A l’heure où les jeunes médecins regardent l’installation en libéral avec méfiance, une préoccupation supplémentaire vient s’ajouter à une liste déjà longue : trouver un cabinet accessible. Alors que les premières menaces d’amendes arrivent chez les médecins, les jeunes peinent à trouver des locaux aux normes, sans avoir à débourser des sommes excessives.

 

Sa première installation, le Dr Julie Mazet l’a faite dans un cabinet loin de respecter les nouvelles normes d’accessibilité. C’était il y a six ans. “Ce n’était pas pratique du tout pour recevoir les patients, et surtout ce n’était adapté à la nouvelle législation. Ce n’était plus possible”, se souvient la jeune généraliste, installée en Haute-Savoie, à quelques kilomètres de Genève. Le Dr Mazet et sa consœur ont rapidement dû envisager un déménagement. “La mairie nous a proposé de louer un cabinet dans une ancienne école. Mais c’était à l’étage, il fallait rénover tout le bâtiment”, raconte la généraliste.

 

“Ce gouvernement fait tout pour décourager l’installation”

Consciente des enjeux, et désireuse de garder des médecins sur la commune, la municipalité a rapidement accepté d’entreprendre les travaux nécessaires à la mise aux normes. Coût des opérations : 200 000 euros. Une somme pour une commune de 3 000 habitants.”C’était ça ou rien. La mairie a bien compris qu’elle devait jouer le jeu. Ce n’est pas du chantage, c’est juste que si la mairie n’avait pas fait cet investissement, on n’aurait tout simplement pas pu rester sur la commune”, indique la généraliste.

Depuis quatre ans, elle reçoit donc dans un cabinet aux normes, où exercent sa consœur, un kiné, un psy et des infirmiers. Mais elle est bien consciente que tous les jeunes libéraux ne connaissent pas le même sort. “Ces travaux représentent un coût que les médecins ne peuvent pas assumer. Chaque fois, on nous impose plus de contraintes. Il y a déjà peu de jeunes qui veulent s’installer, et ce gouvernement fait tout pour décourager l’installation en libéral. On a vraiment le sentiment qu’on veut se débarrasser de nous”, déplore la jeune généraliste.

 

“Ça commence à chauffer dans les chaumières”

“La loi sur l’accessibilité n’empêche pas les jeunes médecins de s’installer, nuance le Dr Yannick Frezet, président de la CSMF Jeunes médecins. Mais ça fait réfléchir ceux qui sont déjà hésitants. C’est un élément qui se rajoute à tous les problèmes que l’on connaît lorsqu’on envisage une installation.”

Dans les faits, depuis le 19 mai, tous les cabinets doivent être accessibles aux patients handicapés. Le décret est paru au Journal Officiel, et précise que les médecins ne bénéficiant pas de dérogations et n’ayant pas fait les travaux de mise aux normes s’exposent à des amendes de 1 500 euros, voire de 3 000 euros en cas de récidive. “Certains ont commencé à recevoir des courriers menaçants, ça commence à chauffer dans les chaumières”, assure le Dr Yannick Frezet.

“Certains confrères sont installés depuis 5 ou 7 ans dans des cabinets qui ne sont pas aux normes et ne trouvent pas de locaux accessibles et abordables, indique le syndicaliste. Sur Paris, nous avons de plus en plus de retours concernant des tarifs prohibitifs, ce qui fait que les médecins quittent la ville. Dans certains cas, les copropriétés refusent de faire les travaux nécessaires. Ce refus est présenté à la préfecture et au Conseil de l’Ordre et sert à justifier une dérogation. Mais pour les autres…”

 

“La Ratp, la Sncf obtiennent des dérogations au motif qu’une mise aux normes coûterait trop cher…”

Installé dans le XIXème arrondissement parisien, le Dr Mickaël Riahi le reconnaît volontiers, il a “du bol”. Ce jeune généraliste a réussi à mettre la main sur un cabinet en rez-de-chaussée, et donc accessible. “Mais les locaux en rez-de-chaussée ne sont pas en nombre illimité, et coûtent très cher”, témoigne-t-il. “La Ratp, la Sncf obtiennent des dérogations au motif qu’une mise aux normes coûterait trop cher… Mais les travaux pour les médecins, c’est au moins 80 000 ou 100 000 euros. Ça en rebute plus d’un. Les seuls locaux accessibles se trouvent maintenant à l’extérieur de Paris, en dehors des grandes villes. Cela pose un vrai problème en termes de maillage du territoire. Pourquoi on n’obtiendra pas, nous aussi, des dérogations pour raisons de santé publique ?”, s’interroge le généraliste parisien.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier