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Des MG pour sauver les urgences : l’idée de Hollande qui fait pschitt

Former les généralistes à l’urgence pour qu’ils assistent les Samu dans les zones très reculées : l’idée n’est pas nouvelle, mais François Hollande aimerait bien accélérer les choses. C’est qu’il a une promesse de campagne à tenir. Mais sur le terrain, la mesure ne sera pas si simple à mettre en œuvre.

 

“Nous devons atteindre 100% de personnes à moins de 30 minutes d’un service d’urgence d’ici 2017. Aussi 700 médecins généralistes seront formés à l’aide médicale d’urgence et des hélicoptères mutualisés seront mis à disposition pour répondre à cet objectif”, clamait François Hollande la semaine dernière, en ouverture de ses 21 engagements pour aider les zones rurales.

Dans les faits autour de 450 médecins assurent déjà les fonctions de Médecin correspondant Samu (MCS). Sous contrat avec l’ARS, ces volontaires sont sollicités quand une urgence intervient dans leur zone et qu’un SMUR a besoin de plus de 30 minutes pour se rendre sur place. Organisés en réseaux, leurs conditions d’exercice peuvent varier d’une région à l’autre.

 

“Un budget d’un million d’euros par an”

“En Rhône-Alpes, nous avons reconnu les médecins correspondants en octobre 2013. On est passé de 90 à 180 médecins en deux ans, explique Angélique Grange, référente Installation des professionnels de santé pour l’ARS. Nous avons un budget d’un million d’euros par an, pour le financement des deux associations qui gèrent ces MCS. Cela comprend notamment les deux journées de formation annuelles, les sorties rémunérées 250 euros et les astreintes payées à 50 euros le jour et 100 euros la nuit. On approche les 1 000 sorties par an.”

Le Dr Manuella Barthès est médecin correspondant en Savoie depuis 13 ans. Installée dans un cabinet de groupe dans un village de montagne, c’est l’aspect formation continue qui l’a séduite. “Dans tous les cas, dans les zones reculées, les médecins doivent faire face à des urgences, mieux vaut être préparé et encadré. Au début, je faisais comme je pouvais pour rester dans le coup, je suivais des formations quand c’était possible. L’avantage, là, c’est qu’on suit des formations régulièrement, qu’il y a du matériel adapté et performant qui nous est fourni, et qu’on est en liaison avec le 15. Tout ça est très rassurant en cas d’urgence”, plaide la généraliste, qui préside aujourd’hui la Fédération MCS France. Elle estime même que cet encadrement pourrait être un vecteur d’installation pour de jeunes médecins intéressés par la médecine de montagne et par l’urgence.

Avec un bémol toutefois : “Un médecin qui travaille tout seul, sans secrétaire et qui doit fermer son cabinet pour partir sur une urgence, ce n’est pas jouable. Nous, ici, nous sommes cinq en permanence. Nous pouvons nous relayer.” En tant que présidente de la Fédération, elle se dit bien sûr ravie que des moyens soient alloués à ce dispositif et qu’il soit mis en lumière. “Mais il faut déjà avoir des médecins dans les zones éloignées, et se structurer en groupe de façon à pouvoir intervenir sur les urgences.”

 

“On trouvera difficilement 700 généralistes pour ce travail”

Le Dr Raymond Henry, chef du Samu d’Alençon (Orne), ne dit pas autre chose. En 1995, il avait mis sur pied un réseau de médecins généralistes volontaires pour assurer certaines urgences. “Il y avait 45 médecins participants. Aujourd’hui le réseau est mort. On est trop lent à la réaction quand il y a des idées. A l’époque, on avait demandé la création d’un statut qui n’est jamais venu.” Et aujourd’hui, après 20 ans, c’est trop tard estime-t-il. “L’installation des médecins en zone rurale est quasiment nulle, je ne vois pas comment on va trouver des médecins à former dans une démographie médicale catastrophique, sans des incitations beaucoup plus fortes pour s’installer.”

Du côté des généralistes aussi, on reste prudent. “Le principe est honorable, reconnaît Claude Leicher, président de MG France. Mais on trouvera difficilement 700 généralistes pour ce travail. Beaucoup de médecins ont été pompiers volontaires, puis ont été éjectés parce qu’il leur fallait un agrément. Et on leur demande de revenir ? D’autre part, les généralistes qui ont fait de l’urgence dans les zones rurales arrivent à la retraite, ne sont pas remplacés. S’il n’y a pas de maillage de médecins généralistes, tous les projets pour suppléer les services d’urgences tombent à l’eau !”

Car c’est un autre aspect du sujet. Un rapport du Dr Jean-Yves Grall, remis à Marisol Touraine fin août, suggérait la fermeture des structures à “faible activité globale”. Une proposition qui avait fait bondir, notamment les urgentistes. “Alors que ces vingt dernières années, de nombreux services ont été fermés, l’Amuf considère que descendre en dessous du seuil actuel de services existant mettrait la population en danger. La solution n’est sûrement pas de demander aux médecins généralistes qui connaissent également une situation démographique dégradée de se transformer en ‘médecins correspondant de Samu’.”

 

“On fait avec des bouts de ficelle et des rustines”

Pourtant, c’est bien sur ce terrain que la réflexion est engagée. “Avec le déploiement des Médecins correspondant Samu, on pourrait imaginer de transformer certains services d’urgences en centre de consultation non programmées, glisse Angélique Grange, à l’ARS Rhône-Alpes. Ces centres pourraient être adossés à des structures comme des maisons de santé pluridisciplinaires, et prendraient en charge les petites urgences. Mais rien n’est décidé, on en est au stade de la réflexion.”

Une piste que ne désapprouve pas le Dr Claude Leicher sur le fond. “Les services d’urgences ne font pas plus de 20% d’urgences. C’est une gabegie de moyens. Sauf que fermer les urgences sans organiser en amont le fameux virage ambulatoire, c’est suicidaire. On ne nous donne pas les moyens d’exercer, on fait avec des bouts de ficelle et des rustines. Les Médecins correspondants Samu, c’est une rustine mise sur les services d’urgence, regrette le Dr Leicher. Le président découvre aujourd’hui qu’il y a des médecins généralistes et qu’il a besoin d’eux pour remplir une promesse électorale.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier