Faut-il acheter ou louer son cabinet ? La question se pose inévitablement pour tous les médecins désireux de s’installer en libéral. Si acheter était une réponse évidente il y a quelques années, cette solution est clairement remise en question aujourd’hui. Inquiets pour l’avenir de leur métier, les jeunes généralistes ne souhaitent plus avoir “un fil à la patte”.

 

“Mon futur cabinet dans la MSP [maison de santé pluridisciplinaire]. Acheter ou louer ?” Le 15 mars dernier sur le réseau social Twitter, Dr Kalee* ouvrait le débat. Et les multiples réponses de médecins ont été unanimes. “N’achète jamais”, l’a mis en garde Fluorette*, généraliste installée dans l’est de la France, avant d’ajouter : “Aujourd’hui, je dois partir. Personne ne veut racheter. J’ai un boulet au pied. Je vais partir et continuer de rembourser un local où je ne travaille pas et qui ne m’apporte rien”.

Finalement, le Dr Kalee a écouté les conseils des internautes et a opté pour la location. “J’avais envisagé l’achat, histoire de ne pas payer de loyer à perte. D’autant qu’en ce moment les taux sont très bas, et le loyer demandé par la mairie est assez élevé. Les mensualités de l’emprunt auraient pu être inférieures au loyer. Mais j’ai beaucoup entendu parler de mauvaises expériences. L’avenir de la médecine libérale est trop incertain. Le système ne sera peut-être plus viable dans quinze ans. Finalement, payer un loyer à perte, c’est le prix de la liberté”, nous confiait-elle quelques mois après avoir lancé le débat sur la Toile.

 

“Mon choix de départ était l’achat… Puis j’ai changé d’avis”

Comme ce praticien de 33 ans, Un Druide*, généraliste breton, qui s’est également posé la question de l’achat ou de la location de son cabinet. “Mon choix de départ était l’achat. Ça me semblait évident. Puis j’ai changé d’avis”, explique-t-il.

Passionné par son métier, ce praticien n’imagine pas une seconde renoncer à la médecine générale mais se sent “rassuré par la location”, notamment “en cas de pépin”. Car au-delà de la situation de la médecine générale, l’achat de cabinet impose de respecter des règles strictes, notamment sur le plan des normes d’accessibilité (voir encadré). “J’ai reçu une proposition de reprise d’un cabinet qui n’était pas aux normes. La réponse était non. L’accessibilité est une condition sine qua non”, estime-t-il. Plutôt que d’investir, il s’est donc laissé séduire par la location d’un cabinet pour la somme de 300 euros par mois. Un geste de sa collectivité destiné à séduire les généralistes.

 

“Je n’avais pas envie d’avoir un fil à la patte”

Adishatz*, jeune généraliste installée seule en milieu rural, ne débourse aussi que 350 euros de loyer. Si elle a envisagé de construire un cabinet plus grand afin de pouvoir travailler en groupe, elle en a été dissuadée par son courtier. “Un local médical ne vaut pas grand chose, à la différence d’un appartement ou d’une maison. L’investissement aurait été important, et les locaux auraient pu me rester sur les bras”, a-t-elle jugé, avant de conclure : “Je n’avais pas envie d’avoir un fil à la patte”.

Paradoxalement, si le Doc du 59* partage les craintes à l’achat d’Adishatz, il a pris la décision de sauter le pas. “Je ne me suis pas dit dès le départ que je voulais acheter. J’aurais préféré louer un local à la mairie, cela m’aurait rassuré”, confie-t-il. Finalement, les circonstances l’ont mené à investir 175 000 euros destinés à construire avec deux confrères son futur cabinet. “Il y a quelque chose qui m’angoisse dans l’achat. Je n’ai pas la crainte de ne pas parvenir à payer mes traites mais plutôt de me retrouver avec ce bâtiment sur les bras plus tard. Je me dis que cet argent dépensé sera peut-être perdu”, avoue-t-il.

Comme tous ces jeunes généralistes, de plus en plus de médecins reculent désormais devant l’achat. La tendance est clairement ressentie par le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir). “Nous voyons de moins en moins d’achats. En revanche, à l’inverse, de plus en plus de médecins louent leur cabinet à des communes qui pratiquent des tarifs avantageux. Le statut de collaborateur séduit également de plus en plus. C’est une sorte de choix intermédiaire”, indique le Dr Jacques Olivier Dauberton, président de Reagjir. Autre constat, les jeunes généralistes sont de plus en plus nombreux à s’installer en exercice regroupé au sein d’une société civile de moyens (SCM). “La société a évolué et les médecins aussi. Leur conjoint(e) travaille et peut être amené à bouger. Les généralistes ne se projettent plus quarante ans au même endroit. Ils souhaitent diversifier leurs modes d’exercice”, conclut le Dr Dauberton.

 

* Pseudos sur le réseau social Twitter.

 

La question de l’accessibilité

Les cabinets médicaux devront réaliser leurs travaux d’accessibilité avant 2018 sous peine de lourdes sanctions financières, voire de peines d’emprisonnement. En pratique, les cabinets médicaux devront d’abord déclarer si leurs locaux sont accessibles. Sinon, ils auront un an pour déposer un dossier d’Ad’Ap (agenda d’accessibilité programmé) en mairie. Sans réponse de la préfecture sous quatre mois, le dossier sera considéré comme accepté. S’ouvrira alors un délai de trois ans pour réaliser les travaux de mise aux normes.

Les établissements qui ne déposeront pas d’Ad’Ap ou qui ne respecteront pas leurs obligations d’accessibilité seront passibles d’une sanction de 2500 euros. Ils risquent des poursuites pénales, 45000 euros d’amende et, en cas de récidive, jusqu’à trois ans de prison.

Cinq types de dérogation sont possibles :

– en cas d’impossibilité technique ;
– en cas de patrimoine classé ;
– en cas de “disproportion manifeste” (si le coût des travaux met en péril la survie financière du cabinet) ;
– si le cabinet est en copropriété et que cette dernière s’oppose à la réalisation de travaux sur les parties communes ;
– lorsque le praticien prévoit de partir à la retraite dans un délai de douze mois.

 


Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin