L’AME coûte trop cher, manque de contrôles et doit être repensée. Le député Claude Goasguen (LR) vient de remettre ses conclusions sur le sujet. Il préconise de limiter la gratuité à un panier de soins semblable à ce qui existe ailleurs en Europe, d’intégrer le système à l’Assurance maladie et de proposer un médecin traitant aux bénéficiaires.

 

Egora : Les dépenses liées à l’AME ont augmenté de 32% depuis 2008, et de plus en plus de personnes en bénéficient. Pourquoi dites-vous que le système est ingérable ?

Claude Goasguen : Le chiffre avancé par le ministère est sous-évalué, comme à chaque loi de finances d’ailleurs. En réalité, on va faire une loi de finance rectificative qui est programmée. Elle sera autour de 100 à 150 millions, comme chaque année. On a oublié de facturer des dettes de la Sécurité sociale, qui ont augmenté cette année puisqu’il y a au moins une centaine de millions de dette. Et surtout, on ne fait pas porter sur le budget les dépenses de Mayotte, qui a son propre dispositif de soins urgents et qu’on a beaucoup de mal à évaluer mais qui est probablement autour de 100 millions. Celui de la Guyane étant lui-même sous-évalué, ce que la Chambre des comptes dénonce suffisamment… On est donc plus proche du milliard que des 750 millions. Tout cela fait que le système est en train d’exploser, d’imploser plutôt, parce qu’il n’est pas contrôlé. Il est d’ailleurs assez incontrôlable, et quel serait l’intérêt de la Sécurité sociale de le contrôler à vrai dire ? Ce n’est pas son budget. La Sécurité sociale ne fait au fond que demander de l’argent à l’Etat, qui le lui fournit. A-t-elle un intérêt à faire beaucoup de contrôle ? On s’aperçoit que sur 300 000 personnes qui sont à l’AME, il y a eu 54 contrôles cette année. Le système ne marche pas, c’est le premier élément.

Le deuxième problème, c’est que ce système est désormais hors norme par rapport à l’Europe. Nous sommes les seuls en Europe à offrir ce panier général, même s’il a été un peu atténué. Tous les autres pays en Europe ont des aides mutuelles d’urgence, et je pense que la meilleure des solutions, c’est de s’aligner sur l’Europe. On va avoir des flux migratoires très forts en Europe, on veut s’harmoniser sur les législations européennes… L’aide médicale d’urgence, c’est aussi une harmonisation. Ce sont les deux points politiques qui me permettent de dire qu’à terme, quel que soit le gouvernement de gauche ou de droite, l’AME n’est plus gérable. Il faudra s’aligner sur les autres pays européens.

Vous plaidez pour limiter la gratuité des soins aux soins urgents. S’agit-il de tous les recours aux urgences ?

Il s’agit d’une offre de soins limitée aux soins urgents ou jugés prioritaires, d’ailleurs assez large par rapport aux autres pays européens. Il y a la gynécologie, la lutte contre les infections, les accidents du travail, les agressions, les maladies aiguës, les soins pour les mineurs… C’est assez large. Cette évolution pourrait d’ailleurs s’accompagner de la suppression de la condition de résidence de trois mois. Ce qui simplifierait les contrôles, à ce jour presque impossibles à mettre en œuvre. Et pour le reste, ça passe en Sécu. C’est-à-dire que les patients payent.

Le problème de l’AME, c’est qu’on ne pas continuer à avoir des gens qui gagnent 1 000 euros par mois et qui sont au-dessus du plafond de la CMU et donc payent 30% de leurs soins, et d’autre part des immigrés clandestins, en situation irrégulière, dont les revenus ne sont pas calculés et qui ne payent rien du tout ! Il faut mettre les gens à égalité. Et donc, les passer en CMU. C’est-à-dire transférer la prise en charge dans le régime de sécurité sociale, avec une cotisation liée au niveau de revenus. Ce qui incitera d’ailleurs la Sécurité sociale à contrôler d’un peu plus près, puisqu’elle y aura un intérêt particulier, ce système qui ne peut que déraper dans la mesure où il n’est pas contrôlé. Un système qui n’est pas contrôlé, c’est un système qui ne peut que déraper.

Ne doit-on pas craindre que la fin de la gratuité retarde les soins, et entraîne des recours aux urgences plus tardifs, avec plus de complications, et donc plus coûteux ?

Oui, et bien on gérera. Il faut mettre sur les urgences un budget de 200 millions. Il faut faire comme les autres pays. Il n’y a pas plus de tuberculose en Allemagne qu’en France. Il n’y a pas plus de dérapages prophylaxiques dans les autres pays européens qu’en Allemagne. Ce sont des choses qui se gèrent. Il ne faut pas me raconter que, parce que la gratuité des soins va être abolie, la tuberculose va flamber alors que le système est le même dans toute l’Europe et qu’il n’y a pas plus d’épidémies en Europe qu’en France. En réalité le budget des urgences dans le cadre de l’AME, il existe. Il s’agit de l’individualiser, de le bloquer, d’en faire une loi de finances sans loi de finances rectificative, qui est un appel d’air financier. Quand vous avez la certitude d’avoir une loi de finances rectificative, vous dépensez !

Vous défendez l’idée d’un médecin-traitant pour les patients en AME. Pourquoi ?

Comme le gouvernement n’a visiblement pas l’intention de réformer l’AME d’ici 2017, ce sera d’ailleurs vraisemblablement l’un des sujets de l’élection présidentielle, nous avons suggéré un certain nombre de modifications, au moins temporaires pour améliorer un système qui est difficilement améliorable. C’est par exemple le cas des visas. Il faut que les directeurs d’hôpitaux puissent consulter les visas et éventuellement les mutuelles de ceux qui se présentent, alors qu’aujourd’hui ils n’y ont pas accès.

Et le médecin traitant, ça permettrait d’éviter la dispersion AME et donc peut-être de réguler les possibilités de contrôles de l’Assurance maladie. Donc améliorer le contrôle et ainsi éviter les fraudes. Pour le moment. Parce que je crois qu’on peut améliorer tout ce qu’on veut, mais on n’y arrivera plus. La meilleure des solutions, c’est ce que je propose. Mais ça ne se fera pas avant 2017. A moins que l’Europe décide d’harmoniser les problèmes de flux migratoires, et en particulier le problème de l’assistance médicale. Mais autrement, il faut essayer de limiter la casse.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier