Près de 90 ans après sa mort, trois médecins russo-américains ont repris et analysé avec leurs connaissances de 2013 le rapport d’autopsie du père de la révolution russe (1870-1924). Ils sont convaincus que Lénine est mort à cause d’une maladie génétique, impossible à détecter en 1924, écartant les thèses de la syphilis et de l’accident vasculaire cérébral.

 

Photographié dans son fauteuil roulant à la fin de sa vie, il semble ne plus avoir l’usage de son bras droit et, surtout, son œil droit, grand ouvert et figé de manière surnaturelle. C’est l’été 1923 et Lénine, de son vrai nom Vladimir Ilitch Oulianov, le révolutionnaire russe et fondateur de l’URSS, n’est plus que l’ombre de lui-même.

 

Trois balles

Tout a commencé deux ans plus tôt, en 1921. Vladimir Ilitch Oulianov a alors 51 ans. Souffrant de maux de tête et d’insomnies, il éprouve des difficultés à maintenir son rythme de travail habituel.

Autre signe inquiétant : lui qui a toujours été un bon orateur a parfois du mal à trouver ses mots et il claque impatiemment des doigts comme pour les obliger à venir plus vite. En mai 1922, il est victime d’un premier accident vasculaire cérébral dont il se remet en quelques mois. En décembre, un deuxième AVC le frappe qui marque la fin de sa carrière politique en même temps qu’il paralyse son côté droit. En mars 1923, une troisième attaque cérébrale le prive définitivement de la parole.

Lénine meurt le 21 janvier 1924 à l’âge de 53 ans, avec un corps très abimé, malgré une bonne hygiène de vie : il ne fumait pas, interdisait qu’on allume une cigarette en sa présence, faisait de l’exercice, buvait modérément et n’était pas obèse. Ses médecins pensent alors que l’origine de ses problèmes de santé était liée aux deux balles restées dans son corps après l’attentat dont il avait été victime en 1918 – une des trois balles tirée par la dissidente Fanny Kaplan est logée dans son cou, trop proche de la colonne vertébrale pour qu’on puisse tenter une opération chirurgicale avec les techniques médicales de l’époque.

 

Salvarsan

Trois médecins israéliens ont, dans une étude publiée en 2004, posé un nouveau diagnostic sur la fin de Vladimir Ilitch Oulianov. Pour eux, les troubles neurologiques dont a souffert Lénine à la fin de sa vie correspondaient parfaitement à ceux que peuvent provoquer les derniers stades de la syphilis. D’ailleurs, soulignaient-ils, il est avéré que le révolutionnaire avait pris du Salvarsan, une molécule contenant de l’arsenic, ainsi que de l’iodure de potassium, qui, à l’époque, constituaient les traitements de référence contre cette maladie vénérienne. Les auteurs de cette étude n’ayant pas apporté la preuve formelle, les avis sur cette conclusion sont restés partagés .

Des documents rendus publics suite à la chute de l’URSS, ainsi que les mémoires des médecins de Lénine, évoquent un traitement pour la syphilis dès 1895. Selon les documents, on aurait donné l’ordre à Alexi Abrikosov, le pathologiste chargé de l’autopsie, de prouver que Lénine n’est pas mort de syphilis, fin trop peu glorieuse pour un homme de son rang. Abrikosov ne mentionne pas la syphilis dans l’autopsie, mais le second rapport d’autopsie ne parle d’aucun des organes, des principales artères ou des régions du cerveau habituellement affectés par la syphilis, alors que les lésions aux vaisseaux du cerveau, la paralysie et certaines autres affections qu’il mentionne sont typiques de cette maladie.

 

Son minéral

Une nouvelle étude de l’autopsie publiée en février 2013 dans la revue Human Pathology a montré que les AVC à répétition de Lénine étaient plutôt dus à une importante athérosclérose de ses artères cérébrales. Celles-ci s’avérèrent presque bouchées et ne laissaient quasiment plus passer de sang.

Selon les trois médecins américano-russe auteurs de l’étude, la taille importante des lésions du cerveau de Lénine et leur emplacement correspondent peu à ce que provoque d’ordinaire une syphilis. Ces chercheurs soulignent également qu’aucun des autres signes potentiels de la maladie vénérienne (atteintes cardiaques ou osseuses) n’a été retrouvé lors de l’autopsie.

Lors de l’analyse du corps, un médecin constata, en frappant une de ces artères avec une pince chirurgicale, qu’elle rendait un son minéral, comme si sa calcification l’avait fossilisée. Les gros vaisseaux sanguins du cerveau de Lénine, rigidifiés par les plaques d’athérome, étaient en quelque sorte en train de se pétrifier.

 

Calcifications artérielles

Les auteurs de cette étude ont alors fouillé dans les antécédents familiaux du célèbre révolutionnaire. Ils découvrirent que Ilia Oulianov, le père de Lénine, est mort à 54 ans, quasiment au même âge que son fils, d’une attaque cérébrale ayant elle aussi suivi une phase de déclin neurologique. Il se trouve également que trois des frères et sœurs de Vladimir ont succombé à des maladies cardiovasculaires.

A ce moment là, les chercheurs-détectives font le lien avec une découverte récente. En 2011, une étude a montré qu’une anomalie génétique pouvait provoquer des calcifications artérielles massives. Pour cette nouvelle équipe de chercheurs, la clé est là : la famille de Lénine a sans doute souffert de cette anomalie génétique.Pour étayer leur idée, les chercheurs ont déniché, dans la littérature médicale, un article de 2011 montrant qu’une mutation génétique provoque bien dans certaines familles des calcifications artérielles aussi massives que ciblées, dans les mains et dans les jambes. Les chercheurs ont conclu qu’une anomalie analogue et non encore identifiée, visant non pas les artères des membres mais celles du cerveau, a touché la famille de Lénine et provoqué le décès prématuré de Vladimir Ilitch Oulianov.

Une bonne manière de confirmer cette nouvelle hypothèse sur sa mort consisterait à effectuer des analyses sur le cerveau du dirigeant russe, qui, élevé par certains inconditionnels au rang de relique, est conservé depuis des décennies à l’Institut du cerveau de Moscou.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : M. D.