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C’est en allant voir un numéro de cirque qu’un jeune dentiste anglais a pensé à utiliser un « gaz hilarant », pour opérer sans douleur. Nous sommes en 1844, et il ne faudra que quelques années pour que les chirurgiens adoptent l’anesthésie.

 

Le 10 décembre 1844, le Professeur Gardner Quincy Colton, artiste dans un cirque récemment installé à Hartford, en Angleterre, prévoit de faire, comme chaque soir, une démonstration de son tout nouveau « gaz hilarant ». Dans l’assistance, Horace Wells, jeune dentiste de 29 ans, se porte volontaire pour monter sur scène et tester ce fameux gaz. Il en aspire une bouffée, ressent une curieuse sensation de vertige et de bien être, puis reprend vite ses esprits.

 

“Couper une jambe sans souffrance”

A ses côtés, Samuel, un de ses amis, teste également le gaz ; il se met à gambader et se cogne violemment la cheville. Malgré son sang qui coule, il chante, semblant totalement indifférent à sa blessure. “Je crois que l’on pourrait arracher une dent ou même couper une jambe sans souffrance si l’on fait inhaler ce gaz aux patients”, confie le jeune dentiste qui passera dès lors de nombreuses années à tenter de démontrer les bénéfices thérapeutiques de ce gaz.

Le gaz hilarant a en réalité été inventé par un révérend anglais du nom de Joseph Priestley, découvreur du gaz carbonique, le dioxyde de carbone, en 1772, mais aussi de l’oxygène et de l’oxyde d’azote, obtenu en aspergeant de la limaille de fer avec de l’acide azotique, dont il tire le protoxyde d’azote. Il identifiera rapidement les propriétés euphorisantes du protoxyde d’azote, baptisé plus tardivement “gaz hilarant”, par un apprenti de pharmacie, Humphry Davy, qui avait réussi à en fabriquer, et l’avait testé sur lui-même. Souffrant d’une rage de dent, Davy constate un grand soulagement en inhalant le gaz.

Mais ce gaz hilarant était alors resté cantonné à une utilisation dans des spectacles de cirques et de foires. Horace Wells, peu après le spectacle du 10 décembre 1844, demande à son assistant de lui arracher une dent. Il s’installe dans un fauteuil, inhale profondément le gaz et s’endort subitement. Son assistant arrache la dent. Wells dort toujours. La méthode fonctionne.

Le dentiste décide alors d’en faire profiter ses patients qui, rapidement, viennent de loin pour bénéficier de soins sans douleur. Et pour cause. On peut facilement imaginer ce que furent les opérations chirurgicales avant l’anesthésie : des chirurgiens en redingote, un patient maintenu de force sur une table d’opération qui a pu recevoir tout au plus un peu d’opium et d’alcool.

Voulant faire fructifier sa trouvaille, Horace Wells se rend à Boston où il rencontre, au Massachusetts General Hospital, un chirurgien, John Warren, qui a lui même tout tenté pour réduire les douleurs de ses patients mais sans succès.

 

Humilié il doit faire face à l’échec

Le 20 janvier 1845, dans une salle d’opération de l’hôpital, Wells présente ses travaux à l’assistance. Il veut faire un test mais aucun patient n’est prévu. Un jeune homme obèse souffrant d’une rage de dent accepte d’être soigné après utilisation du gaz. Il s’assied, inhale le gaz et s’endort. Mais alors que Wells tente d’arracher la dent malade, le jeune homme hurle et se relève brutalement. Horace Wells, humilié, doit faire face à l’échec.

Un seul médecin, son ami William Morton poursuit les travaux entamés par Wells. Il s’oriente alors vers l’utilisation de l’éther et met au point un dispositif d’inhalation pratique. Devant témoin, il extrait la dent douloureuse d’un professeur de musique de Boston après l’avoir endormi à l’aide de l’éther. Son patient se réveille sans avoir rien ressenti et accepte de signer une attestation que lui tend Morton.

Morton va faire publier sa découverte et, pour convaincre les grands chirurgiens de l’époque, demande à John Warren de tenter une nouvelle expérience.

Le patient est un imprimeur de 20 ans, chez qui Warren souhaite extraire une tumeur vasculaire au coin de la mâchoire gauche. Morton arrive en retard. Il installe son dispositif d’inhalation et explique au patient comment respirer profondément par la tubulure. Le patient s’endort. Warren agit, incise, ligature les vaisseaux, réduit la tumeur. L’opération dure 25 minutes. Le patient se réveille et est sorti du bloc. Un second malade doit être traité pour une affection de la colonne vertébrale à traiter par des pointes de feu préparées au fer rouge. Il est endormi et opéré. Nouveau succès. Un pas immense vient d’être franchi.

Le lendemain, une nouvelle opération est réalisée. Le Dr Oliver Holmes invente le mot “anesthésie” qui signifie insensibilité.

 

L’anesthésique se répand dans le monde entier

Horace Wells quant à lui est resté ignorant des progrès réalisés par Morton jusqu’à ce que celui-ci lui propose de diffuser sa propre technique, ce que Wells refuse, ulcéré. Parti en France, Wells en revient avec le chloroforme utilisé par James Simpson, un obstétricien. Wells l’expérimente encore sur lui-même, combine éther et chloroforme et devient dépendant. Il se suicidera à New York, après une lente descente aux enfers de la toxicomanie, en prison, où il fut incarcéré pour l’agression d’une prostituée.

Tentant de conserver le secret de son anesthésique, Morton le baptise le létheon, “oubli” en grec. Il dépose un même un brevet pour son appareil mais devra finalement se résoudre à avouer que son gaz n’est autre que l’éther sulfurique rectifié, découvert 400 ans plus tôt par un botaniste allemand.

L’utilisation de l’anesthésique se répand dans le monde entier. En France, c’est le chirurgien Antoine-Joseph de Lamballe qui opère à l’hôpital Saint-Louis le premier patient sous anesthésie, le 22 décembre 1846.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

[Avec Docbuzz.fr, d’après La singulière découverte de l’anesthésie,
de Patrick Berche et Jean-Jacques Lefrère]

 

Article initialement publié le 25 juillet 2013.