En décembre 1952, Marius Renard, 16 ans, charpentier dans l’Oise, tombe d’un échafaudage. L’hémorragie interne est sévère et les médecins, en urgence, retirent le rein abimé. Or, Marius n’est né qu’avec un seul rein. Tentant le tout pour le tout, toute la famille prend alors la route vers Paris. Car Gilberte, la maman de Marius a une idée : convaincre le grand Pr Jean Hamburger de lui retirer un rein pour le donner à son fils. Jusqu’à ce jour, toutes les tentatives de greffe de rein se sont soldées par des échecs.
 

 

C’est dans le petit village de Berthecourt-sur-Hermes, dans l’Oise, que vit la famille Renard. Robert est menuisier et Gilberte s’occupe de ses deux enfants, Marius et Christian. En 1952, Marius a 16 ans et vient tout juste de terminer son apprentissage de charpentier, il commence donc sa carrière chez un ami de son père, à Beauvais. Mais le 18 décembre, sur un chantier, il heurte un madrier et tombe de l’échafaudage.

 

Marius est né sans rein gauche et risquait l’urémie

Marius est immédiatement conduit à l’Hôtel-Dieu de Beauvais où les médecins constatent de multiples fractures des côtes et de la ceinture pelvienne. Surtout, ils se rendent compte que le jeune garçon fait une hémorragie interne. En urgence, ils décident de l’emmener au bloc opératoire et constatent un éclatement du rein droit. Ils procèdent donc à l’ablation. Le problème, c’est que Marius est né sans rein gauche et que donc il risquait l’urémie. 48 heures après l’intervention, le jeune homme est transféré à l’hôpital Necker.

Effondrés, Gilberte et Marius Renard quittent leur village pour accompagner leur fils à Paris. Leur fils cadet, Christian, 6 ans, et Leona, la grand-mère, sont du voyage. Nous sommes à quelques jours des fêtes de Noël et personne ne veut laisser Marius tout seul dans ce grand hôpital parisien.

Voyant que l’état de son fils est irrémédiable, Gilberte se met en tête de convaincre les médecins de tenter une greffe. A cette époque, à Necker, le Pr Jean Hamburger est chef de service et s’intéresse de très près aux avancées des transplantations rénales. La maman le sait, elle demande donc au professeur de prendre un de ses reins pour le greffer à son fils. “Vous ne pouvez pas refuser le don dicté par l’amour d’une mère”, dit-elle au professeur.

 

Ce visionnaire est persuadé que la transplantation est possible

Cette demande laisse Hamburger dans l’embarras. Aucune greffe n’a jamais fonctionné à ce jour, et aucune tentative n’a été menée à partir d’un donneur vivant. Il tente de raisonner Gilberte Renard, la met en garde sur les risques d’une ablation. Mais rien n’y fait, la mère insiste. Elle sait qu’il n’y aucun autre moyen pour sauver son fils.

Après plusieurs jours d’hésitation, le Pr Hamburger accepte. Au-delà du problème éthique que pose une telle intervention, ce visionnaire est persuadé que la transplantation est possible. Et il se dit que la proximité génétique entre la mère et le fils pourraient augmenter les chances de réussite. L’intervention est donc programmée. Hasard du calendrier, elle a lieu le 25 décembre.

C’est une belle histoire de Noël comme en rêvent les médias. Quelques jours après son arrivée à Necker, “l’affaire” Marius Renard fait déjà la Une des journaux. Les Français sont pris de sympathie pour Gilberte, cette “mère courage” héroïque qui se sacrifie pour sauver son fils. Les journalistes campent devant l’hôpital Necker pour tenter de voler une photo de la famille ou des médecins. La France se passionne pour ce petit greffé de Noël.

 

Tout le monde se surprend à croire au miracle

A Necker, l’intervention est confiée aux meilleurs chirurgiens de l’époque. Et c’est un succès. Dès le lendemain, mère et fils reçoivent les journalistes et photographes dans leur chambre d’hôpital. Marius va bien, il urine dès le premier jour et sa diurèse se stabilise à 1,5l/24h. L’urée sanguine baisse significativement puisqu’elle passe de 4,30g/l à 0,80 g/l au 21ème jour après transplantation. Marius est transfusé quotidiennement. Tout le monde se surprend à croire au miracle. Sauf Hamburger. Il refuse de parler aux journalistes et se montre toujours pessimiste auprès de la famille Renard. Il sait à quel point le risque de rejet du greffon est élevé. Et il avait raison. 21 jours après la greffe, le rein de Marius cesse brutalement de fonctionner, les médecins doivent se rendre à l’évidence : la greffe a échoué.

 

Une centaine de personnes proposent de donner un rein

Pendant 10 jours, Marius vit une terrible agonie. Les médias, eux, continuent chaque jour, de donner des nouvelles de la famille Renard. L’émotion est à son comble. Des milliers de personnes écrivent, font des dons et viennent déposer des messages et des cadeaux directement à l’entrée de Necker. Une centaine de personnes proposent même de donner un de leurs reins. Et, le 27 janvier 1953, le petit miraculé de Noël décède. “Toute la France porte le deuil, ce drame est le drame de tous”, écrit un journal le lendemain matin. Le 2 février, une foule immense vient assister aux obsèques dans le village de Berthecourt.

De multiples hommages sont rendus au jeune garçon, mais aussi, et surtout, à Gilberte, mère exemplaire. Vincent Auriol, président de la République, lui fait porter une gerbe de roses rouge. Et, quelques mois plus tard, celle qui dit toujours n’avoir fait qu’un tout petit sacrifice, reçoit la médaille de la Santé publique.

Presque deux ans jour pour jour après l’opération de Marius Renard, de l’autre côté de l’Atlantique, à Boston, un certain Dr Murray transplante un homme avec le rein de son frère jumeau. C’est un succès. Quelques mois après l’intervention, le greffé reprend le travail et épouse son infirmière. Et six mois plus tard, le professeur Jean Hamburger réussit exactement la même opération, à Paris, cette fois avec de faux jumeaux. Ces deux grandes premières marqueront l’histoire des transplantations humaines et de la médecine.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

D’après Les histoires insolites qui ont fait la médecine, vol 2, de Jean-Noël Fabiani,
et l’
Association Française des infirmiers de dialyse, transplantation et néphrologie.