Après 20 ans d’exploitation de la pharmacie du Forum des Halles à Paris, Georges Saint-Pastou est contraint de baisser le rideau et a dû licencier son personnel. Les travaux gargantuesques du Forum lancés en 2010 lui ont fait perdre près de 90 % de sa clientèle. Le pharmacien de 75 ans espère rouvrir en mars prochain, une fois le chantier terminé.
“Je suis un habitué des centres commerciaux, je suis passé par Polygone à Montpellier, Nice Etoile… J’exploite la pharmacie du Forum des Halles depuis 20 ans. Je l’ai rachetée en 1995. Tout s’est toujours bien passé. Jusqu’au début des travaux en 2010, l’officine tournait à environ 900 patients par jour pour un chiffre d’affaire d’environ 4, 5 millions d’euros. J’employais entre 20 et 25 personnes.
Les deux premières années après le début du chantier, j’ai constaté une légère baisse de mon activité. J’ai pu compenser en ne remplaçant pas certains départs. Mais les choses se sont gâtées en 2013. Le chiffre d’affaire a alors diminué de 20% par rapport à la situation avant travaux. J’ai demandé à mon bailleur de recalculer mon loyer en fonction de cette baisse d’activité. Je débourse tout de même 200 000 euros de loyer par an. Au bout de six mois de négociations infructueuses, j’ai fait nommer par le tribunal de commerce un administrateur ad hoc. Il s’est également fait balader.
Un nouveau local nous a été proposé par le bailleur mais il était également très mal placé. Financièrement, le transfert aurait été compliqué et administrativement, c’était assez risqué. Il aurait fallu mettre en place un transfert, puis un retour de licence. J’ai donc très vite abandonné cette idée.
De 900 clients par jour, on a dégringolé à une centaine
Au fil des mois la situation n’a fait qu’empirer. La fermeture de la porte Lescot, dont l’escalator desservait directement l’officine a été le coup de massue final. De 900 clients par jour, la pharmacie a dégringolé à une centaine. J’ai fini par perdre 80% de mon chiffre d’affaire. La pharmacie me coûtait plus cher que ce qu’elle me rapportait. J’ai alors demandé au tribunal de commerce de placer l’officine en redressement judiciaire. L’autorisation de fermer la pharmacie et de procéder à un licenciement collectif a été prononcée le 5 mai dernier. Si j’employais quelques personnes en CDD, la plupart était salariées à durée indéterminée depuis plusieurs années. Devoir les licencier a été très éprouvant.
Aujourd’hui à 75 ans, j’ai des dettes. Je dois rembourser 400 000 euros de loyers impayés à mon bailleur et 450 000 euros à mes fournisseurs. Pour l’instant les créances sont gelées jusqu’à la réouverture de l’officine que j’espère rouvrir en mars prochain, à la fin des travaux.
Des dettes jusqu’à 85 ans
En attendant je vis avec les réserves familiales qui me permettent de subvenir au quotidien. Quand à mes dettes, si je n’arrive pas à trouver un accord avec le bailleur, elles seront étalées sur 10 ans. Jusqu’à mes 85 ans…
Je suis énervé par ces travaux qui durent depuis bien trop longtemps. Faire face à une baisse de l’activité, je l’avais anticipé mais je ne pouvais pas imaginer que l’on en arriverait là. Aujourd’hui, pour un malade, il est quasiment impossible d’accéder à la pharmacie noyée au milieu du chantier. La plupart des gens à qui je donne rendez-vous à l’officine se perdent. Le tiers des commerces du forum a fermé et la quasi-totalité des parties communes et impraticable.
J’espère qu’en mars prochain, la situation se sera améliorée, bien que je sois lucide. Je sais bien que tout ne sera pas terminé. J’espère pouvoir réembaucher mes salariés. Lorsque l’on a mis des années à former une équipe, devoir tout reprendre à zéro est compliqué.”
Georges Saint-Pastou s’est tourné vers la Commission de recours amiable (CRA) chargée de fixer les indemnisations. Mais ses trois demandes ont été refusées. “La Commission a estimé que la preuve n’est pas apportée que la baisse de chiffre d’affaires constatée ait pour seule causalité immédiate les travaux de réaménagement du Forum”, écrit la CRA citée par Le Parisien.
Près d’un quart des 200 boutiques du forum a déjà déposé un dossier auprès de la CRA. Celle-ci est composée d’une quinzaine de membres dont des représentants de la Ville de Paris, de la RATP, de la chambre de commerce et d’industrie ou des syndicats. Le bailleur de Georges Saint-Pastou siège également à la commission…
Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin