Connu notamment pour avoir été le médecin de l’équipe de France de football pendant la coupe du monde de 2006, le Dr Paclet a également eu son heure de gloire au Japon, après avoir opéré la star des sumos. Il raconte cette histoire à Egora.

 

“L’histoire débute en 2000. J’étais médecin auprès de la Fédération japonaise de football qui préparait la coupe du monde qui avait lieu au Japon et en Corée en 2002. Dans ce cadre, je faisais des séjours réguliers au Japon. Lors d’une de mes venues à Tokyo, j’ai eu l’occasion d’assister à un entraînement des sumotoris. Je me suis retrouvé dans une école de sumos où les stars mais aussi les petits jeunes s’entraînent. C’est là que j’ai fait la connaissance de Takanohana, le sumo n°1 au Japon. Nous avons discuté et sympathisé.

Un an plus tard, je reçois un appel du traducteur parisien de Takanohana. Il me dit que le sumo s’est fait mal au genou et qu’il voudrait venir me consulter. Il m’explique qu’il est important que tout cela se fasse dans la plus grande discrétion. Au Japon Takanohana est considéré comme un Dieu.

 

Comment trouver une machine dans laquelle il rentre ?

48h plus tard, le temps de faire aménager son fauteuil de première classe sur une compagnie aérienne, il débarque dans mon cabinet. C’était un lundi soir. Je l’examine et je constate qu’il a manifestement, un ménisque abîmé, ce qui s’explique parfaitement par sa position accroupie en permanence. Il faut lui faire une IRM. Mais comment trouver une machine dans laquelle il rentre. Il faisait quand même 180 kilos ! Finalement il en avait déjà fait une au Japon, qui confirme mon diagnostic. Il faut donc l’opérer pour faire enlever la partie abîmée du ménisque.

L’intervention n’étant pas particulièrement compliquée, je lui propose donc de rentrer se faire opérer au Japon. Takanohana me répond qu’il veut que ça soit moi qui pratique l’opération. Le bazar commence !

Je dois organiser l’intervention le plus rapidement possible. J’appelle la clinique dans laquelle j’opère d’habitude qui m’informe que les tables d’opération d’orthopédie sont homologuées à 130 kilos. Impossible pour mon malade de 180 kilos. J’appelle Gérard Saillant qui était alors chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologique de la Pitié-Salpêtrière pour lui demander conseil sur mon problème. Il réfléchit quelques instants puis il a une idée. Il me dit qu’il va voir avec le service de gastro-entérologie qui a l’habitude pour la pose d’anneaux gastriques d’opérer des patients obèses. Il se renseigne et me rappelle 10 minutes plus tard. C’était bon. Les tables étaient homologuées à 200 kilos. Il me propose d’opérer dans son service en faisant transférer une table de gastro.

 

Il y avait plus de 50 journalistes devant l’hôpital

Je décide de l’opérer le mercredi. Le mardi soir, je reçois un coup de téléphone de la surveillante générale du service du Dr Saillant qui me demande qui j’opère et ce qu’il se passe. Il y avait plus de 50 journalistes devant l’hôpital. La télé japonaise était au bas de l’immeuble. C’était de la folie. Pire que pour Ronaldo ! Et surtout je ne comprenais pas comment ils pouvaient être au courant. En fait les grosses chaînes d’information japonaises ont toujours une personne à l’aéroport qui surveille les allers et venues éventuelles des stars. Ils ont vu Takanohana partir pour un vol sur Paris. Ils l’ont suivi à son arrivée jusqu’à mon cabinet puis jusqu’à la Pitié !

 

“Allo Dr Paclet, Ici Jacques Chirac !”

Malgré le battage médiatique, l’opération se passe bien. A midi, je reçois un coup de téléphone de Jean-François Lamour qui était à l’époque conseiller-sport de Jacques Chirac. Il m’explique que Chirac reçoit tous les matins une traduction de la presse japonaise et qu’il y a vu que Takanohana était venu se faire opérer à Paris. Il n’avait pas supporté ne pas être mis au courant. Il me demande s’il peut donner mon numéro de portable au Président. Une heure après, je reçois un coup de téléphone : “Allo Dr Paclet, Ici Jacques Chirac” ! Il me demande quand est prévu le retour du sumo. Je l’informe qu’il devrait repartir en fin de semaine. “Il est hors de question qu’il reparte sans que je l’ai vu. Je suis en visite officielle en Lituanie jusqu’à dimanche, vous viendrez me voir à l’Elysée le lundi”, me répond-il.

Nous arrivons avec Takanohana le lundi à l’Elysée pour une visite de 30 minutes. Nous en sommes sortis trois heures plus tard. Jacques Chirac connaissait le sumo sur le bout des doigts. Il pouvait refaire toute sa carrière ! C’était très amusant à voir.

 

“Vous savez, c’est votre médecin le plus fort. Il a opéré le meilleur sumotori”

Takanohana est reparti à Tokyo. Tout s’est bien passé mais j’ai dû prolonger les arrêts du sumo plusieurs fois car il n’était pas prêt physiquement à reprendre. Au Japon lorsque l’on a été numéro un et que l’on perd, on ne peut pas rétrograder. Après un échec, les sumos doivent arrêter leur carrière car les japonais estiment qu’ils ont été lâchés par les Dieux. Les journaux japonais ne comprenaient pas. Il y avait encore un énorme battage médiatique. Ils critiquaient le fait qu’il se soit fait opérer à Paris.

Puis Takanohana a repris. Il a gagné son premier tournoi. Là je suis devenu un Dieu moi aussi pour les Japonais.

Cinq ans plus tard, après la finale de la coupe du monde de football de 2006, j’ai été invité à l’Elysée avec tout le staff de l’équipe de France. Il y avait plusieurs tables séparées. A la table du Président, il y avait Zidane, Thuram, Domenech… Et le Dr Paclet. Je ne voyais pas ce que j’avais à faire à la table d’honneur. Chirac a lancé d’emblée, “Vous savez, c’est votre médecin le plus fort. Il soigne les footeux mais surtout il a opéré le meilleur sumotori. Ça c’est des athlètes qui ont un autre niveau que vous !” Manifestement, il s’intéressait beaucoup plus aux sumos qu’au foot !”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : S.B.