“Tout augmente, sauf nos revenus”. C’est un peu ce qu’ont pensé de nombreux médecins en voyant le montant de la cotisation ordinale 2016, majorée de 25 euros en deux ans. Entre incompréhension et ras-le-bol, certains appellent à une ‘pause fiscale’. De son côté, l’Ordre répond aux polémiques, met en avant ses nouveaux chantiers et justifie les dépenses.

 

C’est la petite goutte qui fait déborder un vase déjà trop plein. La cotisation ordinale annuelle et obligatoire a encore augmenté cette année pour atteindre les 330 euros. “Votre décision d’augmenter encore notre cotisation ordinale est inadmissible, intolérable et j’appelle l’ensemble de mes confères à refuser cette augmentation”, fulmine le Dr Philippe Berger, médecin généraliste en Moselle dans une lettre ouverte adressée au président du Conseil national, le Dr Patrick Bouet.

Dans les faits, la somme a augmenté de 10 euros par rapport à l’année dernière. Date à laquelle la cotisation avait déjà été majorée de 15 euros. Soit une augmentation de 8% en deux ans. “Entre temps, la consultation médicale reste à 23€. +0%”, tacle le Dr Mathieu Van Dessel sur son compte Twitter.

 

“Le travail de l’Ordre n’est pas toujours très visible”

“Je comprends les médecins, assure le Dr Walter Vorhauer, secrétaire général du Conseil national de l’Ordre des médecins. C’est toujours très agaçant de recevoir des augmentations alors que les honoraires stagnent. D’autant que le travail de l’Ordre n’est pas toujours très visible. C’est pourquoi nous avons travaillé à le rendre plus visible cette année. Il faut quand même rappeler que ce dispositif exceptionnel était motivé par la crainte des médecins pour leur avenir.” Quant au montant des dépenses, le Dr Vorhauer assure qu’il n’a pas dépassé 5 euros par médecin pour ce qui est de la grande consultation : enquête, tour de France, multiples rencontres institutionnelles et campagne télévisée.

“Il faut aussi dire qu’il y a eu un effet rattrapage. De 2010 à 2013, la cotisation n’a pas vraiment changé parce qu’il n’y a pas eu de nouveaux projets. Sur les cinq dernières années, l’augmentation n’est finalement que de 4 euros par an”, nuance le secrétaire général ajoutant que les cotisations sont les seules ressources de l’Ordre. Pas de financement de l’industrie pharmaceutique, ni de l’Etat. “C’est la condition même de notre indépendance”, rappelle-t-il. Rattrapage fait, il a bon espoir que la cotisation n’augmente pas l’année prochaine.

 

“Nos cotisations sociales obligatoires ne cessent d’augmenter”

Au menu des grands projets qui justifient ces augmentations, le Dr Vorhauer pointe l’indispensable mobilisation d’experts et de juristes pour passer au crible la loi de santé, la réforme des régions, l’informatisation et la sécurisation, la chasse aux faux diplômes de plus en plus complexe… Sans oublier la poursuite de la défense des valeurs de la profession. “Sur ce point, les trois prochaines années vont être très importantes. Il faut nous donner les moyens. C’est pour cette raison que nous avons créé un fonds de modernisation, qui nous permet de préparer les prochains chantiers.”

Mais dans le fond, c’est le contexte plus que l’augmentation en soi qui dérange les médecins frondeurs. “Notre acte de base en tant que généraliste n’a pas augmenté depuis plusieurs années”, “nos cotisations sociales obligatoires ne cessent d’augmenter”, “certains de nos confrères payent ou vont payer pour mettre aux normes leurs cabinets”, énumère le Dr Berger qui plaide pour une “pause fiscale”. Même son de cloche du côté du Dr Van Dessel : “Je ne cracherais pas sur un +8%”, souligne-t-il tout en reconnaissant que la somme reste abordable pour un médecin. “Je pointais juste le fait que tout le monde s’augmente, des plombiers aux hautes institutions. Sauf nous, les docs”, fait-il remarquer.

D’ailleurs, dans les rangs même de l’Ordre des médecins, ces dix euros d’augmentation passent mal. “En tant que conseiller ordinal, cette augmentation non justifiée me révolte et je ne suis pas le seul !”, tempête le Dr Philippe Le Rouzo, généraliste et vice-président du Conseil départemental du Morbihan. “Le problème, c’est que c’est à nous de récupérer les cotisations ordinales. Au moins pour 95% des cas. Pour les autres, ça se passe en justice et ce n’est plus de notre ressort. Mais sur le terrain, c’est à nous de défendre, ou pas en l’occurrence, les mesures prises par le national.”

 

“Non, les conseillers ordinaux ne se sucrent pas avec les cotisations”

En janvier dernier, lors de la demande de règlement de la cotisation majorée, le Dr Patrick Bouet avait joint un courrier explicatif : “C’est pour donner à notre institution les moyens d’amplifier notre action”, indiquait-il. Pas de lettre cette année. “Nous aurions sûrement dû. Mais nous allons nous rattraper. Nous allons publier les grandes lignes du budget 2016 dans le prochain bulletin de l’Ordre et sur notre site internet.”

Par ailleurs, le Dr Vorhauer entend couper court aux polémiques naissantes. “Non, les conseillers ordinaux ne se sucrent pas avec les cotisations. Les indemnisations sont bloquées depuis 6 ans”, souligne-t-il en ajoutant à destination des plus sceptiques que les comptes du Conseil de l’Ordre sont consultables. “Il suffit de prendre rendez-vous et de venir nous voir au siège.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier