Passer au contenu principal

Retraite, salariat : la ville perd 10 généralistes en quelques semaines

En quelques semaines, une dizaine de médecins généralistes ont cessé leur activité à Dunkerque. Et n’ont pas été remplacés. Si le chiffre, alarmant, traduit une accélération du phénomène, la ville n’est pas encore un désert médical. Sur le terrain, certains médecins tentent de colmater et d’enrayer la baisse.

 

“J’ai fait un an de remplacements, puis je me suis installée. Au bout de six mois, je me suis rendue compte que je ne m’en sortais pas financièrement. On m’a proposé un poste à l’hôpital en janvier dernier, j’ai saisi l’opportunité”, assure le Dr Yasmina Regnier-Boukhalfa. Généraliste de formation, elle a suivi un DU de réhabilitation respiratoire et travaille désormais au service pneumologie de l’hôpital Zuydcoote de Dunkerque. “Le libéral, ce n’est pas pour moi”, résume la jeune praticienne dunkerquoise, qui a quitté en décembre dernier son cabinet de groupe avec secrétariat.

 

Le bassin de vie de Dunkerque a perdu un quart de ses MG depuis 2007

En quelques semaines, la ville de Dunkerque a perdu une dizaine de médecins généralistes. Certains sont partis à la retraite sans successeurs, d’autres se sont réorientés vers l’hôpital. Pour autant, la ville, qui compte toujours une centaine de généralistes pour 90 000 habitants n’est pas encore dans le rouge. “Dunkerque en soi n’a pas de problème particulier, mais la campagne environnante oui. A 20 minutes du centre-ville, il y a un vrai problème de pénurie”, glisse le Dr Pierre Gheeraert, généraliste à Roubaix et délégué départemental MG France. D’ailleurs le bassin de vie de Dunkerque a perdu un quart de ses généralistes depuis 2007. “Quand je me suis installée, beaucoup de patients sont venus me voir parce que leur médecin partait à la retraite sans successeur”, glisse le Dr Yasmina Regnier-Boukhalfa. D’ailleurs, si elle a rapidement quitté ce cabinet qu’elle avait racheté, elle non plus n’a pas vraiment de repreneur. “Un généraliste voisin voulait changer de cabinet, donc il occupe les locaux deux jours par semaine en attendant de voir”, explique-t-elle.

“J’ai un parcours de médecin libéral depuis 23 ans en exercice solitaire, témoigne de son côté le Dr Didier Brique. Mais ces derniers temps, les journées étaient de plus en plus pesantes. J’ai été formé à faire de la médecine, pas de la paperasse. Et le tiers payant a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. J’étais fatigué d’avoir l’impression d’être méprisé. Et on glisse du mépris vers la maltraitance.” A 53 ans, ce généraliste a donc, lui aussi, fait le choix de l’hôpital. Sans trouver de successeur. “Mais je pense que c’est parce que je m’y suis mis un peu tard”, concède-t-il. Et il fait l’inventaire de tous ses confrères qui ont fait le même choix que lui, alors que la retraite est encore loin.

 

“Dunkerque reste Dunkerque”

Si la municipalité semble consciente du problème, elle paraît aussi un peu démunie. “Ce que peut faire la ville, c’est de signaler aux médecins les projets urbains dans lesquels ils pourraient s’intégrer”, indique-t-on à la mairie. “La mairie travaille à l’attractivité de la ville, mais Dunkerque reste Dunkerque”, souligne avec fatalité le Dr Thierry Mraovic. Médecins pour SOS depuis 17 ans, il porte un projet de santé et de maison de santé pluridisciplinaire à laquelle participeront quatre généralistes libéraux installés depuis des années à Dunkerque. Elle devrait voir le jour d’ici deux ans. Plusieurs autres structures sont en projet sur la ville. “Sur le seul quartier de Saint-Pol-sur-Mer, on compte 3 à 4 000 patients sans médecins traitants. Avec la MSP nous serons un lieu de stage, nous accueillerons des jeunes. La difficulté que nous avons à Dunkerque, c’est que nous ne sommes pas une ville universitaire. Si la fac de Lille est plutôt prisée, nous avons du mal à faire venir chez nous un étudiant toulousain par exemple”, regrette le médecin.

Pour attirer les jeunes médecins, le Dr Mraovic entend leur proposer de la flexibilité dans le mode d’exercice. “Ce qu’il faut pour créer de l’attractivité, c’est faciliter l’exercice”, assure le généraliste. “Nous offrirons du locatif, le médecin n’aura pas à faire d’investissement immobilier et sera libre de partir quand il le souhaite. Nous proposerons aussi des services de secrétariat, qu’il sera libre de prendre ou pas. Des locaux seront disponibles pour les médecins qui ne veulent pas être à temps plein chez nous. Je pense aussi faire une halte-garderie”, énumère le Dr Thierry Mraovic.

Mais ce confort suffira-t-il à compenser les lourdeurs financières ? “En exerçant en libéral, non seulement je faisais une médecine qui ne me plaisait pas, mais mes revenus étaient en train de baisser. Je n’allais pas baisser mon niveau de vie en m’installant”, explique Dr Yasmina Regnier-Boukhalfa, qui constate autour d’elle que de plus en plus de jeunes médecins préfèrent rester remplaçants, pour ne pas avoir à supporter des frais trop lourds.

 

“A l’hôpital, j’ai des secrétaires, des congés payés…”

“A l’hôpital, j’ai des secrétaires, une assistante sociale, des infirmières. J’ai des congés payés. J’ai eu mon premier RTT la semaine dernière !”, s’amuse le Dr Didier Brique. Et le tout pour une perte de revenu de 20%. “C’est parce que je ne travaille plus que 50 heures par semaine au lieu des 65 ou 70 en tant que libéral. La rémunération horaire n’est pas très différente au final.”

“Il faut adapter les revenus libéraux aux contraintes qui vont avec ce type d’exercice, plaide le Dr Pierre Gheeraert. Quand je me suis installé, se souvient le généraliste à quelques années de la retraite, la différence de revenus entre les hospitaliers et les libéraux était importante, du simple au double. Aujourd’hui, cette différence n’existe presque plus. Les revenus sont comparables et les avantages sont bien meilleurs à l’hôpital, en terme de congé maladie, de formation…”

En janvier dernier, des étudiants de l’Université du littoral Côte d’Opale (ULCO) de Calais ont mené une étude auprès de 180 médecins, dont 80 généralistes du territoire, afin de connaître leurs projets d’ici à cinq ans. Les résultats doivent être connus début avril.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier