A l’heure où la désertification gagne les campagnes françaises, un village de Bourgogne résiste ! Recey-sur-Ource recense moins de 400 habitants… mais compte deux généralistes, une pharmacie, un Ehpad, de nombreux commerces et des services publics. Zoom sur ce village atypique et ses professionnels de santé singuliers.

 

C’est l’histoire étonnante d’un village d’à peine 400 âmes, dans un vallon de Bourgogne. A une centaine de kilomètres au nord, Troyes, au sud, Dijon. Entre les deux, beaucoup de champs, de forêts, et le village de Recey-sur-Ource. Sa particularité ? Malgré sa position isolée, ce village résiste étonnement bien à la désertification rurale. Le collège, la piscine municipale, la gendarmerie, le bureau de poste, les commerces, l’Ehpad et les deux médecins généralistes font la fierté du maire du village, qui est d’ailleurs le pharmacien.

 

“Il faut dire qu’il n’y a rien à 25 kilomètres à la ronde”

“On avait même un dentiste il y a encore quelques mois. Mais il est parti et n’a pas trouvé de successeur”, regrette Claude Vinot, pharmacien et maire du village depuis 20 ans. “De manière générale, on a su anticiper. Et j’ai pris les dossiers à bras le corps”, avance-t-il pour expliquer l’étonnant dynamisme de sa commune. Pour ce qui est de l’Ehpad, l’explication du maire est succincte : “Dans une autre vie, j’ai été conseiller général et président de la Commission des affaires sociales. Je ne vous fais pas un dessin.” Pour le reste, médecins, commerces et services publics, “il faut dire qu’il n’y a rien à 25 kilomètres à la ronde. On draine donc un bassin de population de près de 2 000 personnes à Recey”, ajoute Claude Vinot.

Ce pharmacien s’est installé dans le village il y a plus de 25 ans. “Je suis d’époque, comme les boiseries de ma pharmacie”, plaisante-t-il. Avant ça, il était dans une petite ville, “juste en face d’une autre pharmacie”, et les relations pouvaient être parfois tendues. Alors quand l’opportunité s’est présentée, il n’a pas hésité à venir s’installer dans ce petit village.”Je sais bien que la situation des pharmacies n’est pas au beau fixe, une officine ferme tous les deux jours. Mais moi ça ne m’a pas inquiété de venir ici, même s’il n’y a pas grand monde. Je ne cherche pas à faire des opérations financières, de la spéculation… Je m’adapte, et ça fonctionne”, explique sereinement Claude Vinot, qui travaille avec son épouse et emploie même deux collaborateurs.

 

“Moi, je vois trois patients par jour. Parfois deux”

Côté médecins, il y en a toujours eu deux à Recey. “C’est une tradition”, assure le Dr Ngo Nhu Ny. Mais à y regarder d’un peu plus près, les deux généralistes ne travaillent pas vraiment à temps plein dans la commune. “Moi, je vois trois patients par jour. Parfois deux. Je les garde cinq minutes chacun, ça me va très bien comme ça”, lâche avec aplomb le Dr Ngo Nhu Ny. Médecin généraliste et acupuncteur, il travaille dans le village depuis six ans.

Avant ça, il a exercé dans une ville de la région, puis s’est arrêté un temps. “Mais je commençais à trouver le temps long. Je me suis dit, à mon âge, que je ne pouvais pas m’arrêter tout de suite”, glisse ce médecin exubérant qui a aujourd’hui 63 ans. “Ça fait 40 ans que je suis dans le coin. Je connais tout le monde. Donc quand mon confrère a décidé de partir, il m’a proposé de prendre sa succession.”

Quand on lui demande comment vivre avec trois patients par jour, le généraliste confie avec mystère : “Dans la ville où j’étais avant, je me suis fait un matelas très confortable. Aujourd’hui je mène une vie agréable. Le peu que je gagne, je le fais sans effort et personne ne m’emmerde !”, se félicite-t-il. La question des charges a le don d’agacer le Dr Ngo Nhu Ny. “Ce n’est pas le château de Versailles ici ! Qu’est-ce-que vous croyez ? On paye par rapport à ce qu’on gagne. Cette histoire de charges, on me la ressort tout le temps. Ça m’a toujours énervé.” Et en dehors de ses trois consultations quotidiennes, le médecin reste à son cabinet et “regarde la télé”. “Je suis d’un naturel passif”, glisse-t-il. Ses rares patients ont dû prendre l’habitude de voir le téléviseur allumé à leur arrivée. “Par tact, personne ne me dit rien”, assure-t-il avec satisfaction.

 

Deuxième médecin à mi-temps

Sa consœur, elle, est arrivée de Roumanie il y a huit ans. “Quand l’un des médecins du village est parti à la retraite, en 2008, j’ai pris l’engagement de lui trouver un remplaçant. Et comme il y a certaines promesses que les politiques tiennent, j’ai contacté une agence à Tours. Pour moins de 10 000 euros, ils ont fait venir ce médecin de Roumanie. En six mois, elle était là”, assure Claude Vinot.

Le Dr Liana Mariana Bal, 59 ans, assure que son arrivée s’est bien passée. Mais le maire confie que l’accueil a été “mitigé”. “Il y a eu une certaine réticence. Certains avaient peur qu’elle ait une sorte de sous diplôme. J’étais convaincu que ça n’était pas le cas, et le temps a fait ses preuves”, explique le maire. “Je n’ai jamais eu peur ne de pas avoir assez de patients”, poursuit la généraliste. Mais il faut dire qu’elle n’est qu’à mi-temps sur la commune de Recey. Le reste du temps, elle consulte dans un autre village, à une quarantaine de kilomètres de là. “Recey est trop petit. Sans ce second cabinet, je ne pourrais pas maintenir mon activité”, admet le Dr Bal, qui a tout de même acquis une maison dans le village de Recey et dit apprécier cette “vie tranquille”.

Même si le Dr Ngo Nhu Ny, heureux devant sa télé, et le Dr Liana Mariana Bal, n’ont pas l’intention de s’en aller tout de suite le maire doute en évoquant leur succession. “On enseigne aux jeunes médecins à travailler ensemble, mais pour ça il leur faut une population plus importante que 400 habitants… Nous, on a eu de la chance, mais c’est un véritable problème. Avec de l’optimisme et l’ingéniosité française, on pourra sortir des périodes de turbulence.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier