Invités à Matignon par le Premier Ministre dans le cadre de l’organisation prochaine, en janvier, de la conférence nationale de Santé, la délégation de la CSMF, représentée par son Président, le Dr Jean-Paul Ortiz et par sa Vice-Présidente, le Dr Béatrice Fazilleaud, a décidé de boycotter la conférence et les travaux préparatoires de l’événement. Une réponse embarrassante pour Manuel Valls, campé sur la mise en place du tiers-payant généralisé.
Le Premier Ministre a reçu le 1er juillet à Matignon, en présence de Marisol Touraine, les représentants des syndicats médicaux et des futurs ou jeunes médecins. Comment s’est déroulée cette rencontre ?
Dr Luc Duquesnel, Président de l’UNOF-CSMF. Elle s’est déroulée comme on le pensait, on n’en attendait rien et on n’a donc pas été déçus. Aux lendemains de la grande manifestation qui a mis 50 000 médecins dans les rues de Paris contre la loi de Santé, dont énormément de médecins généralistes, le Premier Ministre nous avait annoncé qu’il allait réunir une Conférence Nationale de Santé, après le vote de la loi. Globalement, cela revenait à dire qu’il ne tenait pas compte des préoccupations que les médecins généralistes ont exprimées en manifestant aussi nombreux dans Paris.
La loi sera donc votée en octobre 2015 par le Parlement et le Premier Ministre organise une grand-messe en janvier 2016. A noter qu’au début de la rencontre, avant de nous expliquer le contenu des trois chapitres qui y seront développés, le Premier Ministre a montré sa grande irritation et son opposition au mouvement de désobéissance civile lancé par la CSMF contre le tiers payant généralisé et pour les titulaires de l’Aide à la Complémentaire Santé (ACS). Cela montre à quel point l’action des médecins libéraux et des médecins généralistes, dans le cadre de ce mouvement de désobéissance civile, fait peur au gouvernement. Sinon, Manuel Valls n’en aurait pas parlé. Cela désigne également l’enjeu de demain et l’enjeu de ces élections.
Marisol Touraine s’est-elle exprimée ?
Oui, elle a rappelé le fil conducteur de sa loi en faveur du secteur ambulatoire et pour la déshospitalisation alors que dans les faits, c’est tout l’inverse. Le gouvernement est très embêté par notre boycott de la mise en place de la Stratégie Nationale de Santé. Il va se retrouver seul avec MG France et les syndicats de jeunes pour définir la médecine de proximité de demain. Ce n’est absolument pas représentatif des médecins généralistes libéraux.
Comment s’exprime la contestation de la loi de santé sur le terrain ?
D’abord, on voit naître ici et là, des mouvements de médecins généralistes essentiellement, qui manifestent leur opposition à la loi. Ils s’expriment car leur situation ne cesse de se détériorer en termes de démographie médicale, de rémunération déphasée du contenu de nos actes, de tâches administratives de plus en plus lourdes, de perte de liberté – je pense aux prescriptions. L’Assurance Maladie vient juste d’annoncer qu’elle encadrera encore plus les prescriptions, en 2016-2017. On va nous demander de remplir un document de trois pages pour une prescription d’hypocholestérolémiant, on marche sur la tête ! Mais nous sommes en juillet, les médecins sont fatigués et les vacances d’été se préparent dans des conditions parfois difficiles car il devient très difficile, dans certaines zones, de trouver des remplaçants.
Donc, on prépare la rentrée qui va être rythmée par une campagne pour les élections aux Unions professionnelles d’une part, et l’examen au Sénat de la loi de santé d’autre part. Mais, pour ce second dossier, on sait bien que les dés sont pipés puisque, dans le cadre de la procédure accélérée qui a été retenue par le gouvernement, l’aller-retour Assemblée-Sénat laissera peu de place à l’évolution de cette loi puisqu’au bout du bout, ce sera l’Assemblée nationale qui décidera. D’ailleurs, lors de la rencontre du 1er juillet, Manuel Valls a bien rappelé sa volonté d’imposer le tiers-payant généralisé.
Comment s’organise la campagne pour les élections aux URPS ?
Voilà un moment que l’on travaille, mais elle va réellement commencer début septembre, on ne va pas faire la tournée des plages cet été. Le temps de la campagne sera relativement restreint, il se terminera le 27 septembre au soir. Nous sommes en contact serré avec nos représentants dans les départements pour travailler à partir du constat qui remonte des médecins de terrain, et développer chaque proposition portée par l’UNOF-CSMF dans son programme.
Un enjeu très important pour notre syndicat, c’est de faire comprendre aux médecins qu’après la grande manifestation unitaire du 15 mars, l’unité ayant été nécessaire pour mener à bien un tel mouvement, les enjeux au niveau des URPS seront différents. Il s’agit de déterminer qui représentera les médecins généralistes pour la négociation de la convention 2016, et qui sera à la tête des URPS médecins libéraux, derniers remparts contre les Agences Régionales de Santé (ARS) qui feront tout pour mettre à mal les organisations des cabinets médicaux et essayer de contractualiser individuellement avec les médecins.
Très clairement, pour l’UNOF-CSMF, les syndicats, ce n’est pas blancs bonnets et bonnets blancs ! On l’a bien vu à l’occasion de la constitution du comité de pilotage de la Conférence nationale de Santé, c’est même caricatural : il n’y a qu’un seul médecin généraliste, et il est d’obédience MG France, fervent partisan du tiers payant généralisé pour tous ! Il ne faut pas oublier que le programme santé du candidat François Hollande pour les soins ambulatoires, c’est le programme de MG France.
Et on voit bien depuis 18 mois, qu’après avoir été le seul syndicat à valider la Stratégie Nationale de Santé, MG France essaie de se démarquer, très mal à l’aise, tant il se rend compte de la réaction des médecins sur le terrain, car 85 % d’entre eux ne veulent pas du tiers payant pour tous. Donc, il y a des effets de manche, des gens qui disent “non”… mais les médecins généralistes de terrain doivent savoir que cette loi de santé était portée par un syndicat, MG France. Et que Manuel Valls a choisi pour siéger dans le comité de pilotage de la Conférence nationale de santé, un membre de ce syndicat ami pour instaurer le tiers payant pour tous.
La rentrée de l’UNOF-CSMF sera donc très chaude…
Absolument. Nous serons amenés à suivre très attentivement les amendements qui seront déposés au Sénat car on connaît le projet de loi de santé, mais tout le monde peut déposer à nouveau des amendements. On avait réussi à faire supprimer certaines choses du texte adopté par l’Assemblée concernant le démantèlement du métier, je pense notamment à la vaccination chez le pharmacien, ou aux infirmières cliniciennes. Il nous faudra être très vigilant pour que ces amendements qu’on avait réussi à repousser par la porte, ne reviennent pas par la fenêtre. Septembre sera aussi le temps de la campagne.
Toujours très à l’écoute et au plus prés des médecins de terrain, l’UNOF-CSMF saura expliquer le programme qu’elle développera dans le cadre de la prochaine négociation conventionnelle.