Médecin généraliste, écrivain et auteur du blog à succès Alors voilà, Baptiste Beaulieu publie son troisième roman intitulé La ballade de l’enfant gris (éditions Mazarine). Inspiré par le traumatisme qu’il a ressenti lors du décès d’un jeune patient alors qu’il était étudiant, Baptiste Beaulieu évoque le thème de l’empathie dans la médecine. Ce fervent défenseur d’une médecine plus humaine s’empare également du sujet tabou de la phobie d’impulsion chez les jeunes mamans. Entre les couloirs d’hôpital du service de pédiatrie et la ville de Rome, le roman transporte le lecteur dans un voyage mystérieux aux côtés des personnages attachants. 

 

Egora : Dans le livre vous parlez du traumatisme lié à la perte d’un patient…

Baptiste Beaulieu : Lorsque j’étais étudiant j’ai très mal vécu la mort d’un enfant. Après ce choc, j’ai arrêté quelque temps mes études pour partir à Rome et à Jérusalem. Ça a été compliqué. J’ai eu l’impression que l’on m’avait menti toute ma vie. On ne m’avait jamais dit que les enfants mourraient comme ça. Je suis sûrement très naïf mais la mort de cet enfant m’a bouleversé.

On a posé le terme de roman sur le livre, mais quelque part la vraie histoire, c’est celle que j’ai ressenti à l’époque. C’est les émotions qui m’ont traversées. J’ai fait ce voyage à Rome et Jérusalem pour essayer trouver un peu de verticalité et essayer de comprendre ce qu’il s’était passé dans cette chambre d’hôpital. J’ai fait ce voyage pour pouvoir quitter cette chambre et aller mieux. En écrivant ce livre j’ai pu enfin abandonner ce qui s’y était passé. Ce que cette mère avait fait à son enfant.

On ressent effectivement la part autobiographique du livre…

Oui complétement. Toutes les anecdotes, les petites histoires me sont inspirées de rencontres faites lors de mes voyages ou de patients. La seule chose que j’ai romancé c’est lorsque je dis que l’interne en médecine a de larges épaules, est très beau, plait à toutes les filles, est brillant et adoré de tous dans sa promo. Là, c’est clairement romancé ! J’avais ce fantasme et je me suis servi du roman pour l’assouvir. C’est le privilège de l’auteur ! 

Comment faire pour se protéger de ces moments traumatisants ? Que dire aux étudiants en médecine pour leur éviter ce type de traumatisme ?

C’est sûr que moi on ne m’avait pas beaucoup aidé à l’époque. Les seuls qui m’ont aidé ont été mes parents qui m’ont forcé à aller voir une psy pour parler et pour pouvoir pleurer. J’avais besoin de pleurer. Ça m’a fait beaucoup de bien.

En médecine, les soignants ne doivent pas montrer trop d’empathie ou se sentit trop concernés. Sinon, il y a tout de suite une suspicion de manque de professionnalisme.

Est-ce que ça n’est pas une manière de se protéger ?

Je ne sais pas. Moi ça ne m’a pas protégé du tout. Ça m’a plus blessé qu’autre chose.

Dans le roman, vous abordez aussi le thème de la phobie d’impulsion…

J’ai soigné en suite de couche pathologique pendant six mois et ça a été pour moi une vraie claque de voir que quelque part la société mentait aux femmes en leur faisant croire que dès l’instant que l’enfant est là, posé sur leur ventre, elles sont mamans. Que tout est naturel, évident et facile dans cette relation mère, enfant qui fonde notre société. J’ai vu ces femmes souffrir. Elles ne se sentaient pas maman et avaient même parfois des pensées violentes. En tant qu’écrivain, j’ai voulu raconter ça et dire que ça arrive et que ce n’est pas si grave. Ces femmes ne méritent pas d’être ostracisées.

La phobie d’impulsion touche environ 4 personnes sur 5. C’est énorme mais on n’en parle jamais. C’est un thème tabou. D’autant que dans 30% des cas, cela débouche sur des troubles obsessionnels compulsifs. Parfois c’est à minima, on prend l’enfant qui pleure dans ses bras et on se dit “je pourrais lui tordre le cou ou le jeter par la fenêtre”. La plupart des temps les femmes n’en font rien, mais cette pensée est si terrible que comme elles aiment l’enfant, elles n’arrivent plus à penser à autre chose.

Il y a peu d’études qui sont faites sur ce sujet. Ces pensées intrusives touchent la majorité de la population mais on sait que les jeunes mamans y sont encore plus susceptibles.

Pourquoi ce thème est-il tabou ?

Les femmes n’en parlent pas par crainte d’être considérées par la société comme des mauvaises mères. Il y a quelque temps, j’ai diné avec un ami qui a 4 enfants. Je lui parlais de mon livre. Il me disait “Qu’est-ce que tu racontes, des mères qui aiment tellement leurs enfants qu’elles pourraient leur faire du mal, ce n’est pas possible…” A ce moment-là, son épouse a explosé en sanglot et s’est enfuie de la pièce.

Quel sera le thème de votre prochain livre ?

Je pense que je vais m’éloigner un peu de la médecine. Je voudrais écrire un livre pour retrouver une femme. J’ai appris il n’y a pas longtemps que durant la seconde guerre, mon grand-père avait eu une enfant. Elle a grandi aux Etats-Unis sous une autre identité. Je voudrais retrouver cette femme, prendre l’avion et la prendre dans mes bras.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin