Contre la pénurie de médecins, les jeunes embauchés de l’hôpital de Belfort (Franche-Comté) ont accepté de jouer les chasseurs de tête. L’hôpital a en effet mis en place un conseil des jeunes. Leur mission : vanter auprès de leurs anciens collègues d’internat les mérites de leur hôpital et leur promettre un accueil et une intégration plus faciles. Une initiative originale qui, en tout juste six mois, a déjà porté ses fruits.

 

Entre les Vosges et le Jura, à quelques minutes de la frontière allemande, le centre hospitalier Nord-Franche-Comté, à Belfort et Montbéliard, n’est a priori pas un établissement de premier choix pour de jeunes médecins fraichement thèsés. “Les gens, spontanément, ne vont pas penser à venir chez nous, on n’est pas une région très attractive” reconnaît Anne-Sophie Dupond, la présidente de la Commission médicale d’établissement (CME). Depuis quelques années, l’hôpital peine à recruter et manque de pédiatres, d’urgentistes, de pneumologues, de gynécologues, entre autres. “Du coup c’est difficile pour les équipes qui doivent assurer les gardes. On comble avec des recrutements aléatoires, notamment via des boites d’intérim. Parfois cela se passe très bien, et parfois on a des candidats moins expérimentés.” Autre problème, faire rester les gens. “A force d’avoir des difficultés pour assurer les gardes, cela joue sur les conditions de travail et certains médecins sont allés voir ailleurs.”

Arrivée il y a tout juste six mois à la tête de la CME, le Dr Dupond a décidé de prendre le problème à bras le corps. Pour booster cet hôpital en manque d’attractivité, elle a fait le pari de miser sur ses jeunes recrues et de les impliquer directement au problème du recrutement. Pour une raison logique : “Les nouveaux embauchés qui sortent de CHU sont ceux qui connaissent le mieux les jeunes médecins. Ils ont tout un tas de relations confraternelles et amicales et ils peuvent plus aller chercher les médecins dans les spécialités en pénurie”, explique le Dr Dupond.

 

“On est contents de contacter d’anciens collègues”

Ainsi est né le Conseil des jeunes médecins de l’hôpital Nord Franche-Comté. Réservé aux jeunes praticiens arrivés à l’hôpital il y a moins de 4 ans, et qui exerçaient auparavant en CHU, il compte aujourd’hui une trentaine de volontaires. A eux de faire jouer leur réseau et de contacter leurs connaissances ou les “copains des copains” en leur soumettant l’idée, que tout compte fait, Belfort ce n’est pas si mal. A eux aussi de rassurer et d’accompagner les candidats qui hésitent à venir.

Arrivée à l’hôpital il y a six mois, le Dr Laurianne Moumane a immédiatement été séduite par ce projet. “On le fait avec plaisir parce qu’on est contents de contacter d’anciens collègues et c’est motivant de se dire qu’ils pourraient venir travailler avec nous.” Besançon, Amiens, Lyon, Nancy… le docteur Moumane a fréquenté beaucoup d’établissements avant de se décider à revenir à Belfort où elle avait déjà fait un stage. “On m’a proposé un poste d’allergologue, il n’y en avait pas ici et on est en train de créer l’unité. C’est un beau projet. Et je suis ravie d’être revenue ici, parce que je connaissais bien la structure et je me rends compte qu’il y a beaucoup de jeunes médecins, ce qui est hyper motivant”, confie la secrétaire du Conseil des jeunes.

Pour motiver les jeunes à rejoindre l’hôpital, la jeune médecin insiste sur un point : l’ambiance de travail. Pour elle, il est essentiel de montrer aux potentielles nouvelles recrues qu’elles n’auront aucun mal à s’intégrer dans leur nouveau service et qu’il y a un groupe de jeunes médecins prêt à bien les accueillir. “Ce n’est jamais facile d’arriver dans un nouvel hôpital où on ne connaît personne, se souvient le Dr Moumane. Le Conseil des jeunes c’est aussi un groupe de jeunes médecins qui fait des efforts pour venir intégrer les nouveaux, et je trouve ça très intéressant. C’est important quand on est nouvel arrivé d’avoir un support humain, de rejoindre un groupe de confrères. Cela permet de se socialiser, de connaître les gens avec qui on va travailler… “

Mais attention il ne s’agit pas de tout enjoliver non plus. “Evidemment, on met l’accent sur les aspects les plus sympathiques, mais on reste quand même assez neutres. Bien sûr aucun hôpital n’est parfait, aucun service n’est parfait. On dit aussi ce qui ne va pas !”

 

L’objectif semble rempli

En six mois d’existence, le bilan de l’opération est plutôt positif. Huit praticiens hospitaliers issus de CHU ont été recrutés et l’hôpital a reçu quatre candidatures d’assistanat partagé. “Il y a une candidate dont personne, même pas le chef de service de la spécialité en question ne connaissait l’existence. C’est vraiment le Conseil des jeunes qui nous a aidés. Pour certains candidats, les jeunes nous ont aidé en répondant à certaines de leurs inquiétudes sur les gardes par exemple”, se réjouit Anne-Sophie Dupond. Trois jeunes médecins sont d’ailleurs actuellement en train d’hésiter à rejoindre l’hôpital de Belfort, et ce sont les jeunes qui vont se charger de les contacter pour tenter de faire pencher la balance de leur côté. “Un recrutement est toujours multifactoriel, le Conseil des jeunes joue un rôle, tout comme le chef de service, la direction…”, précise la présidente de CME qui espère avoir tourné la page des problèmes de recrutement d’ici à la fin de l’été.

L’objectif semble rempli pour ce Conseil des jeunes qui finalement ne s’est pas contenté d’aborder seulement les problèmes de recrutement. Lors des quatre réunions annuelles, les jeunes ont l’opportunité de discuter avec leur direction, et d’aborder tous les sujets concernant le fonctionnement de l’hôpital. Au menu de la dernière réunion par exemple, l’informatisation du système médical, ou la recherche clinique. “On n’hésite pas à dire tout ce qui ne va pas, précise Laurianne Moumane. Le conseil des jeunes nous donne aussi une certaine force. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir avoir l’écoute du directeur.”

 

Une équipe de 30 jeunes solidaires

“Ce conseil a eu un autre aspect auquel je n’avais pas forcément pensé au départ, se réjouit la présidente de CME. Il a réussi à créer un véritable esprit de groupe entre les jeunes médecins et ça c’est vraiment très bénéfique. Quand un jeune médecin arrive dans un hôpital, il peut avoir une certaine timidité. Là, nous avons une équipe de 30 jeunes qui sont solidaires, qui s’appellent, qui s’entendent très bien. Ils ont beaucoup de projets. Sur ce point cela marche encore mieux que je ne l’avais imaginé.”

D’ici septembre, les jeunes ont déjà prévu tout un tas d’actions : organisation d’un pot d’accueil, de sorties culturelles ou sportives, élaboration d’un annuaire des médecins de l’hôpital. De quoi accueillir comme il se doit leurs nouveaux collègues.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu