Etre l’acteur de premier recours auprès des femmes, sans devoir passer par le médecin traitant. Voilà l’une des propositions formulées par l’Ordre des sages-femmes dans leur dernier Livre blanc. Une mesure qui se justifie par la pénurie de médecins et l’extension des compétences des sages-femmes assure la présidente de l’Ordre, Marie Josée Keller.

 

Egora.fr : Vous avez publié un livre blanc. Une de vos propositions entend faire de la sage-femme l’acteur de premier recours auprès des femmes. Quel est le but de cette proposition ?

Marie Josée Keller : L’objectif est de faciliter le suivi et la prise en charge des femmes en coordonnant l’action des professionnels de santé, et en contribuant à la réduction des dépenses publiques de santé. Les femmes ne doivent pas être obligées de passer systématiquement par leur médecin traitant pour qu’il n’y ait pas de retard à la prise en charge médicale et qu’elles n’aient pas à passer chez 36 professionnels. Pour l’instant, les sages-femmes jouent un rôle majeur dans le suivi gynécologique de prévention. Quand elles diagnostiquent une pathologique, il ne faut pas qu’elles soient obligées d’envoyer la femme chez un médecin traitant, qui l’enverra vers un spécialiste. La sage-femme doit avoir un accès direct au médecin spécialiste.

En Belgique, une femme enceinte est obligée d’aller consulter une sage-femme. Elle est le premier recours. Là, la sage-femme peut orienter vers un spécialiste. On reste dans les grossesses normales et le suivi gynécologique des femmes en bonne santé. Il est hors de question qu’une sage-femme suive des hypertendues, des diabétiques… Ca ne rentre pas dans nos compétences. Sauf après une prescription d’un médecin, en lien avec le praticien.

A l’heure où l’on parle de parcours de soins, du médecin généraliste comme pivot dans ce parcours… N’est-ce pas surprenant de vouloir se passer du généraliste ?

L’idée n’est pas de se passer des médecins généralistes. Les sages-femmes travaillent très bien avec les généralistes. Ils sont submergés par les ALD, les problèmes de vieillissement de la population… et n’ont pas forcément envie de suivre les jeunes filles pour la contraception par exemple. Ils travaillent de façon plutôt complémentaire avec les sages-femmes. Surtout dans les endroits où il y a un déficit de gynécologues-obstétriciens. Donc l’idée n’est vraiment pas de se substituer aux généralistes.

Nous n’avons aucun problème de pénurie dans la profession. On est une population très jeune, avec une moyenne d’âge de 40 ans et on a augmenté le nombre des sages-femmes de 70% en 20 ans.

La France est-elle un cas particulier à ce niveau en Europe ?

Au Royaume-Uni, en Suède… toutes les femmes doivent être vues par une sage-femme. Et elles ont un rôle très important dans le suivi de la grossesse, la contraception, le suivi gynécologique de prévention, la période post-naissance… Elles ont un rôle très global sur la santé des femmes. En France, les femmes ont vraiment encore tendance à aller chez un gynécologue pour suivre leur grossesse, bien que la situation soit en train de s’inverser. Les femmes se rendent de plus en plus chez une sage-femme. Pour le suivi gynécologique, la contraception, c’est quelque chose qui se généralise. Les sages-femmes sont d’un accès plus rapide et facile, d’autant que la loi de santé nous a donné de nouvelles compétences avec la possibilité de prescrire une IVG médicamenteuse, la vaccination à l’entourage de la femme enceinte, ainsi que les substituts nicotiniques.

Comment expliquez-vous ces réticences des femmes à aller vers les sages-femmes ?

Ce sont des habitudes à changer. Ça prend quelques années. L’accès à une sage-femme est très facile, le nombre de sages-femmes libérales a considérablement augmenté et 30% de la population exerce en libéral. Les compétences sont de plus en plus connues. Elles sont aussi très connues par l’intermédiaire du PRADO (programme d’accompagnement au retour à domicile après hospitalisation, mis en place par l’assurance maladie) grâce auquel les femmes se rendent compte qu’elles peuvent avoir accès à une sage-femme. Il y a aussi eu une campagne de communication du ministère.

Les médecins ne sont-ils pas réticents à partager ces compétences avec les sages-femmes ?

Les relations avec les généralistes sont très bonnes. Les gens se connaissent, ont vraiment un objectif de santé publique. Avec les gynécologues, ça se passe plutôt bien aussi. Bien que le syndicat des gynécologues-obstétriciens soit opposé aux nouvelles compétences des sages-femmes. Mais je dirai que ce sont des combats d’arrière-garde. La démographie des gynécologues est en baisse constante et il est exact qu’un médecin qui fait entre 10 et 15 ans d’études est formé pour soigner la pathologie et l’est moins dans le domaine de la prévention et de la physiologie. Ce que peuvent faire les sages-femmes. Aujourd’hui, c’est écrit dans le code de Santé publique, dès qu’une sage-femme diagnostique une pathologie, elle doit confier la patiente à un médecin. Les choses sont très claires. Mais il faut rappeler que 80% des grossesses sont normales. Donc il y a un champ très large accessible aux sages-femmes. Ce qui est important, c’est que les femmes soient bien suivies.

Vous avez diffusé votre livre blanc auprès des candidats à l’élection présidentielle…

Oui. Nous allons aussi présenter nos propositions au cours de rendez-vous prévus de janvier à avril 2017. On voudrait accroitre la visibilité de notre profession auprès des candidats et plus largement au sein de la sphère publique. Nous voulons aussi renforcer le positionnement des sages-femmes dans le débat public.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier

 


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