Réunis en un collectif, les pharmaciens de Bergerac (Dordogne) disent stop au phénomène des patients privés de médecins. Obligés de renouveler des ordonnances au-delà du délai légal ou de fournir des médicaments sans ordonnance, donc non remboursés, les pharmaciens tirent la sonnette d’alarme. Au moins cinq patients seraient déjà décédés à cause de cette situation.

 

“A Bergerac, la situation est catastrophique. Onze médecins sont partis ces quatre dernières années. Il reste 15 généralistes, dont beaucoup ont plus de 70 ans”, s’alarme Ghislaine Laur, pharmacienne à Bergerac. La ville compte une population de plus de 28 000 habitants, à laquelle il faut ajouter ceux de la périphérie. Bilan, les médecins déjà en exercice ne prennent plus de nouveaux patients.

1 500 Bergeracois sont inscrits à la mairie dans l’espoir de trouver un médecin. Un chiffre sous-estimé selon Ghislaine Laur, qui elle-même n’a plus de médecin traitant mais dont le nom ne figure pas sur la liste. “Mon généraliste est décédé à 75 ans, alors qu’il exerçait encore”. Selon nos sources, le praticien voyait plus de 1 000 patients par mois. Un chiffre difficilement vérifiable.

 



“Je vois des patients en pleurs qui paniquent”

“De plus en plus de patients n’ont plus de médecin. Les plus aisés achètent les médicaments à leurs frais, les autres renoncent à se soigner”, déplore la pharmacienne. Une situation compliquée sachant par exemple que l’insuline est facturée entre 50 et 70 euros. Beaucoup de patients souffrants d’hypertension, de diabète ne sont plus suivis. Ils se laissent glisser. Une patiente est décédée d’un cancer qui a été diagnostiqué un an trop tard. S’il avait été dépisté plus tôt, elle aurait pu être soignée. J’ai au moins cinq patients qui sont décédés cette année à cause de cette situation”, déplore Ghislaine Laur.

Des chiffres à relativiser selon le premier adjoint au maire, Adib Benfeddoul, lui-même pharmacien. “Moi je n’ai eu aucun décès lié à l’absence de médecin. En revanche je vois des patients en pleurs qui paniquent. Certains disent qu’ils ne veulent plus prendre leur traitement”, témoigne-t-il.

 



Treize officines réunies en collectif

Seule solution pour les pharmaciens,“dépanner” certains patients en prolongeant les ordonnances au-delà du délai légal, mais cela n’est pas possible à l’infini. D’autant qu’ils s’exposent à des sanctions. “Le pharmacien a le devoir d’aider un patient, mais il ne faut pas en faire une généralité. Il n’est pas possible de renouveler des ordonnances en dehors du délai légal, sinon il s’agit d’exercice illégal de la médecine. Les patients doivent aussi se débrouiller pour aller dans d’autres villes alentours, comme Périgueux par exemple, pour trouver un médecin. Les diabétiques peuvent aller voir des spécialistes. Certains pharmaciens se réfugient derrière la désertification médicale pour délivrer n’importe quoi, n’importe quand”, s’agace Pierre Beguerie, président du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Aquitaine.

Réunis en collectif, les 13 officines de Bergerac ont décidé d’alerter les pouvoirs publics devant l’accumulation de leurs difficultés. Des réunions ont été programmées avec l’ARS et ont déjà abouti à ce que 150 patients chroniques puissent être pris en charge.

 



Pouvoir renouveler les ordonnances

“Tous les acteurs locaux (collectivités, représentants des professionnels de santé, établissements de santé, CPAM …), travaillent en étroite collaboration pour trouver des solutions permettant d’améliorer l’accès aux soins sur ce territoire”, rassure l’ARS, qui indique que des actions concrètes ont été mises en œuvre ces derniers mois. L’agence régionale de santé cite ainsi l’ouverture de consultations proposées tous les samedis matin, au sein des locaux de l’hôpital de Bergerac avec l’appui du Pôle de santé, pour assurer les renouvellements d’ordonnance de patients.

Quatre médecins devraient également s’installer à Bergerac avant le printemps prochain et un projet de Maison de santé pluridisciplinaire a reçu récemment un accord. Un autre est en cours d’élaboration avec l’appui de l’ARS.

Des avancées qui ne résolvent qu’à moitié le problème à court terme. Le collectif de pharmaciens demande donc de pouvoir renouveler les ordonnances pendant un an, qu’un protocole pour le suivi des malades chroniques soit pris en charge par la sécurité sociale, tout comme la livraison de médicaments à domicile et la fabrication de piluliers. “Pour ces gens en errance médicale, l’observance est capitale”, estime Ghislaine Laur.

“Nous voulons interpeller les politiques. Nous avons écrit une lettre à l’ARS et au ministère de la Santé. Le problème est global et ne concerne pas que Bergerac”, relève Adib Benfeddoul. Le collectif de pharmaciens aimerait être reçu au ministère.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Bonin-Berrebi