le principal suspect, son ex-compagnon Alexandre Despallières, clame son innocence.

 

La justice le soupçonne d’avoir empoisonné en 2008 le producteur, patron de la compagnie de disques en Australie, proche d’Elton John et de Madonna, pour faire main basse sur sa fortune, estimée à 15 millions d’euros. Mis en examen en juin 2010 pour “assassinat, faux et usage de faux”, Alexandre Despallières a été remis en liberté en février 2012 pour raison médicale et placé sous contrôle judiciaire.

 

Le 12 novembre 2008, les pompiers sont appelés à l’hôtel Abba, à deux pas de Montparnasse

“Depuis, très peu d’actes ont été diligentés. Pourtant, la juge ne parvient pas à boucler son instruction. C’est incompréhensible au vu des nombreux éléments à charge”, estime Marion Grégoire, avocate du neveu de Peter Ikin, Gary Perritt. “Des doutes il y en a. Mais il n’y a toujours aucune preuve dans ce dossier qui peut se conclure par un non-lieu”, tempère une source proche de l’enquête.

Le 12 novembre 2008, les pompiers sont appelés à l’hôtel Abba, à deux pas de Montparnasse, rue de la Gaîté. Dans une chambre d’hôtel, les secours découvrent le corps nu et sans vie de Peter Ikin, 61 ans, un richissime producteur de musique de la Warner. Son compagnon du moment, Alexandre Despallières, vingt et un ans de moins que lui, a prévenu les secours. Le lendemain, une autopsie ne décèle rien de suspect. Son corps est incinéré, à la demande d’Alexandre Despallières, contre la volonté de sa famille.

Des doutes émergent et Gary Perritt, ayant droit du défunt, porte plainte en décembre 2009. Il réclame une analyse toxicologique sur des organes qui ont été conservés : celle-ci révèle une dose mortelle de paracétamol dans le sang.

 

Une tumeur au cerveau

Une enquête pour assassinat est ouverte. Elle révèle qu’Alexandre Despallières, 48 ans, habitué du monde de la nuit et du show-business, avait renoué avec le producteur, rencontré vingt ans plus tôt, quelques mois avant son décès. “Alex avait raconté à Peter qu’il était devenu extrêmement riche” et “était en train de mourir d’une tumeur au cerveau“. Il voulait l’épouser pour que Peter Ikin puisse hériter, relate John Reid, ex-producteur d’Elton John et proche du défunt. C’est l’inverse qui se produira. Un mois avant le décès, les deux amants concluent alors au Royaume-Uni une union civile, désignant Despallières comme légataire universel, mais ce document n’est pas reconnu par le droit australien.

Les enquêteurs le soupçonnent, afin de lever cet obstacle, d’avoir produit un faux testament après le décès d’Ikin, rédigé avec l’aide de deux amis, Jérémy Bilien et Vincent Bray. Les trois hommes sont arrêtés et mis en examen ainsi que Laetitia Nail, ex-femme d’Alexandre Despallières, suspectée d’avoir pu être impliquée.

 

Il vide des comptes bancaires, achète trois Porsche…

“On dit que j’ai tué Peter pour de l’argent, c’est absurde. Nous avions un compte joint (…) nous avions plusieurs millions investis à Jersey et l’île de Man. Peter me faisait confiance”, assure Alexandre Despallières en juillet 2010 aux enquêteurs. Mais ses complices présumés l’accablent. Jérémy Bilien et Vincent Bray reconnaissent avoir signé un faux “à sa demande et sous sa contrainte”. “J’étais très affaibli, Alexandre me terrorisait”, relève Vincent Bray. D’autant qu’après la mort de son amant, l’héritier fonce effectivement à Jersey, vide des comptes bancaires, achète trois Porsche…

Le passé de Despallières refait surface. Des proches s’étonnent des conditions de décès de ses parents, survenus à un an d’intervalle par absorption médicamenteuse et dont les corps ont été incinérés. L’ex belle-soeur de Despallières écrit même au procureur de Paris. Mariée dix-sept ans à un des deux frères d’Alexandre Despallières, cette Australienne parle “d’une escroquerie et d’un meurtre”. “J’ai appris que la succession de Peter Ikin s’élevait à plus de 20 millions de dollars”, écrit-elle. Dans ce courrier, elle parle du “long passé d’escroc et peut-être de tueur en série d’Alexandre […]. C’est la cinquième personne en six ans qui a été retrouvée morte en sa présence… Il s’agit de Monique et Marcel Despallières, ses parents, et les deux parents encore vivants de Monique et Marcel. Un héritage en ligne directe a suivi, précise-t-elle. Je crois qu’Alexandre a empoisonné toute sa famille. Il a organisé les crémations de tous les corps très rapidement”.

Dernier rebondissement, en septembre 2014, Marcelle Becker, veuve d’un magnat américain des assurances, qui a adopté Despallières après le décès de ses parents avant de faire annuler l’adoption, est interrogée par le FBI. “Il a tenté de m’empoisonner”, assure-t-elle sans livrer aucun détail.

“Que Despallières soit malhonnête, mais de là à en faire un assassin… Il y a un grand pas que la justice hésite à franchir”, relève la source proche de l’enquête. D’autant qu’“aucune des expertises diligentées ne démontrent que le décès a été causé par l’acte volontaire d’un tiers“, ajoute-t-elle. Seule certitude, d’après les experts “la consommation chronique de paracétamol au-delà de la posologie maximale, associée à une absorption d’alcool et/ou de cocaïne est de nature à avoir contribué au décès”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : F. Na

 

[Avec l’AFP, Lepoint.fr et Lejdd.fr]