La Conférence des Doyens de facultés de Médecine organisait les 3 et 4 décembre derniers ses troisièmes Etats Généraux de la Formation et de la Recherche Médicale. Suppression du numerus clausus dans sa forme actuelle, coercition à l’installation ou passerelles entre formations… Le Pr Jean-Pierre Vinel, président des doyens est revenu pour Egora sur les propositions fortes qui ont émergé lors de cette conférence.
 

 

Egora.fr : Selon vous la PACES est un “échec”, il faudrait supprimer le numerus clausus… Concrètement, que proposez-vous ?

Pr Jean-Pierre Vinel : Je crois qu’à l’heure actuelle, la PACES ne donne pas satisfaction. C’est pour cela que nous proposons des réformes. Actuellement les modalités de régulation par le numerus clausus ne sont pas satisfaisantes. Nous voulons le supprimer dans sa forme actuelle. Il faut bien-sûr garder un contingentement des étudiants en médecine mais le numerus clausus qui prétend réguler la démographie médicale se révèle inefficace sur ce point. Il est aussi trop déconnecté des capacités de formation des UFR médicaux pour que l’on puisse se satisfaire de la situation actuelle. Il faut le revoir avec plus de souplesse.

La formation médicale est également trop monomorphe. Les épreuves de la PACES font que la majorité des élèves reçus ont un bac S, souvent avec une mention très bien. Tant mieux car il s’agit là de ce que le secondaire produit de mieux. Néanmoins, il serait peut-être bon, pour diversifier le recrutement et la formation des médecins, qu’il y ait des étudiants d’origines et de milieux sociaux plus divers. C’est pour cela que nous souhaitons développer des passerelles entrantes. Il en existe déjà mais elles sont insuffisantes.

Nous proposons aussi de modifier les programmes de la PACES, de manière à les rendre plus accessibles et généralistes. Ainsi les étudiants qui sont en échec à la fin de la PACES auraient une formation qui puisse leur servir pour progresser dans d’autres études.

Vos recommandations ressemblent énormément à l’expérimentation qui est en cours à la faculté de médecine d’Angers

Oui effectivement, elles s’en rapprochent. Il y a un certain consensus actuellement parmi les doyens. Il y a des expérimentations qui sont en cours et dont il faudra attendre les résultats définitifs. Néanmoins sur ces principes, on peut lancer d’autres expérimentations sur la base du volontariat. Nous serions très favorables à un assouplissement général du système et à la possibilité d’expérimenter de façon plus large que ça n’est le cas à l’heure actuelle.

Marisol Touraine a annoncé une hausse du numerus clausus dans certaines universités pour faire face à la désertification médicale. Qu’en pensez-vous ?

Le numerus clausus n’est pas lié au problème de la désertification. Il y a peut-être un problème de nombre qui reste à démontrer mais il y a surtout un problème de répartition. Ce n’est pas parce que l’on va former plus de médecin que cela va changer le problème.

Deuxièmement, les universités auxquelles on donne le numerus clausus le plus large sont celles dont la région est considérée comme la plus pauvre en médecins. Il s’agit donc de facultés qui reçoivent déjà un nombre plus important d’étudiants qu’ils n’ont la capacité d’en former. Donc pourquoi pas augmenter le numerus clausus de certaines universités, mais dans ces conditions, il faut aussi donner les moyens aux universités de former ces étudiants supplémentaires. Et surtout, il faut qu’il y ait suffisamment de malades pour qu’ils puissent apprendre leur métier. Par conséquent si l’on met beaucoup d’élèves dans des endroits où les capacités de formation sont faibles, il faut soit les augmenter, soit cela ne sera pas satisfaisant.

Pour nous, le numerus clausus devrait donc être beaucoup plus lié aux capacités de formation qu’à la démographie médicale. D’autant qu’en fonction de leurs résultats aux ECN, beaucoup d’étudiants vont changer de ville pour pouvoir apprendre leur spécialité. Il y a donc à ce moment-là un nouveau brassage complet. Se dire que le numerus clausus va fixer sur site les étudiants jusqu’à leur installation est une idée qui n’est pas fondée sur la réalité des faits.

Vous êtes favorables à l’affectation de jeunes diplômés dans les déserts pendant quelques années…

Oui mais cela est un point de vue beaucoup plus personnel. Le problème ne vient pas du nombre mais de la répartition. L’étudiant en médecine est formé longtemps. Il coûte cher à la société. Sa mission est d’une façon ou d’une autre d’assurer le service public. Je ne serais donc pas choqué qu’il y ait une sorte de service civique civil dont il faudra discuter les modalités. On a doublé le numerus clausus depuis 2003 et il reste des endroits que l’on considère comme des déserts médicaux. La difficulté lorsque l’on raisonne est de penser en terme de densité médicale. Mais la densité est une vue macroscopique sur une région. Par exemple dans la région où je suis en Midi-Pyrénées, il y a une surdensité médicale qui est surtout dans les villes et en particulier à Toulouse. En revanche dans les départements plus ruraux, il y a des déserts médicaux.

Il y a un moment où il va bien falloir répondre à la demande et aux besoins. Donc si aucune mesure ne marche à l’exception de la coercition, il faudra l’exercer. Cela ne veut pas dire qu’il faut les y envoyer avec une baïonnette dans le dos. Cela ne va pas se faire du jour au lendemain mais je crois qu’il y a une réflexion à avoir sur la possibilité d’avoir des encouragements un peu plus forts que ce qui est proposé à l’heure actuelle et qui ne fonctionne pas.

Que vont devenir vos propositions ?

Je parle et ceux qui le voudront m’écouteront. Nous avons fait des états généraux de la formation et de la recherche médicale, c’était une sorte de brainstorming. Nous avons réfléchi, nous portons des propositions que nous transmettons aux journalistes. Nous porterons aussi ces propositions lors de la grande conférence de santé.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin