Limiter le gâchis de la PACES en offrant des pistes à ceux qui échouent, diversifier le recrutement… Manuel Valls a annoncé sa volonté de réformer en profondeur cette première année. Il s’agit en fait de généraliser les expérimentations qui sont déjà menées dans plusieurs facultés, comme à Angers qui a même fait le pari de supprimer la PACES. Dans le même temps, certains s’étonnent que l’on bouleverse déjà la PACES, sans lui avoir vraiment laissé le temps de faire ses preuves.

Le Pr Catherine Passirani est enseignante-chercheuse à Angers et responsable du dispositif Pluripass qui a remplacé la PACES classique à la rentrée 2015.

 

Egora.fr : Quelle a été la réflexion en amont de la mise en place de ce dispositif ?

Catherine Passirani : Pluripass s’inscrit dans le cadre des expérimentations proposées par le ministère. Il y avait déjà eu des réflexions au sein de l’université sur l’échec que représentait la PACES pour un certain nombre d’étudiants. A Angers, nous avons 300 places pour 1 300 étudiants, donc forcément, un certain nombre n’auront pas leur place. Il fallait offrir une opportunité à ces étudiants qui ne passeraient pas. Comme avant, les 300 premiers iront bien en deuxième année, mais on a également pensé aux 1 000 autres qui ne peuvent pas entrer.

Pluripass, c’est deux années de licence au cours desquelles les étudiants peuvent passer le concours deux fois, mais aussi valider leurs semestres. A la fin des deux années, ceux qui n’ont pas eu leur concours ont une deuxième année de licence en poche et peuvent poursuivre directement en troisième année de licence. Ils ne repartent pas de zéro et ne sont pas complètement démoralisés. Ils peuvent se diriger vers une quinzaine de licences dans les trois champs disciplinaires qu’ils ont suivis au cours de ces deux années : sciences du vivant, sciences de l’ingénieur et sciences humaines et sociales. Ce sont les matières qu’ils voient en première année.

Le contenu des cours de cette première année est donc différent d’une PACES classique ?

Le contenu est un peu différent, mais reste voisin du programme initial de PACES. On a un peu augmenté les cours en sciences humaines et sociales. On a rajouté un peu de sciences politiques, de sciences économiques et de la psychologie, qui n’existaient pas en PACES. Et on a enlevé quelques matières en sciences du vivant qu’ils verront plus tard dans le cursus. On estime qu’un futur médecin, pharmacien ou autre, a besoin des sciences humaines et sociales. Il ne doit pas en rester aux sciences dures. Ce sont des matières nouvelles mais qui sont aussi indispensables.

Qu’est ce qui change dans la validation de cette première année ?

Il y a toujours ce numerus clausus. Mais au lieu de faire deux concours dans l’année, on fait cinq examens en contrôle continu pour ressembler plus à une licence. En plus de ces examens écrits, il y a des oraux à la fin de l’année. Ces oraux concernent une partie des étudiants admissibles. On va ainsi changer le mode d’évaluation et de recrutement. On va accentuer le fait qu’un bon praticien n’est pas seulement quelqu’un qui sait répondre très vite à un certain nombre de QCM, c’est aussi quelqu’un qui va pouvoir communiquer à l’oral. On va donc leur faire passer des mini-entrevues multiples. Ce sont quatre oraux de 10 minutes, avec des aptitudes évaluées différentes de celles de l’écrit : la présentation d’un exposé, la présentation d’un projet professionnel, une discussion autour d’une situation complexe et une réflexion d’après des documents et un raisonnement scientifique.

En milieu de deuxième année, ils ont une seconde chance. On prend 75% du numerus clausus en fin de première année, et 25% en milieu de deuxième année, après un troisième semestre. C’est une manière de diversifier le recrutement des candidats.

Vous avez pensé à intégrer des paramédicaux, comme le suggèrent les conclusions de la Grande conférence de santé ?

C’est quelque chose qui manque pour l’instant dans notre réforme. On y a pensé, mais nous n’avons pas pu l’intégrer. Isabelle Richard, doyen de l’URF Santé, a participé à la Conférence de santé et nous pensons à le faire. C’est dans nos projets.

Comment réagissent les étudiants ?

Dès l’année dernière, nous avons fait des portes-ouvertes, des conférences dans les lycées pour informer les futurs étudiants de cette réforme. Cette année est une année de transition. Certaines questions ont été soulevées, mais elles ne se poseront plus l’année prochaine. Elles portent notamment sur le fait que la PACES ne puisse plus se redoubler. Cette année, nous avons bien sûr accepté les étudiants redoublants qui ont fait une PACES l’année dernière. Nous avons donc à la fois les nouveaux étudiants et les redoublants, ce qui diminue un peu le nombre de chances par personne. D’autant que les primants estiment que les redoublants ont plus de chances… Mais au final, il faut se rendre compte qu’ils ont quand même une chance sur trois d’avoir quelque chose. C’est un taux qui est plus important que dans toutes les autres PACES de France. Ca a créé une petite polémique, mais l’année de transition était inévitable.

 

“N’oublions pas que la PACES n’a que six ans”

Rémi Patrice, vice-président de l’association des étudiants en médecine (Anemf)

“Je trouve prématuré de vouloir pérenniser ces expérimentations, sans avoir pu les évaluer. Elles ont été mises en place à la rentrée de septembre et on voudrait déjà les développer. C’est un peu précipité. D’autant qu’on n’a même pas de recul sur la PACES. Les premiers à avoir suivi une PACES passeront les ECNi en juin. Elle n’a que six ans. Alors certes, ce n’est pas encore le modèle idéal, et il faut chercher un meilleur moyen de sanctionner les étudiants, mais sans précipitation. “

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier