La loi de santé votée, Marisol Touraine serait déjà en train de rêver d’un autre ministère. Mais qui pourrait la remplacer avenue de Ségur ? La rédaction d’Egora s’est prêtée au jeu des pronostics, avec plus ou moins de sérieux, et a dressé les portraits de quelques potentiels futurs ministrables.
Avec ses positions tranchées sur la fin de la médecine libérale, les praticiens payés par la Sécu et leurs revenus satisfaisants, l’économiste Brigitte Dormont fait généralement bondir les médecins. Pourtant, cette proche du PS conseille le Premier ministre depuis 2012… Cela suffit-il à en faire une candidate crédible au poste de ministre de la santé ?
Probabilité : 2/10
“Le tiers payant généralisé, c’est la mort annoncée de la médecine libérale, et c’est une bonne chose.” En avril dernier, l’économiste de la santé Brigitte Dormont faisait hurler les médecins en tenant ces propos sur France Culture, estimant que la médecine libérale est incompatible avec notre système d’assurance maladie. Professeur d’économie à l’Université Paris Dauphine, Brigitte Dormont expliquait ensuite que le tiers payant était un bon moyen pour l’Assurance maladie de faire pression sur les médecins, dépendants de leur financeur.
Et, si, lors d’un prochain remaniement, Brigitte Dormont était désignée pour occuper le fauteuil de ministre de la Santé ? Proche du Parti socialiste, elle est membre du Haut-Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie depuis 2011, et de la Commission des comptes de la santé depuis 2001. Surtout, dès l’élection de François Hollande à la présidence de la République, elle a été nommée au Conseil d’analyse économique, qui conseille directement le Premier ministre.
Tiers payant obligatoire, même pour les spécialistes
Grâce au tiers payant, “il sera bien clair que c’est la sécurité sociale, financée sur prélèvements obligatoires, qui rémunère les médecins pour leurs actes.” D’ailleurs, dans un monde où Brigitte Dormont serait aux manettes de la santé, les spécialistes aussi pourraient être concernés par le tiers payant : “s’il était généralisé aux spécialistes, il pourrait aussi contribuer à rendre plus visible, et peut-être à limiter, les dépassements d’honoraires.”
La clé du système, selon cette économiste, réside dans la responsabilisation des médecins. “Rien ne changera si on ne touche pas à la liberté d’installation et au paiement à l’acte”, assure-t-elle.”Nous ne manquons pas de médecins, mais ils sont mal répartis.” Une situation inégalitaire et inefficiente selon Brigitte Dormont. “Inégalitaire car, dans les déserts médicaux, les patients ont des difficultés d’accès aux soins. Inefficiente, parce que dans les régions surdotées en médecins, ces derniers manquent de patients et vont multiplier les actes pour préserver leur revenu.”
Des revenus tout à fait satisfaisants
Un revenu d’ailleurs tout à fait satisfaisant selon elle, du moins concernant les médecins généralistes. “Les syndicats de médecins invoquent la durée des études médicales, les responsabilités exercées par le praticien et la durée du travail pour revendiquer un revenu placé très haut dans l’échelle des rémunérations”, pointait la chercheuse dans une étude de 2010 dans laquelle elle compare les revenus des médecins généralistes à ceux des cadres. “Sur la période 1980-2004, un médecin gagne en moyenne 4 257 € nets mensuels contre 3 355 € pour un cadre”, relève-t-elle. Tout en reconnaissant qu’un médecin entre plus tardivement en activité du fait de longues études, elle note qu’à “expérience identique, les revenus de médecins sont supérieurs à ceux des cadres.”
A l’hôpital, 100% des soins pris en charge
Pour autant, aussi proche du PS qu’elle soit, Brigitte Dormont ne voit pas d’un très bon œil la généralisation des complémentaires santé. “Souscrire à une assurance complémentaire est désormais une condition nécessaire à un bon accès aux soins. Or celles-ci ont un cadre et des règles de fonctionnement différentes de celles de la Sécurité Sociale : elles n’offrent pas une vraie solidarité puisqu’elles pratiquent la sélection des risques”, souligne Brigitte Dormont, regrettant le désengagement de la sécurité sociale au détriment des personnes âgées ou des plus malades. Elle rappelle que pour la majorité des assurés qui n’ont pas d’ALD, “la couverture par la Sécurité sociale pour l’ensemble des soins est inférieure à 60%”. Dans une étude, Brigitte Dormont proposait d’ailleurs en 2014 que l’ensemble des soins soient pris en charge à 100% à l’hôpital. Dans ce même document, elle suggérait aussi que les ARS et les complémentaires puissent contractualiser avec les médecins dans le but de “modérer la production de soins”. Tout un programme.
Demain, c’est un ancien médecin reconverti dans la politique qui intégre l’avenue de Ségur…
Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier