Des jeunes diplômés qui viennent en aide à des médecins trop chargés. C’est le credo du contrat de “remplaçant-assistant”, testé par l’association RemplaNor dans les déserts médicaux des Hauts-de-France. Un outil “simple” et gratuit qui vise aussi à inciter les jeunes à s’installer dans les zones déficitaires.

 

S’inscrire au Conseil départemental de l’Ordre, enregistrer son diplôme à l’ARS, s’affilier à la CPAM, s’immatriculer à l’Urssaf, acquérir un logiciel métier, trouver un local… La to-do list de l’installation en libéral a de quoi décourager les candidats les plus motivés. Au terme de ce parcours du combattant administratif, la vraie aventure ne fait que commencer. “Quand je remplaçais dans des campagnes, tout seul, avec un nombre de patients incalculable, j’avais une pression monstre. Ça ne donne vraiment pas envie d’y retourner, témoigne le Dr Alexis Wattine, 34 ans, médecin généraliste et président de l’association RemplaNor. Or, “on sait que les jeunes s’installent là où ils ont fait leur stage d’interne.”

Pour lever ces obstacles et remédier à la crise des vocations, l’association, qui gère des plateformes de remplacements médicaux (17.000 médecins inscrits en France), teste depuis peu un contrat de médecin “remplaçant-assistant” dans la région des Hauts-de-France. Ce nouvel outil juridique, soutenu par l’ARS et validé par les Conseils départementaux de l’Ordre, autorise un médecin installé dans une zone sous-dotée à faire appel à un “assistant” : un remplaçant –thésé ou non- qui pourra travailler en même temps que lui et utiliser les mêmes feuilles de soins.

 

“Le temps médical est mal réparti”

Tout part d’un constat : “hors période de vacances scolaires, dans le Nord, il y a une centaine de remplaçants disponibles qui ne trouvent pas de contrat, alors que les médecins installés sont débordés. Le temps médical est mal réparti”, relève le Dr Wattine, qui effectue des remplacements depuis six ans. Ces deux dernières années, le jeune généraliste a donc travaillé avec les CDOM du Nord et du Pas-de-Calais pour adapter un outil existant, le contrat d’adjoint. Ce contrat permet à un médecin installé de bénéficier de l’aide d’un interne en cas “d’afflux exceptionnel de population”, notamment dans les zones touristiques. “Mon premier remplacement, je l’ai fait en tant qu’adjoint dans le Sud-Ouest, relate le Dr Wattine. Je me suis dit : pourquoi pas dans les zones où il y a peu de médecins ?”

Un peu précaire – car saisonnier – et nécessitant d’en référer au Préfet, le contrat d’adjoint est relativement peu utilisé. Et ce malgré une ’”interprétation large” de “l’afflux de population” faite par les CDOM. “Son utilisation a déjà été autorisée quand, par exemple, l’afflux de patients résulte de départs de généralistes”, rapporte le Dr François Simon, président de l’exercice professionnel au CNOM.

 

Compagnonnage

Dans les Hauts-de-France, le contrat de médecin assistant pourra être validé par le CDOM dès lors que le cabinet se trouve dans une zone sous-médicalisée, telle que définie par l’ARS en 2006. Soit six cantons et 135 communes. Il est signé pour une durée d’1 à 24 mois cumulables. “Il doit y avoir un minimum d’engagement, commente le Dr Wattine. Mais au bout d’un moment, le remplaçant doit prendre une décision. Le but, c’est que les jeunes s’installent.”

Pour ses promoteurs, le dispositif allie en effet “la souplesse du statut de remplaçant à l’efficacité du statut de collaborateur”. Il épargne à l’assistant un certain nombre de démarches administratives et lui permet de bénéficier de l’expérience du médecin installé dans une démarche de “compagnonnage”. De quoi se familiariser en douceur avec l’exercice libéral. Le temps médical disponible est accru. Quant au médecin installé, “il va pouvoir souffler un peu et, peut-être, trouver un successeur. S’ils avaient eu quelqu’un pour les aider, tous ces MG dont on parle n’auraient peut-être pas dévissé leur plaque”, relève le Dr Wattine. Pré-requis pour le médecin installé : disposer d’un local et du matériel nécessaires pour les consultations de l’assistant (pièce vacante, local municipal, cabinet d’un confrère retraité…) et d’un système d’information partagé.

Alors qu’un premier contrat a été signé mi-novembre (lire le témoignage ci-dessous), le président de RemplaNor doit être reçu prochainement au Conseil national de l’Ordre pour envisager une possible extension du dispositif à toute la France. Suivant la même logique, la ministre de la Santé a annoncé le 25 novembre qu’elle souhaitait développer le statut d’adjoint, en “des médecins non thésés de venir en appui de médecins installés dans des zones sous denses”. Une “circulaire d’interprétation” sera prochainement adressée aux ARS et à l’Ordre.

 

“Jeune maman, j’avais envie de travailler différemment”

Le Dr Aurore Klouda, jeune diplômée, est la toute première “remplaçante-assistante” des Hauts-de-France. Elle a signé avec un médecin qui prépare son départ à la retraite.

“J’ai terminé mon internat fin avril 2015. J’ai remplacé quelques mois, avant d’être en congé maternité. Quand j’ai repris, j’avais envie de travailler différemment, d’avoir un agenda régulier. Or, quand on est remplaçant, c’est difficile d’organiser sa vie de famille car on travaille à droite et à gauche. J’ai fini par trouver deux médecins généralistes qui cherchaient des remplaçants chacun une journée par semaine. Je complétais avec des vacations en PMI. Mais au bout de quelques mois, le conseil de l’Ordre a tiqué sur le fait que je travaillais toujours dans les mêmes cabinets. Ils voulaient que je m’engage en tant que collaboratrice ou que je m’installe, mais c’était prématuré. Le Dr Wattine m’a parlé du contrat de remplaçant-assistant. Le médecin de Bollezeele (Nord, 1 428 habitants) souhaitait ralentir son activité, car il venait de faire valoir ses droits à la retraite. Aucune démarche à faire, j’ai simplement signé avec lui. Je travaille comme avant, mais tout est en ordre. Ça m’a permis de rester dans la région en attendant de m’installer dans le village d’à côté.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aveline Marques