Unanimement, les cinq syndicats médicaux qui négocient avec la CNAM la future convention médicale, ont repoussé les intentions de l’Assurance maladie, de lier la rémunération ROSP à l’application des indicateurs d’arrêts de travail-types fournis en ligne par Ameli.fr et d’inclure un malus dans la ROSP. Le directeur de la CNAM a été prié sans ménagements de revoir sa copie.

 

De l’avis général, la séance de négociation conventionnelle qui s’est déroulée ce jeudi matin à la CNAM, sur le thème de la ROSP, a été la plus agitée de toutes celles qui se sont tenues depuis l’ouverture des discussions, le 24 février dernier. En cause, les intentions de la CNAM qui avaient fait le buzz des medias depuis la veille au soir : inclure dans la ROSP, un indicateur valorisant la prescription d’arrêts de travail dématérialisée sur l’espace pro d’Ameli.fr, qui propose des grilles de durée d’arrêt-type, selon les pathologies.

“Il ne s’agit en aucun cas de dire aux médecins qu’ils seront valorisés s’ils prescrivent moins d’arrêt de travail”, avait justifié tôt ce matin sur France inter, Marisol Touraine, mais de leur dire “il serait souhaitable que vous teniez davantage compte des références qui ont été établies”. Deuxième petite surprise concoctée par la CNAM hier soir : inclure un concept de “malus” dans la ROSP, qui pénaliserait les médecins dont les scores sont trop éloignés des indicateurs d’efficience.

Eh bien, même décryptée par la ministre et une fois la surprise passée, la réponse des syndicats médicaux à ces deux propositions a été un non, franc et massif.

“Les grilles proposées sur Ameli.fr ne correspondent à rien. Elles ne sont pas basées sur des référentiels construits par la HAS, elles répondent à une logique économique”, commente le Dr Luc Duquesnel, le président de l’UNOF-CSMF. Vouloir inclure un malus, c’est aller à l’encontre de l’esprit de la ROSP, qui est basé sur une démarche qualité, non économique. Certains indicateurs ne font pas faire d’économies, au contraire”, a-t-il fait valoir en justifiant le refus catégorique de sa centrale de poursuivre les discussions dans ce sens.

MG France est sur la même ligne de refus net. “On nous demande donc, de procéder à une évaluation a priori de la situation clinique du patient, tout en nous menaçant d’être jugés a posteriori. L’assurance maladie ne sait pas comment s’y prendre avec le poste des indemnités journalières, qui est très lourd pour elle. En l’occurrence, elle envisage de mettre les médecins généralistes en situation de conflit d’intérêt, coincés entre leur rémunération et les droits sociaux de leurs malades… Nous lui avons suggéré de mettre en place un service avec un serveur vocal ou le patient aurait à taper, 1, ou 2 ou 3 pour obtenir ses jours d’arrêt de la machine…”, a ironisé Claude Leicher, le président du syndicat monocatégoriel.

Il souligne que devant le tollé général, le directeur de la CNAM, Nicolas Revel, a compris qu’il valait mieux retirer sans insister, l’idée du malus qu’il voulait inclure dans la ROSP.

“S’il persiste dans ses idées d’inclure les IJ dans la ROSP, nous allons lancer l’idée d’une grève du zèle”, a menacé Jean-Paul Hamon, le président de la FMF. L’idée alors, serait d’appliquer à la lettre les arrêts-type d’Ameli.fr. “Certains sont tellement longs par rapport à notre pratique habituelle, que cela risque bien de coûter cher à l’assurance maladie, a-t-il lancé. 21 jours pour une entorse, je n’ai personnellement jamais prescris cela !” La FMF a fait comprendre que si le directeur ne retirait pas ces propositions, les discussions se dérouleraient sans elle.

“Il n’y a que la CSMF et MG France pour défendre la ROSP. Le SML, La FMF et le BLOC aimeraient passer à un autre système”, affirme le Dr Eric Henry, le président du SML. “Il faut l’éclater en morceaux et la redéfinir”. Avec d’une part, le forfait organisation, et de l’autre, soit avec des points, soit avec un système de majorations, la prise en compte de la pratique médicale et de la prévention. “La prévention, cela ne marchera jamais avec un mécanisme de forfait. Il faut que les médecins, eux même, notent leurs actes sur leur RIAP (relevé d’activité individuel)”, défend-il.

Le sentiment général est que la direction de la CNAM a reculé sur les deux initiatives qu’elle a sortie de son chapeau.

“Il s’agissait peut être d’un chiffon rouge qui a fait le buzz, pour cacher ce qui se cache de bien plus dangereux pour les médecins généralistes. C’est peut-être tout simplement une technique de négociation”, redoute Luc Duquesnel. Il songe notamment à l’impact que pourrait avoir la suppression ou le remplacement de certains indicateurs de la ROSP – le dossier est sur la table – sur la rémunération finale des médecins traitants. “Cet impact, nous ne le connaissons pas. Nous n’avons aucune visibilité”, reconnaît-il, soucieux.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne