Les conditions de stationnement pour les professionnels (y compris de santé) ont été modifiées dans la capitale. Alors que tous les médecins bénéficiaient d’une quasi gratuité, ils devront payer comme tous les parisiens. Seuls les 900 praticiens qui effectuent des visites à domiciles seront exemptés. Une situation qui a déclenché les foudres de l’Ordre parisien, où l’on demande une dérogation. Le Dr Bernard Jomier, adjoint parisien chargé de la santé et généraliste dans le 19e arrondissement nous explique pourquoi il n’y est pas favorable.

 

Egora.fr : Concrètement en quoi consiste cette nouvelle mesure de stationnement ?

Dr Bernard Jomier : Il y a un an le conseil de de Paris a adopté de nouvelles modalités de stationnement pour les professionnels qui exercent à Paris. Cela s’appelle la carte mobilité. Il est demandé aux professionnels d’acheter cette carte annuelle dont le coût est de 240 euros qui permet de stationner pendant 7 heures à un prix moindre. Ce dispositif est le même que celui qui est mis en place dans d’autres villes.

Cela change quoi par rapport à la situation précédente ?

Avant, la situation était assez inconfortable puisque les médecins avaient deux dispositifs : le caducée et la vignette urgence. L’usage voulait qu’avec un caducée, les médecins payaient une contribution modique en début de journée et stationnaient ensuite comme ils le souhaitaient. Pour les autres professions de santé, la préfecture n’accordait pas les mêmes avantages à leur caducée professionnel. Là nous avons une volonté d’avoir un dispositif commun pour tous les professionnels de santé qui se déplacent au domicile.

Y-a-t-il eu des abus de la part des médecins ?

L’Ordre national délivre 24 000 caducées à Paris. J’ai interrogé la caisse d’assurance maladie pour savoir combien de médecins effectuaient des actes au domicile, puisque c’est ça qu’il faut préserver, et le nombre est d’environ 900. On voit le fossé important qu’il y a entre 24 000 caducées distribués et 900 médecins qui effectuent réellement des actes à domicile. D’autant que la barre a été mise assez basse puisqu’elle s’est faite sur la base de 50 visites par an, soit une visite par semaine.

Pour ces médecins qui ont une activité au domicile, j’ai proposé qu’on maintienne un dispositif de quasi gratuité. Pour les autres, la carte mobilité s’appliquera. L’Ordre de Paris refuse d’entrer dans une discussion autour de l’activité réelle des médecins.

En tant que médecin, comprenez-vous cette grogne de l’Ordre de Paris ?

J’ai du mal à la comprendre. On doit préserver l’activité au domicile et je partage complètement l’idée que ces 900 médecins qui sont tous des généralistes à trois exceptions près, doivent pouvoir continuer à utiliser leur véhicule et que cela ne leur coûte quasiment rien. Mais on ne peut pas m’expliquer que le médecin qui par exemple va prendre son poste à l’hôpital, a besoin de stationner quasi gratuitement dans tout Paris. Ça n’est pas défendable.

D’ailleurs l’Ordre a sollicité le préfet de police qui s’est prononcé pour un dispositif différencié en fonction de l’activité des médecins. Le préfet m’a demandé d’être attentif à ce que les médecins qui effectuent des actes au domicile aient un dispositif favorable. C’est une évidence. Je lui ai même répondu que s’il ne s’agit pas de 900 mais de 1200 ou 1500 médecins, il n’y aurait pas de souci. Le préfet m’a également demandé qu’on allonge la durée de 7 heures et il n’y aura pas de souci non plus. Nous allons modifier cette plage horaire pour passer à 10 ou 11 heures.

Je pense par ailleurs que les difficultés économiques des médecins en secteur 1, qui sont réelles, passent par d’autres réponses. Il ne faut pas donner une importance démesurée à la question du stationnement.

Ma porte reste ouverte si l’Ordre exprime la volonté de reprendre la discussion. Mais à ce jour il s’y refuse. Pour l’Ordre c’est tout ou rien. Il faut regarder vers l’avenir. La quasi gratuité pour les 24 000 médecins parisiens n’est plus possible. Nous n’y reviendrons pas.

Entre les charges, les travaux d’accessibilités, la hausse du stationnement, la pilule est dure à avaler pour les médecins parisiens…

On ne peut pas tout mélanger. Il n’y a que 900 médecins qui font des visites à domicile. Pour eux il y aura quasi gratuité. L’Ordre refuse de faire la différence entre les médecins. Le PU-PH doit aussi être dispensé de payer alors qu’il ne fait jamais un acte au domicile ? Je ne comprends pas cette position. C’est un mauvais procès.

Ce que j’entends surtout c’est la difficulté qu’ont les médecins à exercer en ville à Paris. Ça c’est réel. Nous nous sommes attaqués au coût du foncier avec le dispositif ParisMéd. Et au dernier conseil de Paris, un financement pour des installations de médecins a été accordé, avec des apports qui se montent à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Ça s’est une vraie problématique.

J’appelle également les partenaires conventionnels à regarder concrètement ce qu’il se passe à Paris, où exercer coûte cher et où la valeur de l’acte est la même que partout en France. On doit mettre en place des dispositifs pour aider les médecins, notamment ceux en secteur 1.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin