Elle se vide, mais ne meurt pas. La LMDE, qui fait régulièrement l’objet de rapports accablants, ne gérera désormais plus le régime obligatoire de ses assurés, ni même le régime complémentaire. Elle garde quelques miettes : l’affiliation et la prévention. Pour certains, c’est le début de la fin des mutuelles étudiantes.

 

L’annonce, il y a une quinzaine de jours, de la reprise de la LMDE par l’Assurance maladie n’a pas surpris grand monde. “Il n’y avait juste pas d’autre solution possible ! Ils annoncent qu’ils ont voté ça en assemblée, ils jouent la bienveillance… Mais ils étaient à la ramasse, complètement acculés !”, tacle le Dr Christian Lehmann.

Voilà quelques années que les rapports accablant sur les dysfonctionnements de la LMDE se succèdent. Dernier en date, celui du Défenseur de droits, publié au moment même où la mutuelle étudiante officialisait sa reprise. Et il est cinglant. “La liste des défaillances est longue. Ces difficultés ne sont pas nouvelles et sont régulièrement dénoncées depuis des années (…) sans qu’aucune amélioration significative n’ait été constatée à ce jour”, pointe Jacques Toubon, en mentionnant toutefois que ces graves difficultés ne concernent pas uniquement la LMDE, mais l’ensemble des mutuelles étudiantes, à différents niveaux.

 

“Restaurer la qualité du service”

Une gestion aux conséquences dramatiques pour la santé des étudiants, mais aussi extraordinairement coûteuse. Avec des dettes à hauteur de 90 millions d’euros, malgré les fonds publics versés chaque année par l’Assurance maladie au titre de la délégation de gestion, il était grand temps d’arrêter les dégâts.

Dès la rentrée prochaine, les 920 000 étudiants affiliés au régime obligatoire LMDE, ainsi que les nouveaux inscrits, seront donc pris en charge directement par l’Assurance maladie. “Ce travail entre l’Assurance maladie et la LMDE est engagé depuis novembre. Il va permettre de restaurer la qualité du service. C’est la première des exigences”, a assuré Nicolas Revel, directeur général de la Cnamts, qui table sur une économie globale nette de 8 à 10 millions d’euros par an, grâce à des économies d’échelle. L’Assurance maladie – qui récupère au passage les 480 salariés de la mutuelle étudiante au moment où elle est censée réduire drastiquement ses coûts – gèrera donc l’ouverture des droits, les remboursements, la communication avec les assurés. Elle s’engage à des remboursements en moins de 7 jours, des réponses aux e-mails en moins de deux jours ouvrés et promet même la mise en place d’une cellule de conciliation pour le traitement “attentionné” des situations les plus complexes.”Nous allons reprendre les 1,5 million de dossiers qui n’ont pas trouvé de dénouement jusqu’ici”, assure la Cnamts. Une intention louable, même si d’autres chiffres font état de 3 à 5 millions de feuilles de soins abandonnées par piles dans des étagères poussiéreuses.

 

“On maintient la LMDE pour qu’ils répondent aux questions des étudiants ? Mais c’est ce qu’ils font de plus mal !”

La LMDE, qui est par ailleurs en cours de négociations pour que ses activités de complémentaires soient reprises par Intériale, mutuelle des policiers notamment, est donc complètement vidée. “Elle restera un acteur central de l’affiliation et de la prévention”, indique seulement Nicolas Revel. Une centaine de postes sont malgré tout maintenus, et la LMDE continuera de recevoir quelques 5 millions d’euros annuels des pouvoirs publics. Soit un peu plus de 5 euros par étudiant, au lieu des 52 versés jusqu’à présent.

“Mais à quoi bon maintenir une vitrine vide ? Juste pour toucher quelques euros de ristourne et distribuer des préservatifs ?”, s’interroge Catherine Procaccia, sénatrice UMP, à l’origine d’un rapport d’information, qui dès 2012, pointait de graves dysfonctionnements au sein des mutuelles étudiantes. “Non, la LMDE ne va pas être complètement désossée. Nous allons guider, accompagner les étudiants dans les méandres de la protection sociale”, assure Anne-Marie Cozien, administratrice provisoire de la LMDE. Une idée qui fait bondir la sénatrice. “On maintient la LMDE pour qu’ils répondent aux questions des étudiants ? Mais c’est ce qu’ils font de plus mal !, s’indigne Catherine Procaccia. La solution, c’est que l’Assurance maladie gère tout une fois pour toutes.”

Mais ce n’est pas au programme. Officiellement, pour “prendre en compte les spécificités du régime étudiant et s’appuyer sur le savoir-faire de la LMDE”, assure Nicolas Revel. “C’est du pipeau !, conteste Christian Lehmann. Les jeunes ont les mêmes spécificités en santé, qu’ils soient étudiant ou pas.” Concernant la survie artificielle de la LMDE, le Dr Lehmann a son idée sur la question.”L’Unef et les Jeunes socialistes veulent garder un accès aux étudiants pour les recruter… On n’utilise pas la santé pour faire du lobbying syndical, c’est une honte !”

Historiquement main dans la main depuis des décennies, le Parti socialiste ne devrait pas être celui qui mettra un point final au régime étudiant. Pourtant, les choses évoluent lentement. “Avec Internet et les réseaux sociaux, le silence mis en place par l’Unef au sujet de la LMDE se brise. Les scandales commencent à se savoir”, estime Christian Lehmann. En novembre dernier, le Sénat a même approuvé la proposition de la sénatrice Catherine Procaccia visant à supprimer les mutuelles étudiantes et à maintenir les étudiants sous le régime de leurs parents. “Quelques collègues socialistes trouvent aussi que c’est la bonne solution, mais tant que le gouvernement n’aura pas pris de position officielle, ils ne pourront rien dire”, confie Catherine Procaccia.

 

“Encore quelques années et on en aura fini avec le régime étudiant”

Si la mesure a été votée au Sénat, il faut encore qu’elle passe à l’Assemblée nationale. Et c’est une autre histoire. “Le groupe UMP et Christian Jacob sont frileux pour l’inscrire à l’ordre du jour”, indique la sénatrice qui ajoute que les mutuelles concurrentes de la LMDE mènent un lobbying actif auprès des parlementaires pour éviter toute suppression du régime.

Mais l’accord conclu par l’Assurance maladie avec la LMDE pourrait-il être mis en place au cas par cas avec d’autres ? “Ce n’est pas le premier ni le dernier régime avec qui nous nouons des partenariats de ce type”, assure le directeur général de la Cnamts, Nicolas Revel, en citant le rapatriement prochain des fonctionnaires ou des employés des mines dans le giron de l’Assurance maladie. Pour autant, il se défend de tout “tour de chauffe” avant une réintégration des autres mutuelles étudiantes. “Nous répondons aux sollicitations qui nous sont adressées”, indique Nicolas Revel.

Malgré tout, la sénatrice Catherine Proccacia veut y croire. “S’il faut voir quelque chose de positif dans cette reprise de la LMDE, c’est que c’est la première étape du démantèlement d’un système de sécu étudiante qui ne se justifie plus !, assure-t-elle. On a fait du chemin, les choses évoluent enfin. Encore quelques années et on en aura fini avec le régime étudiant.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier