Depuis 2013, à Nîmes, les médecins en visite nocturne peuvent être suivis en direct par la police grâce aux 267 caméras installées dans toute la ville. Un dispositif unique en France utilisé par les médecins de SOS appelés dans les quartiers sensibles de Nîmes. La ville et l’Ordre projettent désormais d’étendre cette protection la journée, et aux abords de certains cabinets médicaux.

 

Le docteur Alain Valeau préside la structure SOS médecins à Nîmes, la seule en ville qui assure la permanence des soins. Depuis deux ans, il se livre à un rituel inédit avant certaines de ses visites. “Quand je dois me rendre dans une zone difficile, j’appelle un numéro pour informer la police de mon déplacement. Lorsque je pars, je suis en ligne avec un agent de la police municipale qui me suit grâce aux caméras installées dans toute la ville. Il me dit où je dois me garer pour que ma voiture soit toujours dans le champ des caméras, et il la surveille quand je suis au domicile du patient. Il prévient également les agents de police qui sont à proximité pour qu’ils soient prêts à intervenir au cas où. Mais nous avons demandé à ce qu’ils ne nous accompagnent pas. Nous ne voulions pas que les habitants nous voient en compagnie de la police.”

Avec ce suivi discret, le docteur Valeau sait qu’il peut laisser son véhicule sereinement et qu’une équipe de police est immédiatement prête à intervenir au moindre souci. “Si on voit que quelqu’un pourrait nous agresser on n’a qu’à appuyer sur la touche bis, et on a la police qui est prête à intervenir.”

 

200 caméras de vidéosurveillance à disposition des médecins

Si le président de SOS médecins reconnaît que le dispositif est efficace, et qu’il l’utilise régulièrement, les débuts n’ont pas forcément été faciles. “Beaucoup d’urgentistes étaient réticents. Certains étaient contre le principe même de vidéo. D’autres trouvaient que la démarche était compliquée…” Certains médecins encore aujourd’hui, refusent le suivi par caméra. Il faut dire qu’ils n’étaient pas spécialement demandeurs d’un tel service. “Nous ne sommes pas dans une ville où il y a un risque particulièrement élevé d’agressions”, reconnaît le docteur Valeau.

A Nîmes, la dernière agression importante remonte à octobre 2012. Un remplaçant de SOS médecins se fait agresser dans la zone urbaine prioritaire de Valdegour. Ses confrères, choqués de cet événement, décident alors de boycotter le quartier pendant deux semaines. Au même moment, une nouvelle sous-préfète est nommée et fait de la sécurité des médecins une de ses priorités. La mairie de Nîmes se saisit également du dossier et travaille ardemment avec les acteurs de santé de la ville, et notamment le conseil de l’Ordre des médecins. “En 2011, l’Ordre a signé un accord tripartite avec les ministères de la justice et de l’intérieur pour que les médecins puissent bénéficier de mesures de protection. La ville de Nîmes respecte ce protocole et va même un peu plus loin…”, explique le Dr Bruno Kezachian, président du conseil départemental de l’Ordre du Gard. En effet, en 2013, un nouvel accord est signé : la mairie met plus de 200 caméras de vidéosurveillance à disposition des médecins en nuit profonde. C’est une première en France.

 

Effet dissuasif

“Il y avait peut-être des élections à ce moment-là…”, ironise le Dr Valeau, qui se dit satisfait de pouvoir bénéficier de cette opération politique. “Cela ne résout pas tous les problèmes et n’empêche pas toutes les agressions bien sûr, mais c’est une aide très intéressante pour nous, et cela fonctionne bien. Surtout qu’en pleine nuit, la police municipale n’est pas trop sollicitée et elle a le temps de nous suivre.”

Du côté du conseil de l’Ordre également, les retombées sont positives. “Avant ce système, nous avions le signalement d’un incident, au sens large, par semaine. Désormais, c’est un par mois”, constate le Dr Bruno Kezachian qui a piloté le projet. “Cela a surtout eu un effet dissuasif. Je pense qu’il y a eu une prise de conscience du côté de la population. Et, du côté des médecins, c’est un élément rassurant.”

 

Equiper les abords des cabinets

Le conseil de l’Ordre continue de siéger aux réunions sécurité de la ville, qui ne cesse d’installer de nouvelles caméras. Fière des résultats du dispositif, la municipalité souhaite désormais l’étendre aux visites en pleine journée. “Certains médecins refusaient depuis quelques temps de se rendre dans certains quartiers, constate le président de l’Ordre. J’en ai rencontré qui m’ont dit qu’avec la vidéo protection ils seraient d’accord pour y retourner.” L’Ordre souhaite également que le dispositif puisse bénéficier aux médecins en dehors de leurs visites… En équipant les abords des cabinets.”J’ai reçu quatre demandes de médecins qui souhaiteraient que l’on fasse installer des caméras près de leur cabinet. J’ai porté leur demande auprès de la mairie qui les a acceptées.”

En trois ans, Nîmes est ainsi devenu le modèle français en matière de sécurité des médecins. Si bien, que le président de l’Ordre espère bien donner des idées à d’autres villes. “Il faut que nous puissions partager notre expérience, estime le Dr Kezachian. Nous sommes d’ailleurs en train de nouer des contacts privilégiés avec l’Association des maires des grandes villes de France.” En 2014, 901 médecins ont été victimes d’agressions ou d’actes de vandalisme. Nîmes a peut-être trouvé une solution pour faire baisser ce chiffre.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu