Si vous aviez tous les pouvoirs, quelle serait votre toute première réforme ? C’est la question qu’Egora a posé à plusieurs personnalités du monde de la santé. Ancien président et actuel secrétaire général délégué du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), Christian Saout s’est prêté à l’exercice. Celui qui a remis lundi un rapport à Marisol Touraine sur l’expérimentation d’actions d’accompagnement des patients, propose de mettre en place des Etats généraux de la santé.
 

 

“Ma première réforme serait de convoquer immédiatement des Etats généraux de la santé. Il est essentiel de donner la parole à nos concitoyens. Ensuite, on pourra en tirer des conclusions.

 

Donner la main aux gens pour qu’ils disent ce qu’ils souhaitent

Je convoquerais ces Etats généraux sur le modèle de ceux de 1998 et 1999, c’est-à-dire avec une méthode. Il ne s’agira pas de faire de la communication en promenant un ou une ministre dans deux ou trois régions. Les Etats généraux sont un processus dans lequel on demande aux gens de dire ce qu’ils voudraient changer dans le système de santé. A tel endroit cela pourra être un sujet sur la désertification médicale. Ailleurs, cela pourra être un sujet sur la sécurité des soins… Il faut donner la main aux gens pour qu’ils disent ce qu’ils souhaitent.

En parallèle, je m’attèlerais à compter les sous qu’il me reste. Pour l’instant, on a effectué toutes les adaptations du système de santé en s’endettant et en mettant la poussière sous le tapis de la dette. Tout cela est fini. Il faut réfléchir maintenant à masse budgétaire constante et sous la contrainte financière. Nous n’avons pas le choix. Nous sommes confrontés à une dimension qui est celle de la substitution. Qu’est-ce que je prends de neuf et qu’est-ce que j’enlève d’ancien qui ne marche plus ou qui ne sert à rien ? Par exemple comment gérer un sujet comme l’innovation en santé qui est coûteux et qui a un fort impact sur les comptes de l’Assurance maladie… Il faut se poser la question : où trouve-t-on l’argent ? Or l’argent, on l’a en face de nous si on est capable de mettre un terme à toutes les prescriptions ou les interventions chirurgicales inutiles.

 

On ne maîtrise plus les interactions avec des ordonnances de 10 médicaments

Pour que tout cela soit possible, il faut mieux informer nos concitoyens. Selon certains chiffres, 60% des interventions chirurgicales sur les nodules thyroïdiens sont inutiles. Qu’est-ce que cela signifie ? Que l’on fait tourner les hôpitaux pour faire rentrer de l’argent ? Ça n’est pas très heureux comme solution. Les patients ont besoin de soins pertinents et non l’inverse. Quand on voit également qu’en fonction des régions, il peut y avoir quatre fois plus d’intervention de la prostate, cela pose des questions. Il faut regarder tout cela de près. On ne cesse de dire qu’au-delà de cinq médicaments par ordonnance, on ne maîtrise plus les interactions médicamenteuses et on se retrouve avec des ordonnances de 10 médicaments. Dans la façon dont le soin est administré et distribué, il y a quelque chose qui ne va pas… De l’argent nous en avons suffisamment pour prendre les innovations mais il faut débattre de tout cela. Il faut aussi déterminer quel est le prix acceptable de ces innovations ?

Les gens ne comprennent pas comment fonctionne le système. Il est essentiel de les informer. Il faut restituer à nos concitoyens ce que j’appelle le diagnostic partagé. Qu’est ce qui va et ne va pas dans le système ? Les soins sont souvent de très bonne qualité mais trop souvent administrés à tort. Quelle belle affaire d’avoir eu une remarquable intervention chirurgicale si elle était inutile !”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin