Pour les jeunes, le médecin de campagne a l’image d’un vieux généraliste isolé qui ne compte pas ses heures. “Cette image fait peur aux jeunes. C’est une charge de travail qu’on ne veut pas reprendre”, assure Adrien Aceldy. En dernière année de médecine générale à Rennes, il a découvert la campagne lors d’un stage. “J’ai été agréablement surpris” se souvient-t-il. Aujourd’hui, pour comprendre comment attirer les jeunes en centre Bretagne, il a entrepris une thèse sur le sujet.
 

 

Egora : Vous avez choisi de vous intéresser à la démographie médicale. Pourquoi ce sujet ?

Adrien Aceldy : Il m’a été proposé par mon directeur de thèse, chez qui j’ai commencé à faire des remplacements. Il exerce en zone sous-dotée, à Bréhan, en centre Bretagne. C’est un sujet dont on entend beaucoup parler. Ça s’inscrit bien dans l’actualité. Je viens de Rennes. J’ai fait de nombreux stages en Bretagne, et j’ai entendu beaucoup de patients parler du manque de médecins.

Je compte faire une cartographie de l’offre de soins primaires en Bretagne. C’est un état des lieux des structures de santé privées ou publiques. Le projet a-t-il été monté par la mairie ? Un entrepreneur ? Des médecins ? Quel est le taux d’occupation des différentes structures par les médecins généralistes ? Qu’est-ce-qui a poussé les médecins à s’y installer ? L’objectif principal, c’est de comparer les structures en termes d’attractivité pour les médecins généralistes.

Qu’espérez-vous montrer avec ce travail ?

J’ai le sentiment que les jeunes généralistes sont plutôt attirés par les structures privées. Ce qui marche, se sont les structures montées par les médecins eux-mêmes. Et pas par les mairies qui cherchent des médecins une fois que les locaux sont prêts. Concernant les maisons médicales, mon hypothèse, c’est qu’elles sont plutôt occupées par des jeunes médecins, et les cabinets isolés sont plutôt occupés par des médecins plus âgés. C’est un a priori. On verra. Je me trompe peut-être, mais ce sera intéressant de voir.

Est-ce qu’il n’existe pas déjà des données sur le sujet ?

Etonnement, je n’en ai pas trouvé dans mes recherches de thèse. Il faut dire aussi que la situation de la Bretagne est particulière. La région ne manque pas de médecins, elle est même assez bien dotée. Mais ils sont plutôt répartis sur les côtes. Il y a un manque dans le centre de la Bretagne. L’attrait des côtes pour l’exercice de la médecine explique que les maisons côtières soient bien pourvues. A l’est, il y a Rennes, des grosses villes. Et dans le centre, c’est plutôt la campagne. Et ça fait peur aux jeunes médecins quand on parle d’installation.

En tant que jeune médecin, que pensez-vous des politiques actuellement menées pour inciter à l’installation des jeunes ?

Je trouve que le CESP [Contrat d’engagement de service public] est vraiment une bonne chose. C’est une bonne initiative de proposer aux étudiants, dès la 2ème année, une indemnisation contre une installation en région sous-dotée. Après, j’ai le sentiment qu’il n’y a pas eu beaucoup de promotion autour de ça. Je ne connais personne qui en a bénéficié. L’installation en campagne fait peur à beaucoup de jeunes car on ne s’imagine pas du tout la réalité de l’exercice à la campagne. Moi, j’ai été vraiment agréablement surpris quand j’ai commencé à travailler à Bréhan, il y a deux mois. Je suis encore en stage, mais j’ai des jours libres qui me permettent des remplacements.

Quels étaient vos a priori sur l’exercice à la campagne ?

J’ai eu la chance de faire des stages dans des zones semi-rurales. Et j’ai vu la différence avec la patientèle de ville. A la campagne, les gens sont plus respectueux, écoutent plus leur médecin, c’est vraiment agréable d’y exercer. Les jeunes qui ne connaissent pas ont l’image des vieux médecins de campagne, isolés, qui ne comptent pas leurs heures, qui peuvent être appelés à toute heure du jour ou de la nuit, le weekend. C’est un peu un sacerdoce. Je ne connais personne qui ait envie de reprendre cette charge de travail.

Que faudrait-il faire pour attirer les jeunes dans ces zones ?

Il faut organiser un stage pour chaque étudiant dans des cabinets de campagne. Pas forcément longtemps, juste histoire de découvrir et de dédramatiser ce à quoi on doit s’attendre. Je pense que ça attirerait beaucoup de monde. Après, bien sûr, il y a d’autres facteurs. On choisit ou pas d’habiter à la campagne, on est d’accord ou pas pour faire beaucoup de route. Certains craignent que l’accès à un spécialiste soit plus compliqué. A Bréhan, personnellement, je n’ai eu aucun souci pour accéder à des spécialistes.

Quels sont vos projets d’installation ?

Je compte faire des remplacements pendant encore un an et demi. Et pour m’installer, on verra avec ma compagne. Ce ne sont pas des choix qui se planifient tout seul. Mais je voudrais travailler plutôt en zone rurale. Je me vois dans une structure privée, et avec des gens que je connais déjà. J’ai un groupe d’amis qui ont déjà fini, ou vont finir bientôt leurs études. Je préfèrerai travailler avec des gens que j’apprécie et que je connais d’avance. Travailler en groupe oui, mais avec une équipe qui s’entend bien.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier