Dans une proposition de loi présentée par le groupe Les Républicains, les députés qui ont ferraillé contre la loi de santé reconstruisent un nouveau cadre pour la médecine libérale, libérée notamment du tiers payant généralisé, tandis que les études de médecine seraient “déshospitalisées”. Meneur de cette offensive*, le député Jean-Pierre Door explique les moyens de cette reconquête.

 

Egora : Cette proposition de loi, c’est un peu la loi de Santé telle que vous auriez aimée qu’elle devienne si vos amendements parlementaires avaient été votés ?

Jean-Pierre Door : Un petit peu cela. On ne fait pas une contre-proposition Touraine, on précise quelles sont nos ambitions. Nous les avions traduits sous forme d’amendements à l’époque, cela n’a pas marché. Maintenant nous allons bénéficier d’une niche parlementaire le 16 juin et nous déposerons cette proposition de loi pour en débattre. Dans les niches parlementaires, la règle veut que le texte soit le plus court possible, ce qui explique que notre texte ne comporte qu’une dizaine d’articles.

Quel sort réservez-vous au tiers payant généralisé, contre lequel les médecins généralistes ont manifesté pendant près de 18 mois ?

On annulerait le caractère obligatoire du tiers payant, de façon à ce qu’il soit comme aujourd’hui, laissé à la liberté des praticiens de l’appliquer ou pas. De nombreux praticiens sont déjà au tiers payant. Nous nous éloignons donc du caractère contraignant et conflictuel du tiers payant généralisé, et nous sanctuarisons la médecine libérale en ambulatoire. Nous avons été très nombreux à nous opposer à l’article 1 de la loi de Santé (qui dit que la politique de santé relève de la responsabilité de l’Etat. Ndlr). Par notre proposition, nous confortons le monde libéral qui ne doit pas être enfermé dans ce carcan permanent de réglementation et d’administration.

Vous souhaitez rééquilibrer les deux secteurs hospitalier et libéral. Par quel biais ?

Nous confirmons d’une part, notre souhait que la médecine libérale constitue un grand pilier de la médecine publique. Il faut qu’elle soit confortée et non agressée en permanence par les réglementations, l’administration etc. Et nous voulons, d’autre part, donner plus de valeur à la médecine libérale pour que les jeunes se réapproprient ce mode d’exercice.

Vous voulez déshospitaliser ?

Oui. Au cours de toutes les auditons que nous avons mené à l’occasion de la loi de Santé ou pour écrire cette proposition de loi, les jeunes nous ont tous dit qu’ils étaient trop enfermés dans l’hôpital et qu’ils ne connaissaient pas la médecine de proximité, la médecine de terrain. Les stages ne sont pas toujours effectifs. On nous a dit que certains stages a priori obligatoires, n’étaient effectués qu’à 40 ou 50 %. Il faut absolument faire sortir les jeunes de l’hôpital où ils remplissent des tâches administratives ou des rôles d’infirmiers pour faire de la médecine auprès des médecins libéraux.

D’où, les centres ambulatoires universitaires que vous voulez mettre en place…

Un centre de santé ambulatoire universitaire, cela veut dire avoir la possibilité de faire de l’enseignement dans les maisons médicales, dans les plateformes territoriales ou dans toutes les autres formes que les médecins libéraux voudront s’approprier pour faire de l’exercice regroupé. On n’enferme pas tout le monde dans une maison, il existe des maisons, des pôles, des plateformes d’appui dédiées à la médecine libérale.

Vous voulez également régionaliser les ECN…

Oui, c’est une idée ancienne dont on reparle tous les ans. Les épreuves classantes nationales, ce n’est plus le bon choix, il faut absolument parvenir à faire éclater cela car nous vivons à l’époque de la régionalisation, des grandes régions. Les étudiants pourront choisir des centres hospitaliers dans les régions alors qu’avec les épreuves classantes nationales, on est noyé sur tout le territoire. Il faut revenir aux épreuves régionales.

Vous faites également une proposition innovante concernant la prévention.

Nous l’avons placée à la fin du texte car nous nous situons dans le cadre de l’article 40, qui interdit à un texte d’engager des dépenses sans que celles-ci ne soient gagées par des économies. Ce que nous souhaitions, c’est copier les systèmes canadien et scandinaves, dans lesquels un assuré social signe avec ses organismes payeurs, un contrat de prévention personnalisé, qui le suivra tout au long de sa vie. L’assuré social prend en charge sa propre santé et le contrat liera l’assuré social et le médecin libéral qu’il choisirait. Les organismes payeurs ou les sociétés savantes pourront déterminer les caractéristiques précises de ces contrats. Evidemment, tout cela aura un coût, mais nous pensons que le bénéfice/risque est meilleur dès l’instant que cela entraîne moins de pathologies à long terme. Nous proposons que le gouvernement institue ce contrat personnalisé de prévention tout au long de la vie.

Enfin, vous souhaitez que les pharmaciens puissent accéder aux données de remboursement des médicaments de l’assurance maladie.

Nous avons déposé cet amendement à plusieurs reprises, et il a été retoqué, mais nous n’avons jamais su pourquoi. Aujourd’hui, le médecin a accès aux données de remboursement des médicaments par l’intermédiaire de la caisse, mais le pharmacien n’en bénéficie pas. Il y a le DP (dossier pharmaceutique), mais il ne répertorie que les médicaments délivrés sans ordonnances. En ayant cette action positive, il est possible que nous puissions faire reculer la iatrogénie.

Avez-vous espoir que votre texte aboutisse ?

Non. Nous nous sommes opposés à la loi de santé, nous nous sommes engagés à abroger le tiers payant généralisé, à remettre les établissements privés dans le domaine de la mission de service public hospitalier alors que les cliniques en sont exclues, à reprendre la convergence tarifaire entre les deux secteurs. Nous avons voulu acter nos propositions dans une niche parlementaire, avant la fin du quinquennat, pour confirmer aux professionnels de santé que nous n’avons pas digéré ce qui avait été fait durant cette période. Et nous nous donnons de l’espoir pour l’avenir, nous marquons le terrain. Au Parti républicain, la convention santé du 25 mai prochain va déboucher sur des propositions qui seront validées par les adhérents. Elles constitueront un socle commun de programme que les candidats à la primaire prendront ou pas leur compte. Il ne sera pas très éloigné du contenu de cette niche parlementaire.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne

 

* avec les Drs Jean Leonetti, Bernard Accoyer et Arnaud Robinet.