Perle du Gers, la maison médicale de Nogaro est réputée pour son succès, la satisfaction des professionnels de santé, des patients et de l’ARS Languedoc Roussillon-Midi-Pyrénées. Mais le rêve pourrait se briser à court terme tant le poids des charges de la structure la rend peu attractive aux yeux des jeunes médecins. Alors qu’un grand nombre de départs en retraites sont attendus dans les trois ans qui viennent, les communes se mobilisent.
 

 

Indéniablement la plus en forme des cinq maisons de santé du département, selon la rumeur, cette maison inaugurée il y a deux ans abrite 6 médecins, 4 kinés, 6 infirmières, 2 sages-femmes, 1 psychologue, 1 diététicienne et un service de médecine du travail. Ce qui sous-entend le secrétariat nécessaire pour assurer l’ouverture des locaux de 8 à 20 heures, y compris le samedi, une coordinatrice salariée et le personnel de ménage, évidemment. Pourtant, on redoute d’entendre des craquements dans la soute de ce beau navire, plombé par le poids de charges si lourdes qu’elles pourraient bien faire fuir les jeunes confrères, alors que des départs à la retraite en chaîne sont attendus alentour dans les trois à cinq prochaines années.

 

Absence de successeurs à un horizon de 5 ans

A l’origine de l’idée, on trouve les professionnels de santé de Nogaro, inquiets de l’avancée de la désertification médicale et de l’absence de successeurs à un horizon de 5 ans. A partir d’un projet de soins incluant, en réseau, les professionnels de santé alentours, ils se sont constitués en SISA (Société interprofessionnelle de soins ambulatoires), sésame obligatoire posé par la loi HPST pour être labellisé maison ou pôle de santé, après examen du projet de soins par l’ARS Languedoc-Roussillon-Midi Pyrénées. Le groupe a également pu percevoir des aides de l’union européenne, de l’Etat, de la région, du département, de la communauté de communes du Bas-Armagnac (CCBA) et de la MSA.

La condition de l’agrément par l’ARS est la qualité de projet de soins et la réponse pratique à un cahier des charges relativement contraignant où les professionnels s’engagent à pratiquer prévention et éducation thérapeutique, organiser une concertation hebdomadaire sur les dossiers patients, se doter d’un logiciel commun agréé (très coûteux), avoir la capacité de répondre à la demande de soins et salarier une coordinatrice dédiée à la structure. Nogaro est également maison de santé universitaire (MSU). La maison de santé peut alors percevoir une subvention annuelle de l’ARS. Elle s’est élevée à 50 000 euros en 2015. Bien en dessous du coût réel engagé pour répondre aux couteuses exigences du cahier des charges. Malgré nos nombreuses tentatives, il nous a été impossible de joindre un interlocuteur à l’ARS, qui semble très désorganisée depuis la fusion régionale du 1er janvier dernier (et c’est un euphémisme).

 

La maison de santé “est ARS-dépendante”

Tout juste officiellement en retraite après 38 années d’exercice, le Dr Gilles Garet vient de céder sa place à la maison de Nogaro, à une jeune consœur non rebutée par l’exercice en milieu rural et il ne cache pas sa satisfaction d’avoir trouvé un successeur. “Je suis très content, autour de moi dans le coin, plusieurs confrères généralistes n’ont trouvé personne”, glisse-t-il. Par ailleurs vice-président de la Communauté de communes du Bas-Armagnac (CCBA), qui a appuyé et co-financé la construction de la maison de santé, Gilles Garet a un mot pour qualifier la structure qu’il vient de quitter : “Elle est ARS-dépendante. La subvention versée dépend du nombre d’éléments du cahier des charges auxquels elle répond, cela peut varier du simple au double. Et nous ne savons pas jusqu’à quand l’ARS versera des subventions”… Ce praticien qui a été à l’origine du projet se dit inquiet pour l’avenir. “Nous devons prendre les devants. Dans les trois ans, de nombreux confrères prendront leur retraite dans un rayon de 15 kilomètres. Or, au vu de la lourdeur des charges, Nogaro pourrait bien ne tenter aucun jeune”…

Car aux sommes consacrées à l’infrastructure de la maison de santé, il faut ajouter celles consacrées aux loyers et au personnel, qui sont mutualisées, soit 15 000 euros mensuels, acquittés à 52 % par les 5 médecins. Soit encore 1 560 euros par mois, plus les charges de la structure qui peuvent aller jusqu’à “doubler cette somme”’, selon Elisabeth Dupuy-Mitterrand, maire de Sion et présidente de la CCBA.

 

“On en construit partout en France, alors qu’elles risquent d’être à moitié vides”

“La maison de Nogaro accueille des internes de Toulouse en stage, mais qui voudra rester ? Cette lourde facture est très décourageante pour un jeune médecin, s’inquiète l’élue. Les charges sont déjà très lourdes, mais si des médecins partent, elles deviendront encore plus lourdes pour ceux qui restent, alors ils s’en iront aussi. Nous essayons d’interpeller l’ARS sur cette problématique très inquiétante pour nos communes vieillissantes et très rurales. Il faudrait réviser l’accord financier relatif au fonctionnement obligatoire d’un logiciel commun, reconsidérer peut être l’amplitude horaire exigée par le cahier des charges”, liste-t-elle et soulignant que cette même problématique se retrouve dans toutes les maisons de santé. “Et pourtant, on en construit partout en France, alors qu’elles risquent d’être à moitié vides”.

Une réunion doit s’organiser dans les prochaines semaines, au conseil départemental. Une lettre signée par les professions de santé est partie en appui, auprès de la direction régionale…

Pour sa part, le Dr Gilles Garet imagine que le CCBA pourrait absorber une partie des frais de la maison de Nogaro, car il faudra bien trouver une solution “pour faire venir et conserver les jeunes médecins, qui sont attirés par Toulouse, exigent leur qualité de vie et ne veulent pas entendre parler du sacerdoce que nous avons vécu. Surtout si c’est pour payer des charges communes”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine le Borgne