Après ledocteur.fr, mesdocteurs.com, medecindirect.fr et bien d’autres, un nouveau site d’avis médical vient de naitre sur la Toile. A la différence de ses concurrents, Deuxiemeavis.fr se concentre, comme son nom l’indique, sur la validation de diagnostic. Ses 84 “médecins experts” proposent une nouvelle expertise sur dossier complet du patient. Le service, qui est supervisé par un conseil scientifique de renom (Pr Laurent Degos, Pr Didier Sicard, Pr Pierre-Louis Druais…) coûte 295 euros. Un tarif qui agace les médecins sur les réseaux sociaux.

 

Depuis lundi, des dizaines de commentaires de médecins scandalisés font leur apparition sur le réseau social Twitter. La CSMF s’est même insurgée dans un communiqué. Et contre toute attente, ce n’est pas contre le projet de loi de santé qu’ils se rebiffent mais contre le nouveau site internet deuxiemeavis.fr.

 


 

 

En quoi consiste ce site qui fait tant parler de lui ? “Pour tous les patients qui ont des problèmes de mobilité et de grande fatigabilité, deuxiemeavis.fr propose de télétransmettre de façon la plus sérieuse et sécurisée possible un dossier médical complet, de façon à obtenir un deuxième avis sur dossier. Nous ne nous positionnons pas en opposition avec l’équipe médicale traitante mais plutôt en transfert d’expertise et en réassurance pour le patient”, nous explique Pauline D’Orgeval, directrice générale et co-fondatrice de deuxiemeavis.fr.

L’idée est née de l’histoire personnelle de Pauline D’Orgeval. Cette maman de quatre enfants a l’un de ses fils souffrant de scoliose. “Lorsque l’un des médecins de Necker nous a dit qu’il fallait l’opérer, il nous a conseillés de prendre un deuxième avis car l’opération était risquée. Nous avons eu énormément de mal à identifier un médecin expert de la scoliose infantile, alors même que nous étions bien connectés dans le milieu médical. Puis lorsque nous sommes parvenus à identifier le bon médecin, nous avons mis énormément de temps à obtenir une consultation. Le jour de rendez-vous, du fait de ses problèmes de mobilité, notre fils ne s’est pas laissé ausculter. Le médecin nous a alors dit de ne pas nous inquiéter puisqu’avec les radios et compte-rendu du médecin précédent, il pouvait nous donner un avis sur dossier. Cela a été un déclic”, raconte Pauline D’Orgeval qui travaille depuis deux ans et demi sur son concept.

Le site qui vient d’obtenir l’accord de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) et qui a été validé par le Conseil de l’Ordre des médecins, vient d’être lancé. Les patients peuvent donc télécharger en ligne leur dossier médical et répondre à un questionnaire détaillé. Après avoir pris connaissance de ces éléments, l’un des 84 “médecins experts” du site s’engage à donner un second avis dans un délai compris entre 48h et 7 jours. Pour cela, le patient devra débourser 295 euros.

 

120 euros pour le médecin qui donne un deuxième avis

“Nous sommes conscients qu’il s’agit d’un coût. Aujourd’hui les contraintes réglementaires et sécuritaires de l’hébergement de données et l’organisation d’un service coûtent très cher. Nous avons choisi d’être transparents et d’afficher notre prix, alors que d’autres ne le font pas et coûtent beaucoup plus cher”, se justifie Pauline D’Orgeval qui rappelle que son site “est une réponse pour des gens qui sont soit éloignés soit qui ont des problèmes de mobilité et pour qui un avis à distance est une solution. D’autant que nous ne nous positionnons que sur les pathologies graves, rares ou invalidantes”.

La directrice générale de deuxiemeavis.fr est en discussion avec des complémentaires santé pour que son service soit pris en charge dans le cadre des garanties. “Nous y croyons beaucoup. Notre solution permet d’économiser des allers-retours en train ou en avion pour les personnes éloignées. Pour les personnes avec handicap nous allons travailler sur des expérimentions pour voir tous les coûts induit que notre service permettrait d’économiser”, explique-t-elle.

Sur les 295 euros déboursés par le patient, 120 sont destinés au médecin auteur de l’avis. Ils sont pour l’instant 84, recrutés après validation par le conseil scientifique du site composés de neuf médecins et de Claude Rambaud, vice-présidente du CISS (Collectif inter-associatif sur la santé). Ainsi le Pr Pierre-Louis Druais, président d’honneur du Collège des Généralistes enseignants (CNGE) et président du Collège de la Médecine Générale, le Pr Didier Sicard, médecin interniste et ancien président du Comité consultatif national d’éthique, Dr Laurent Mignot, oncologue, spécialiste du cancer du sein, et ancien directeur Département d’oncologie médicale de l’Institut Curie, ou encore le Pr Laurent Degos, vice-président de l’Institut Pasteur, membre du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie et ancien président de la Haute Autorité de Santé, font partie du très prestigieux conseil scientifique.

“En proposant un service de deuxième avis médical en ligne, la plateforme numérique deuxiemeavis.fr a pour but de combler l’inégalité en santé et la perte de chance pour les personnes éloignées, exclues ou empêchées qui rencontrent des difficultés à se déplacer et à accéder à l’expertise médicale dans le cas de maladies graves”, explique le Pr Degos qui se félicite que “la plateforme deuxiemeavis.fr non seulement réponde aux exigences administratives et de sécurisation des données telles que celles de la CNIL ou de l’ASIP ou encore aux exigences déontologiques de l’Ordre National des Médecins mais surtout, initie des partenariats pour que le service soit pris en charge par les différentes assurances et mutuelles”.

Malgré ces explications le tarif de 295 euros a du mal à passer. “A l’heure où l’on parle d’égalité d’accès aux soins pour tous – n’est-ce pas le prétexte à la mise en place du tiers payant généralisé ?–, proposer sur internet un pseudo deuxième avis pour près de 300 euros est scandaleux”, écrit la CSMF dans un communiqué. Même courroux du côté des médecins qui commentent sur le réseau social Twitter.

 

 

“Il s’agit d’une expertise pointue”, justifie Pauline D’Orgeval. Elle est rejointe par le Pr Pierre-Louis Druais, professeur de médecine générale et membre du conseil scientifique de deuxiemeavis.fr. “Il ne s’agit pas d’une consultation de 30 minutes mais d’un avis sur un dossier ayant une problématique lourde. Ce tarif me semble justifié puisqu’il comprend l’analyse du dossier, une revue de la littérature scientifique et une argumentation technique et circonstanciée. Il ne s’agit pas d’une démarche de soin mais d’une approche expertale”, défend le Pr Druais.

 

“Une solution lorsque les délais d’attente sont trop longs”

Le tarif ne choque pas non plus Claude Rambaud, présidente du Lien (association d’aide aux victimes d’infections nosocomiales), vice-Présidente du CISS, et membre du conseil scientifique de deuxiemeavis.fr. “Lorsque l’on est confronté à une annonce difficile, qu’il s’agisse d’un cancer ou d’une maladie chronique, j’ai toujours été favorable au fait de solliciter un deuxième avis. 295 euros, il est vrai que c’est cher mais cela peut être une solution pour les personnes éloignées physiquement ou lorsque les délais d’attente sont trop longs. J’aimerais que l’on s’élève aussi contre les tarifs des consultations privées. Ce qui coûte très cher, c’est la non-qualité et les mauvais traitements qui en découlent. Une erreur de diagnostic coûte très cher en souffrance et en vie humaine”, justifie Claude Rambaud.

Cette dernière espère qu’à terme le service rendu par deuxiemeavis.fr soit remboursé par la sécurité sociale. “Je vais en parler avec le conseil d’administration du CISS et nous allons en discuter avec l’Assurance maladie”, promet-elle. “Nous allons vers des thérapeutiques de plus en plus onéreuses. Les ressources de la sécurité sociale doivent-être utilisées le mieux possible”, ajoute la vice-présidente du CISS.

Pour l’instant, à l’exception d’un test réalisé sur deux patients, il n’y a pas encore de retour sur la qualité du site deuxiemeavis.fr. Pour que la plateforme devienne rentable, 10 000 avis par an seront nécessaires. “Ca n’est pas gagné”, confie Pauline D’Orgeval qui explique ne pas avoir lancé son site “pour l’argent”, mais “pour l’accès aux soins”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Bonin