Après 37 ans passés auprès de ses 1 200 patients, le Dr Pierre Blandeau a remué ciel et terre pour trouver un successeur avant son départ à la retraite. Au cœur d’un désert médical, il n’était pas question pour lui de les laisser sur le carreau. Face à l’échec des petites annonces traditionnelles, c’est en faisant preuve d’originalité qu’il a réussi à convaincre une jeune généraliste, qui n’était pourtant pas vraiment prête à s’installer.
 

 

Le Dr Pierre Blandeau peut enfin respirer. A trois mois de son départ à la retraite, ce médecin d’une petite ville de Vendée a enfin trouvé une jeune généraliste pour lui succéder. “Je suis heureux de pouvoir partir en sachant que je vais transmettre ce que j’ai construit pendant 37 ans. C’est décevant de partir en disant aux patients qu’ils vont devoir se débrouiller”, confie ce généraliste de La Garnache.

Depuis le début du mois d’octobre, le Dr Lucile Gachignard, 32 ans, assure un mi-temps au cabinet du Dr Blandeau. Deux jours par semaine, elle fait progressivement connaissance avec les 1 200 patients du médecin. En janvier, elle reprendra complètement le cabinet. “Les patients avaient tellement peur de se retrouver sans médecin qu’ils m’ont bien accueillie”, plaisante la jeune femme. Dans une commune voisine, quatre médecins sont récemment partis à la retraite sans successeur, un autre a fait un burn-out… Et les deux généralistes encore présents à La Garnache, déjà débordés, n’auraient pas pu absorber cette nouvelle patientèle. D’ailleurs, le Dr Gachignard est à peine arrivée qu’elle se rend déjà compte de ce qu’exercer dans un désert signifie : “Je suis inquiète par les demandes des nouveaux patients ! J’ai dix demandes par jour pour devenir leur médecin traitant !”, s’alarme Lucile Gachignard.

 

La bonne idée

Après des années de remplacement, le Dr Gachignard ne se sentait pourtant pas vraiment prête à faire le grand saut de l’installation. Et encore moins dans un cabinet isolé. Dans son esprit de jeune médecin, et de jeune maman, installation rimait plutôt avec maison médicale pluriprofessionnelle. “Je pensais prospecter dans la région, je sais qu’ils manquent de médecins et je voulais être à la campagne. Mais je ne pensais pas m’installer avant deux ou trois ans !”, confie la généraliste.

Mais l’offre du Dr Blandeau l’a décidée à franchir le cap plus vite que prévu. Inquiet à l’idée de laisser ses patients sur le carreau, et constatant l’échec des petites annonces traditionnelles pour trouver un successeur, le médecin a eu l’idée de diffuser son offre sur Facebook. C’est en voyant passer des petites annonces offrant des animaux que le médecin a eu cette idée.”J’ai envoyé un premier message, disant que je donnais ma patientèle, avec tout le matériel médical et informatique. Je pensais que ça allait séduire les jeunes. Mais ça n’a pas bougé. J’ai alors envoyé un second message, où je parlais plus avec le cœur. Je disais à quel point ça m’attristait de laisser tous ces patients sans médecin…” Cette fois le message passe. Son annonce est partagée 96 000 fois, et beaucoup par ses patients. Il est contacté par quelques médias qui relayent l’information. “Après ça, j’ai reçu des centaines de mails par jour. Ça m’a fait me coucher tard pendant trois semaines, il fallait tout lire”, se souvient le médecin. Parmi ce flot de courrier, de nombreux encouragements et des propositions parfois irréalistes. “J’ai reçu des messages de médecins au Mexique, en Chine, en Russie… Certains étaient prêts à venir, mais n’avaient pas réfléchi aux étapes indispensables, aux visas, aux examens de vérification des connaissances qu’il fallait passer.”

 

“Je n’ai pas l’intention de travailler comme une forcenée”

Jusqu’à ce que Lucile Gachignard entende parler de son offre. “J’avais des copains qui avaient vu l’offre sur Facebook”, explique la généraliste. Elle se décide à prendre contact avec le médecin, pour voir. Elle lui explique ses réticences. “J’ai une petite fille, je n’ai pas l’intention de travailler comme une forcenée”, indique-t-elle. Il la tranquillise en lui communiquant le contact de plusieurs remplaçants. L’un d’eux pourra d’ailleurs être présent tous les jeudis. Ce qui permet au Dr Gachignard d’avoir son mercredi après-midi, puisque le cabinet est fermé, et le jeudi toute la journée. De plus, la mairie lui assure qu’un projet de maison pluriprofessionnelle pourrait être envisagé à terme. “Tout ça m’a aidé à prendre ma décision. Sans compter le fait que je n’investis rien dans ce cabinet. C’est plus facile s’il faut partir”, se rassure la généraliste.

 

Les patients comprennent

Pour ce qui est des horaires, elle attend de voir. “Je me laisse quelques mois pour m’adapter. Il s’agit quand même d’un projet familial. L’idée, ce n’est pas de rentrer tous les soirs super tard et de ne pas voir ma famille.” Les patients devront donc s’y faire. Changement de médecin, changement d’habitudes. “Certains patients sont interrogatifs sur la possibilité d’avoir des rendez-vous tard dans la journée, ou rapidement. Mais la plupart comprennent mon rythme”, indique-t-elle.

De son côté, le Dr Pierre Blandeau est heureux de pouvoir s’en aller en douceur, et d’aider sa jeune consœur à faire la transition. S’il se souvient en souriant que beaucoup de ses collègues ont été surpris par sa démarche, il espère aujourd’hui qu’elle pourra donner des idées à ceux qui peinent à trouver un repreneur. “Ce n’est pas grand-chose, mais c’est peut-être une petite graine”, glisse-t-il. Une graine qui semble prendre : certains l’appellent déjà pour avoir des conseils sur la marche à suivre.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier