Le président des Républicains et ancien président de la République, s’est lancé avec énergie dans la compétition de la primaire de la droite et du centre. Sévèrement talonné par plusieurs membres de son propre parti, le père de la loi Hôpital, patients, santé et territoire et de la réforme hospitalière, annonce de rudes économies dans la prise en charge des soins par l’Assurance maladie, la suppression de l’aide médicale d’Etat et une loi pour la médecine libérale, qui abrogera le tiers payant et donnera une place nouvelle à la prévention. Celui qui voulait “donner un patron à l’hôpital”, entend désormais dés-hospitaliser notre pays pour libérer les énergies. 

 

Egora.fr : La ministre de la Santé et des Affaires sociales vient de présenter un projet de loi de financement de la Sécurité sociale plaçant le régime général quasiment en équilibre en 2017. Comment analysez-vous ce recul du déficit, en cette période de très faible croissance ?

Nicolas Sarkozy : Il est mensonger de dire que le régime général aura atteint l’équilibre l’année prochaine. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 n’est absolument pas honnête. En réalité, le régime général sera déficitaire de 3,9 milliards d’euros en 2017 et non pas excédentaire de 400 millions comme annoncé. Car le gouvernement n’inclut pas dans ses calculs le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui présente un déficit de 3,8 milliards d’euros. Nous sommes entrés dans une séquence politique durant laquelle le gouvernement s’autorise tous les mensonges, toutes les contre-vérités.

La vérité c’est que dans le Plfss 2017, Marisol Touraine se gargarise surtout des succès de la réforme des retraites de 2010, réforme contre laquelle elle était personnellement vent debout et contre laquelle elle a maintes fois appelé à manifester. C’est bel et bien la réforme des retraites que j’ai mise en œuvre avec Eric Woerth qui a permis de redresser fortement les comptes de l’assurance-vieillesse.

Vous dénoncez le déficit structurel de l’assurance maladie, qui met en danger notre système de santé. La branche affichait un déficit de près de 7,4 milliards d’euros en 2015, près de 4 milliards en 2016. Quelles sont vos intentions et vos pistes de travail pour réduire le déficit ?

Durant le quinquennat à venir, je propose de réaliser jusqu’à 100 milliards d’euros d’économies. Cela passera également par une réduction du déficit structurel de l’assurance maladie.

Pour cela j’ai mis en avant deux pistes prioritaires. Tout d’abord je crois que le moment est venu, si nous voulons continuer de profiter d’un des meilleurs systèmes de santé au monde, de réaliser des économies en diminuant le taux de prise en charge des dépenses de santé de 76% à 73%. Cela permettra de réduire annuellement de plus de 5 milliards d’euros les dépenses de l’assurance-maladie, pour rétablir l’équilibre. Je crois indispensable de dire la vérité à nos concitoyens. C’est la condition pour que l’alternance soit une réussite : tout dire avant pour disposer de la légitimité de tout faire après l’élection.

L’Etat doit-il continuer d’éponger les dettes d’établissements de santé qui n’ont plus d’activités ou doit-il utiliser ces ressources pour aider la médecine de proximité ? Doit-on continuer la culture du « tout gratuit » souvent source de gaspillage, ou faut-il davantage de responsabilisation des patients et des professionnels de santé ? Nous devons changer notre politique de santé.

Maintiendrez-vous l’Objectif national des dépenses de santé (Ondam) à 1,75 % ?

La Cour des comptes a conseillé au gouvernement de ne pas relever l’Ondam en 2017. Après +1,75% en 2016, Michel Sapin a malgré tout annoncé un Ondam à +2,1% dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. Comment ne pas parler de mesure électoraliste lorsque l’on constate de telles dérives ? François Hollande et son gouvernement se préparent à une vaste opération électoraliste en vue de la présidentielle. Et naturellement cette campagne sera financée sur le dos de la prochaine majorité qui sortira des urnes. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif que je ferai voter dès l’été 2017, nous ramènerons l’Ondam au niveau préconisé par la Cour des comptes.

La suppression de l’aide médicale d’Etat pour les étrangers clandestins générera une économie de plus d’un demi-milliard d’euros. Enfin, la lutte contre la fraude est une autre source majeure d’économies, et tout simplement un enjeu de justice.

La loi de modernisation de notre système de santé et particulièrement le tiers payant généralisé, a mis des centaines de milliers de professionnels de santé dans la rue, l’an passé. Abrogerez-vous la loi Touraine lorsque vous serez élu ? Que contiendra la grande loi pour la médecine libérale que vous comptez proposer ?

Quelle drôle et curieuse idée que de vouloir réformer la Santé en opposition frontale avec l’ensemble des médecins et des professionnels de santé, par une réforme écrite dans le secret des bureaux ministériels. On ne bâtit rien de durable en jetant à la vindicte populaire ces centaines de milliers d’hommes et de femmes (600 000 infirmiers, 215 000 médecins, 21 000 sages-femmes, 73 000 pharmaciens), dévoués, passionnés, parmi les plus compétents au monde, sous prétexte qu’ils travaillent beaucoup et qu’ils aiment leur métier.

Mon engagement en faveur des professionnels de santé est clair : je souhaite l’abrogation du tiers payant généralisé, synonyme de complexité administrative pour les médecins.

En plus des engagements que je prends pour l’autonomisation des hôpitaux, je souhaite que nous accordions davantage de place à la prévention. Je veux promouvoir la prévention par la responsabilité individuelle et à travers des priorités clairement définies, dans le cadre d’un contrat individuel entre chaque assuré social, l’assurance maladie et sa mutuelle.

Le monde connecté doit permettre d’améliorer la prévention : les brosses à dent connectées pour les enfants, c’est ludique et utile pour prévenir les problèmes de caries. Le suivi en continu de la glycémie du diabétique sur un smartphone, ça permet de réduire les complications, d’adapter les traitements. La prévention du passé n’était pas efficace car trop punitive. Je crois que nous pouvons améliorer la santé des Français en les engageant davantage.

Conserverez-vous le principe d’une complémentaire santé obligatoire pour tous ?

Nous devons nous interroger sur le contrat responsable et trouver un meilleur équilibre de la prise en charge. Les entreprises doivent avoir plus de liberté de choix.

La nouvelle convention médicale, qui hisse symboliquement le prix de la consultation à 25 euros au 1er mai 2017, valorise le médecin traitant, l’exercice regroupé, dépénalise l’installation en zone de faible densité médicale notamment. Ces dispositions sont-elles suffisantes à vos yeux, pour inciter les internes à se diriger vers la médecine libérale, et particulièrement la médecine générale, discipline boudée par les jeunes générations ? Quel serait, à vos yeux, le juste prix pour une consultation médicale ? Faut-il aller encore plus loin dans l’évolution du mode de paiement à l’acte vers une rémunération au forfait ?

La nouvelle convention médicale, avec l’augmentation symbolique du prix de la consultation à 25 euro au 1er mai 2017, n’est pas à la hauteur. Comment peut-on imaginer, après une dizaine d’années d’études, souvent très compliquées, être rémunéré de la sorte. Je suis convaincu que le moment est venu de profondément refondre le système de rémunération des médecins en y intégrant d’autres paramètres de santé publique. Suivre un diabétique au long cours ne nécessite pas un paiement à l’acte systématique, un forfait serait plus adapté. Il faudra les revoir en concertation avec eux.

La participation financière des organismes de protection complémentaire dans les forfaits du médecin traitant notamment est-elle une bonne chose ? Faut-il aller plus loin dans le co-financement de notre système de protection sociale ?

Les solutions que je propose pour redresser les comptes de l’assurance-maladie ainsi que pour améliorer la rémunération des praticiens libéraux permettront de moderniser en profondeur notre système de soins. Je souhaite dans un premier temps que les mesures que j’ai proposées puissent produire leurs effets, avant d’aller encore plus avant de nouvelles méthodes de financement de notre sécurité sociale.

Que faudrait-il faire pour revitaliser les déserts médicaux ? Garantirez-vous la liberté d’installation partout en France ?

La France fait face à une désertification médicale galopante. Dans un certain nombre de départements français, les patients sont contraints de parcourir des distances toujours croissantes pour se rendre chez leur médecin. Je me refuse à cette fatalité qui oppose des villes, majoritairement de grande taille, convenablement dotée en médecins libéraux, aux zones rurales à faible densité de professionnels libéraux de santé.

En plus d’une meilleure rémunération des médecins installés en zone sous-dotée, je crois en la nécessité de moderniser les formations des étudiants en médecine. En effet, je propose d’inclure davantage la pratique en cabinet médical dans les parcours universitaires des facultés de médecine.

Alors qu’actuellement les étudiants passent l’essentiel du temps de leur formation dans les hôpitaux, je suis persuadé que le plus grand contact avec la pratique de la médecine libérale permettra de faire naître des vocations, et à terme, combiné aux effets de la rémunération et des avantages de l’installation en zone sous-dotée, contribuera à réduire la désertification médicale.

Les médecins libéraux protestent contre l’envahissement de l’administration dans leur exercice, et la réduction conséquente du temps médical au profit de la “paperasse”. Vous qui avez été à l’origine des agences régionales de santé (ARS) , issues de la loi Hôpital, patients, santé et territoires, comptez-vous redonner du temps médical aux médecins, alléger leurs contraintes administratives ?

Aujourd’hui, plus de 15% du temps des médecins est consacré à la réalisation de démarches administratives. Le tiers payant généralisé, voulu par Marisol Touraine et François Hollande, va accentuer encore cette réalité. Tout le temps passé à remplir des formulaires et à effectuer des démarches auprès de l’administration, c’est du temps qui n’est pas consacré aux soins des patients.

Je souhaite donc un allègement des actes d’ordre administratif pour sortir le médecin du fatras de formulaire et lui permettre de se consacrer à sa mission première : soigner.

Vous avez affiché l’intention de donner un véritable patron à l’hôpital. Comment comptez-vous vous y prendre en initiant par ailleurs, le mouvement de des-hospitalisation prôné par Les Républicains ? Quelles en seraient les conséquences pour les hôpitaux publics qui se regroupent en groupements hospitaliers de territoires (GHT) et les cliniques privées ?

Je mettrai fin à la paupérisation croissante de l’hôpital public qui a été trompé. J’y ferai également le pari de la liberté pour rendre les établissements plus autonomes, avec des objectifs d’excellence des soins. Cette souplesse favorisera leur modernisation, notamment au travers de la médecine ambulatoire.

Je veux en effet libérer l’hôpital public de ses contraintes, tutelles, et lourdeurs administratives. Tout comme en médecine de ville, la bureaucratie a pris une place trop importante à l’hôpital. Les professionnels de santé mais aussi les cadres administratifs appellent de leurs vœux plus de souplesse pour s’organiser, pour collaborer. Le cadre statutaire actuel limite toute initiative de terrain.

Je souhaite que les établissements de santé aient davantage d’autonomie pour gérer leurs effectifs, les rémunérations, la durée de travail, les coopérations inter-établissements. Cette liberté se fera en contrepartie d’un équilibre des comptes.

Marisol Touraine souhaite que seuls les hôpitaux de statut public collaborent sur un territoire, je souhaite pour ma part que tous les établissements sans distinction, quels que soient leur statut collaborent ensemble. Les établissements de santé privée doivent avoir toute leur place. Ce qui compte ici c’est l’accès aux soins et qualité des soins délivrés. Il faut cesser d’opposer les professionnels entre eux. 

Conserverez-vous le principe du numerus clausus, mis régulièrement à mal par la libre circulation des étudiants en médecine dans l’union européenne ?

La formation des médecins doit être revue pour l’adapter aux enjeux de la médecine de demain et aux défis de notre système de santé, en tenanten compte les réalités régionales. Tout au long de leur cursus, les étudiants devront réaliser des stages dans des hôpitaux publics, des cliniques, dans des établissements médico-sociaux, ou sein de centres de recherche pharmaceutique, pour leur donner une vision complète du système de santé.

Comment et avec quels moyens, permettre à notre pays de s’inscrire pleinement dans l’innovation – y compris dans le secteur du médicament – et le tournant de la e-santé ?

La France doit rester une terre d’innovation et de recherche. Nous comptons parmi les plus grandes nations, notamment en ce qui concerne la recherche médicale et les traitements innovants. Le gouvernement actuel n’a manifestement pas pris la mesure des enjeux liés à ce secteur. Le plan maladies dégénératives n’a pas la cohérence et la ligne directrice qu’il devrait avoir. Il ne contient plus aucune ambition européenne. En plus de relancer les plans Alzheimer et cancer, je crois primordial de lancer dès 2017 un plan « Autisme » ; parce que l’autisme est un drame et qu’il est de notre responsabilité d’aider ces familles dont le quotidien est bouleversé par la gravité de la pathologie dont souffrent leurs enfants.

Dans ce projet, les industries de santé ont toute leur place. C’est d’ailleurs par elles que passera la relance d’ambitieuses politiques d’innovation médicale. Au cours du quinquennat à venir sera l’occasion de mettre en œuvre une politique industrielle de santé où l’excellence française constituera l’objectif prioritaire. Notre pays a des atouts qu’il doit faire valoir, tant au niveau de la recherche que du développement et des essais cliniques. Je souhaite donc la mise en place d’un dispositif de suivi et d’évaluation « en vie réelle » des nouveaux médicaments pour que nous puissions mieux en apprécier l’efficacité et stimuler davantage la recherche médicale.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne