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TEMOIGNAGE – Moi, médecin, je suis menacé de mort par des homophobes

L’attentat d’Orlando en Floride, a tué au moins 49 personnes dans une boîte gay. Dans un billet publié le 13 juin sur son blog, le médecin blogueur Baptiste Beaulieu rappelait “à ceux qui pensent que les personnes choisissent d’être homos, lesbiennes ou transgenres, que ce n’est pas un ’choix’. On ne choisit pas d’avoir peur de tenir la main de la personne qu’on aime en public. On ne choisit pas de se faire assassiner par un terroriste dans un lieu de fête et de joie”. Ce billet lui a valu des menaces de mort. Egora publie sa réponse.

 

Ne manquez pas à la fin de l’article, notre interview de Baptiste Beaulieu.

 

“L’autre soir, j’ai rédigé un édito sur la tuerie d’Orlando où je disais que les 49 victimes avaient été tuées parce qu’elles étaient homosexuelles, lesbiennes ou transgenres. Comme si on mettait fin à nos jours parce que nous sommes blonds, ou bruns, ou que nous avons une fossette au menton, une forte poitrine ou le muscle de l’épaule très galbé.

J’expliquais dans cette tribune qu’être homos, lesbiennes ou transgenres, ce n’est pas un “choix”. On ne choisit pas d’avoir peur de tenir la main de la personne qu’on aime en public. On ne choisit pas de se faire assassiner par un terroriste dans un lieu de fête et de joie.

Partout dans le monde les gens meurent parce qu’ils sont homosexuels, lesbiennes, transgenres.

À ceux qui disent que la gay pride ne sert à rien, et qu’il n’y a pas d’hétéro-pride : aucun hétérosexuel ne meurt au SEUL motif qu’il est hétérosexuel. Aucun. On ne vous casse pas la gueule pour ça. On ne crève pas les pneus de votre voiture pour ça.

Après cet édito, j’ai reçu aussitôt des insultes et des menaces de mort.


En commentaires et via messages privés. Mes amis ont reçu des messages privés pour connaître mon adresse.

C’était juste un édito, un minuscule édito…

Vous doutez de l’homophobie ?

Mon édito ne précisait pas mon orientation sexuelle, pourtant je m’y faisais traiter de “sale pédale” et ma mère se faisait traiter de “sale chienne qui a fait naître une sale pédale” (je vous épargne les fautes d’orthographe).


Des dizaines et des dizaines d’insultes.

Puis cela a été les menaces de meurtre et de viol.

“Ta mère je la viole je la tue avec ma bite je baise ta famille de fils de putes et je les enterre tous”.

Et :

“Viens je te bute…”

Ou, plus freudien de la part d’un homophobe “Je te nique ta face”

Plusieurs individus différents s’acharnaient.

Là où les choses deviennent plus inquiétantes : je reçois des captures d’écran de ma photo de profil Facebook :

“Je te vois je te tue”


Puis des amis Facebook m’écrivent :

“On a reçu un message de quelqu’un qui nous demande ton adresse personnelle etc…”

Voilà.

Depuis deux jours nous assistons à une invisibilisation de l’événement : on voudrait nous faire croire que c’est l’Occident qui est attaqué. On ne prononce que très peu le mot gay dans les médias (seul le journal Sud Ouest) et on rappelle avec soin que n’importe qui peut être visé, à n’importe quel moment.

Ne pas dire que les victimes de l’hypercasher étaient juives reviendrait à invisibiliser l’antisémitisme galopant de notre société. Il en est de même ici.

Les victimes sont mortes parce qu’elles étaient gays, lesbiennes et transsexuelles.

Que se passe-t-il à votre avis quand les individus qui m’ont écrit croisent des hommes, des femmes ou des transgenres qui se tiennent la main dans la rue ? Qui “osent” s’aimer et le montrer sans honte ?

Si vous ne savez pas répondre à cette question, si vous ne l’avez pas vécu, c’est un privilège (un immense privilège, même), mais ce n’est pas pour autant que cela n’existe pas.

Je n’écris pas pour qu’on me plaigne. Les victimes sont couchées dans le sol et leurs familles pleurent.

J’écris pour dire haut et fort : l’acte de l’autre soir N’ÉTAIT PAS UN ÉPIPHÉNOMÈNE.

L’homophobie tue et discrimine TOUS les jours : nos enfants, nos soeurs, nos frères, nos amis, les enfants de nos amis…

L’homophobie est une réalité.

Et elle tue.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Baptiste Beaulieu
#LoveisLove
#orlando”

 

Interview

S.B : Comment les évènements se sont-ils déroulés ?

Baptiste Beaulieu : L’édito que j’ai écrit sur la tuerie d’Orlando a été partagé plus de 20 000 fois. Ça a été beaucoup “liké”. Evidemment ça a attiré tous les “cassos” et les tocards d’internet. J’ai commencé à recevoir beaucoup de messages à caractère homophobes. J’ai plus ou moins l’habitude de recevoir ce type de messages et je m’en moquais un petit peu. Là les gens se réjouissaient de ce qu’il s’était passé… Puis ça a vraiment dérapé lorsque des personnes ont dit qu’elles voulaient me tuer en prenant des photos de mon profil facebook avec un zoom sur mon visage. Elles disaient “si je te vois, je te tue”. Après elles ont insulté ma mère, et elles voulaient s’en prendre à ma famille. Et puis j’ai reçu des messages de collègues qui me disaient que des personnes les avaient contactés pour savoir où j’habitais. Il s’est avéré finalement que c’était la même personne. J’ai donc décidé d’aller porter plainte. La police a enregistré trois plaintes : menace de mort sur moi-même, menace de mort sur ma mère et insultes à caractère homophobe.

Comment analysez-vous cette situation ?

Je suis intimement persuadé que ça n’est pas du tout moi qui suis visé mais c’est le fait que je défende la communauté LGBT. Ca n’est pas du tout des actes isolés. Je pense que ce sont des actes qui touchent beaucoup de Français tous les jours.

Il y a un problème aujourd’hui avec le mot homophobie…

Oui absolument. Lorsque l’on voit les médias qui essaient de noyer le poisson, c’est comme si lors de l’attentat de l’Hyper Cacher on ne disait pas qu’en fait c’était des juifs qui étaient visés. C’est ce qui s’appelle une invisibilisation. On a tendance à oublier que l’homophobie existe et qu’elle fait des victimes tous les jours.

Pourquoi cette invisibilisation ?

Je pense que ça gène beaucoup de monde. C’est assez difficile à expliquer. Je pense que cela touche à des choses très profondes qui sont probablement civilisationnelles.

Comment ressentez-vous ces attaques homophobes ?

Je suis un peu à cran. Je suis médecin et quand je reçois des gens au cabinet qui ont fait une tentative de suicide parce qu’ils sont homosexuels, ça me fait vraiment mal. Ces attaques sont insupportables. Il y a quatre fois plus de suicides chez les personnes LGBT. Ca n’est pas anodin. Aucun hétérosexuel n’est tué au seul motif qu’il est hétérosexuel.