Cet été, Egora vous propose de passer une journée avec un médecin pas comme les autres… Après 10 ans de médecine générale dans le Jura, le Dr Annabelle Carron est devenue l’unique médecin-pompier professionnelle de son département. Entre le suivi des pompiers en opération, le secours aux personnes et la formation des pompiers et des infirmiers, elle apprécie la variété de ses missions. Elle est aussi mobilisable 24h sur 24, dans tout le département. Elle nous raconte ses journées.
 

 

“Je suis médecin-pompier professionnelle depuis deux ans. Dans mon département, je suis la seule. Les autres médecins sont volontaires. Nos journées correspondent à nos missions au service de santé. Je n’ai pas deux journées pareilles.

Toutes mes missions sont départementales. On a un bureau fixe, mais ma secrétaire s’arrache les cheveux pour savoir où je suis. Si certains ont la vision du médecin-pompier assis au bureau, c’est faux. On est plutôt mobile et polyvalent. Je fais 6 000 kilomètres par an. C’est ce qui fait tout l’intérêt du métier. Il y a à la fois du travail d’urgentiste, de l’activité médecine du travail, de l’activité de soutien sanitaire où l’on voit les pompiers en intervention, et tout le volet formation et matériel à choisir.

 

“Une sorte de médecine du travail adaptée au métier de sapeur-pompier”

Mes journées commencent le matin vers 8 heures. L’une de mes premières missions, plusieurs fois par semaine, ce sont des visites médicales d’aptitude pour les sapeurs-pompiers. Nous sommes chargés de définir si l’état de santé des pompiers leur permet d’assurer leurs missions opérationnelles ou non. C’est à nous de dire s’il peut aller au feu, s’il peut faire du secours à personnes, du secours routier… C’est une sorte de médecine du travail adaptée au métier de sapeur-pompier, avec tous les risques inhérents à cette profession particulière. Je peux en faire deux ou trois par jour, ou bien faire ça toute la journée si je vais dans un centre de secours à l’autre bout du département.

C’est vraiment notre première mission. Mais si je suis en train de faire des visites médicales, et qu’il y a un gros accident de la route pas loin, il faut interrompre les visites et aller sur l’accident. On intervient en complément des SAMU. Soit parce qu’il y a une carence de SAMU, soit parce qu’on va être le médecin de premier recours avant que le SAMU n’arrive, ou pour donner un avis pour savoir s’il faut engager plus de moyens.

On sort sur tout, du secours à personnes, du secours routier… C’est varié. Ça peut être le jour, la nuit, le week-end. Il n’y a plus du tout d’horaire. Je suis mobilisable à toute heure du jour et de la nuit. C’est bien sûr très aléatoire. Vous allez avoir trois sorties de nuit la même semaine, et plus du tout pendant 15 jours. En moyenne, à l’année, je fais 80 à 90 interventions en tout. Ça fait deux par semaine, en gros.

 

Incendie de maison

On fait aussi du soutien sanitaire opérationnel. On va s’occuper sur place des sapeurs-pompiers engagés sur une grosse opération. Ce sont généralement des incendies. On est chargés d’évaluer les risques potentiels sur la santé : des émanations de gaz chimiques, de fumées toxiques… On doit informer notre hiérarchie que tel pompier a une hypertension, qu’il faut le retirer de l’intervention, qu’il faut qu’il aille se reposer, qu’il faut envisager une relève… On sert à tout ça, et on surveille l’effectif pendant toute la durée de l’intervention.

La semaine dernière, on a eu un incendie de maison. C’était un gros feu, avec une quarantaine de sapeurs-pompiers engagés. Nous on les surveille, on regarde leur pouls, leur tension, leur état de fatigue, leur déshydratation… On fait des mesures de monoxyde de carbone. On les réhydrate, on assure la logistique repas si besoin. Les pompiers interviennent sous des respirateurs. Ils ont une bouteille d’oxygène dans le dos qui leur évite d’être intoxiqués. Mais au bout de 20 minutes, ils sont obligés de revenir pour changer les bouteilles. Ça nous permet de les voir régulièrement.

La dernière opération a duré 12 heures. L’année dernière, on a eu un feu de scierie qui a duré trois jours. J’ai fait les 20 premières heures, et on a organisé des relèves avec des infirmiers ou des médecins volontaires.

A côté de ces missions, on est aussi chargés de toute la formation médico-secouriste des sapeurs-pompiers. Souvent les médecins ne savent pas qu’on fait ça. Dans mon planning, ça prend beaucoup de place. Il faut faire les cours, les dispenser, on fait partie des jurys… Ça prend au moins deux jours dans la semaine. On forme les jeunes sapeurs-pompiers, les équipiers de base, les chefs d’agrée, les infirmiers, les médecins… Il y a toujours quelqu’un à former. On y passe beaucoup de temps.

 

Au début, l’ARS on n’est pas nécessairement fan, mais on voit que c’est nécessaire

La dernière facette, c’est tout le travail avec la préfecture. Par exemple, pour le Tour de France, il faut organiser les secours médicaux. On a eu des réunions en préfecture, où on se met d’accord sur un plan, des réunions avec l’ARS, des formations suite aux attentats… C’est un travail plus administratif et stratégique de choix de politique de secours dans un département. Ce n’est pas quelque chose d’habituel en médecine. Au début, l’ARS on n’est pas nécessairement fan, mais on voit que c’est nécessaire. C’est très intéressant de participer aux projets, de voir comment les choses se mettent en place.

Une journée calme finit vers 18 heures. Mais je peux être appelée pour repartir en intervention. On fait près de 60 heures par semaine. Je suis mariée, on a trois enfants, et mon mari est généraliste et médecin pompier volontaire. Le dimanche midi, vous pouvez être attablé en famille et il faut partir. On essaye de ne jamais partir ensemble, sauf grosse catastrophe. Ça nous est déjà arrivé. C’est parfois sport. Un peu comme les médecins dans le temps, qui partaient régulièrement en visite la nuit. Les enfants ont été élevés comme ça, ils sont habitués.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier