Une délégation d’internes et jeunes médecins* a été reçue mardi après-midi à l’Assemblée nationale, par trois députés de la Commission des Affaires sociales ayant voté l’amendement instaurant une contrainte à l’installation dans les zones de sur-densité médicale, dans le cadre du budget 2017 de la sécurité sociale. Marisol Touraine a déclaré qu’elle s’y opposera en séance pour ne pas contrarier l’impact des mesures incitatives qui commencent à donner leurs fruits.
 

 

Alors qu’un mot d’ordre de grève était imminent dans les états-majors de syndicats d’internes et jeunes médecins, les jeunes confrères sont venus à la rencontre de Michèle Delaunay, rapporteur de la partie assurance maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale (Plfss) 2017, Catherine Lemorton, présidente de la Commission des Affaires sociales et Annie Le Houerou (PS, Côtes d’Armor), co-auteur de l’amendement. Ces deux députées ayant voté pour le texte.

 

Risque de déconventionnement des spécialistes

La rencontre s’est passée dans un climat très confraternel. Ces jeunes sont très engagés, mais avons pu discuter et échanger des arguments intéressants“, relate le Dr Michèle Delaunay. Les jeunes confrères ont ainsi mis en avant leur absence d’informations concernant les zones d’exercice et les diverses aides existantes à l’installation. Ils demandent à pouvoir bénéficier de cette information pour être guidés dans leur choix. Ils ont également pointé le risque de déconventionnement réel des médecins spécialistes, qui continueront à s’installer dans les zones sur-denses coûte que coûte.

Ces arguments ont porté, puisque Michèle Delaunay, qui s’en était remise à la sagesse de l’Assemblée lors du vote en commission, émettra un avis défavorable à l’occasion du vote dans l’hémicycle. “Il est tout à fait exact que l’on ne peut mêler le sort des spécialistes en médecine générale et celui des autres spécialités“, reconnaît la rapporteur, qui souligne avoir été sensible au risque de déconventionnement induit par l’amendement. Dans l’argumentaire qu’elle développera en séance, elle compte également souligner un problème de temporalité : “On ne peut passer un tel amendement, presque sans débat, alors qu’une nouvelle convention a été signée après plusieurs mois de négociations“’ fait-elle valoir.

 

Touraine opposée à l’amendement

Un argument également souligné par son collègue de la commission des Affaires sociales, Gérard Bapt (PS, Haute Garonne), qui a voté contre et regrette qu’en cas d’adoption dans le Plfss 2017, cet amendement surprise risque de constituer pour les futurs et jeunes médecins,” le seul souvenir qu’ils garderont du quinquennat. On ne présente pas un sujet de cette importance-là en fin de législature” a-t-il pesté, ajoutant en outre que le texte allait à l’encontre des engagements réitérés de Marisol Touraine, “qui n’est pas contente du tout” de cette initiative parlementaire.

De fait, la ministre de la Santé a bien pris soin, dans son discours inaugural d’examen du Plfss 2017 mardi après-midi, de rappeler avec force qu’elle est contre les contraintes à l’installation et qu’en conséquence, elle s’opposerait à l’adoption de l’amendement parlementaire, qui contrevient à la logique des mesures incitatives qu’elle a déjà mis en place, “et qui comment à porter leurs fruits“.

 

Praticien territorial médical de remplacement

Elle a également informé les députés qu’elle avait déposé un nouvel amendement, créant le statut de praticien territorial médical de remplacement (PTMR), qui bonifiera les conditions d’exercice des remplaçants dans les zones de sous-densité médicale en leur garantissant notamment, des revenus minimaux et une protection sociale élargie. Une disposition qui pourrait permettre aux jeunes de découvrir ces régions et peut être d’y faire souche. Et aux médecins remplacés et très souvent surmenés, de prendre un peu de repos grâce à l’équipe de remplaçants inscrits auprès de l’ARS. Une initiative saluée par le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGjir) qui en défendait le principe depuis longtemps.

L’amendement de contrainte à l’installation est inapplicable“, maugrée le Dr Bapt. “Il est très difficile de déterminer les zones sur-denses”, convient Michèle Delaunay. Dans ma ville de Bordeaux, cela peut se jouer d’une rive à l’autre de la Garonne par exemple”, ajoute-t-elle.

 

Préavis de grève

 

Qu’en sera-t-il du vote de l’amendement, demain en séance ? “Il est probable que les menace de grève dans les hôpitaux douchent l’enthousiasme de mes collègues de l’opposition“, sourit Michèle Delaunay qui demandera un vote nominatif. “Le vote sera très serré, car on n’a pas trouvé la formule magique“, prédit-elle. Pour sa part, le Dr Jean-Pierre Door, vice-président (Les Républicains) de la commission des Affaires sociales, a fait savoir que son parti s’opposait à cet amendement.

N’en démordant pas, Annie Le Houérou a déposé un nouvel amendement, proposant d’instaurer le conventionnement sélectif dans les zones sur-denses. A titre expérimental.

Droits dans leurs bottes, contents de la rencontre avec les parlementaires “car le dialogue a été rétabli, quoiqu’un peu tardivement”, explique Camille Tricart, la nouvelle présidente de l’Isnar-IMG, les internes et jeunes médecins ont aussi constaté que, pour l’instant “l’amendement n’a pas été retiré”. Et ont donc déposé ce mercredi, un préavis de grève (lequel, devient opérationnel cinq jours plus tard. Ndlr). 

 



* Isnar-IMG, ISNI, ANEMF, SNJMG, ISNCCA et ReAGJIR.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne